Il y a 31 ans, les troupes soviétiques quittaient la Tchécoslovaquie

Le départ des troupes soviétiques de Frenštát

Pour la première fois cette année, le 25 juin a été célébré en République tchèque comme une journée du souvenir, commémorant le départ des troupes soviétiques de l’ancienne Tchécoslovaquie après la révolution de Velours et, plus généralement, la fin de toutes les occupations militaires du territoire tchèque. Il y a 31 ans jour pour jour,  le 27 juin 1991, le dernier membre de l’armée soviétique, le général  Edouard Vorobïev, quittait le pays.

« Bonne chance aux Ukrainiens pour se débarrasser de l‘occupant russe plus vite que nous », a tweeté à cette occasion, ce lundi matin, le ministère tchèque de la Défense. Le 25 juin 1991, le protocole sur l'achèvement du retrait des troupes soviétiques du territoire tchécoslovaque a en effet été signé.

Après la chute du rideau de fer, la Tchécoslovaquie a été le premier pays de l’ancien bloc de l’Est à organiser, dès février 1990, le départ des troupes soviétiques, installées dans le pays pendant vingt-deux ans et l’écrasement du Printemps de Prague. L’invasion de la Tchécoslovaquie par les Soviétiques et leurs alliés, en 1968, a mis fin à la libéralisation du régime tchécoslovaque. Historien et directeur des archives de la ville d’Olomouc, Pavel Urbášek se souvient des premiers jours de l’occupation :

Pavel Urbášek | Photo: Aleš Spurný,  ČRo

« Lorsque les troupes du pacte de Varsovie ont envahi le pays, le 21 août 1968, ce sont d’abord les soldats polonais qui se sont installés à Olomouc. Ensuite, ils ont été remplacés par les Soviétiques qui ont vécu ici dans des conditions provisoires jusqu’en octobre. Ensuite, un traité entre les gouvernements de Moscou et de Prague sur le soi-disant séjour temporaire des troupes soviétiques a été conclu. Par conséquent, Olomouc est devenue une importante ville de garnison pour l’armée soviétique. Les soldats étaient basés à la fois à Olomouc et dans la zone militaire voisine de Libavá. »

Appréciée pour sa position stratégique au cœur de l’ancienne Tchécoslovaquie, la ville morave était également un important nœud ferroviaire. Avec Milovice, une commune de Bohême centrale où était installé l’état-major, Olomouc était alors la deuxième base militaire soviétique dans le pays. Pavlína a des souvenirs d’enfant de cette époque :

Anciens bâtiments militaires soviétiques à Olomouc | Photo: Olga Vasinkevich,  Radio Prague Int.

« Il y avait un commerce russe à Olomouc. Les soldats russes y faisaient leurs courses, mais les Tchèques pouvaient y aller aussi. Je pense ce magasin était mieux approvisionné que les commerces tchèques de l’époque. On y vendait des produits tchèques et russes aussi, des sucreries par exemple. »

L’armée soviétique a construit dans le pays occupé de nombreux bâtiments : des dortoirs pour les soldats et des appartements destinés aux officiers, ainsi que des écoles, des hôpitaux et des centres culturels. Souvent, ces édifices n’étaient pas conformes aux règles de construction tchécoslovaques, comme l’a raconté pour le site Pamět národa (Mémoire de la nation) l’ancien forestier Jindřich Machala qui a travaillé dans la zone militaire de Libavá :

« Il s'agissait de bâtiments construits sans permis. Ils n’avaient pas d’isolation et ils étaient connectés à l'électricité, sans se soucier de savoir si le réseau électrique pouvait le supporter. C'était un développement complètement chaotique, sans parler des réservoirs d’essence et de pétrole souterrains près des zones d’habitation. Les fuites de pétrole étaient une chose courante. Après le départ des soldats, l’exploitation des bâtiments abandonnés a posé un énorme problème aux municipalités. »

Le départ des troupes soviétiques | Photo: W. Kiselew,  Archiv RIA Novosti,  Bild #32918/Wikimedia Commons,  CC BY-SA 3.0

A Olomouc, Jitka habite depuis vingt ans dans un appartement qui appartenait à un officier russe :

« On m’a donné cet appartement, mais à condition que je le répare à mes frais. Heureusement, le mien était bien entretenu, mais d’autres étaient terriblement dévastés. »

L’historien Pavel Urbášek se souvient, lui aussi, des détails de la vie quotidienne :

« Dans les rues, on ne croisait que les officiers, pas les soldats. Les officiers portaient un long manteau d’hiver gris, des bottes et une casquette ronde qui nous faisait penser à un disque vinyle. Habituellement, l’officier était accompagné d’un soldat qui portait ses affaires. Les femmes sortaient en groupe, surtout dans les années 1970. On les reconnaissait facilement, parce qu’elles portaient des manteaux et des chapeaux en fourrure en hiver. Mais peu à peu, les différences ont disparu. A la fin des années 1980, on ne pouvait plus distinguer les familles russes des autres habitants d’Olomouc. »

La cohabitation des Tchèques et des Soviétiques était évidemment problématique. Pavel Urbášek :

La zone militaire de Libavá | Photo: Archives de Jindřich Machala/Paměť národa

« Il y avait des bagarres, des incidents de harcèlement sexuel et des viols aussi. Les cambriolages de maisons de campagne dans la région de Libavá étaient fréquents. Un soldat d’Olomouc a même été accusé de meurtre d’une femme et de ses enfants, c’était l’incident le plus grave à l’échelle nationale. (…)  Je me souviens que pendant la révolution de novembre 1989, les habitants d’Olomouc souhaitaient trois choses : que le parti communiste quitte le pouvoir, qu’on organise des élections libres et que les soldats russes partent. Quand même : ils étaient plus de 70 000 dans toute la Tchécoslovaquie. »

A ce chiffre s’ajoutent les 40 000 membres des familles des soldats qui ont définitivement quitté la Tchécoslovaquie en juin 1991. Quelque 1 220 chars, plus de 2 500 véhicules militaires et blindés, près de 250 avions et hélicoptères, ainsi que des dizaines de milliers de tonnes munition ont également été transportés vers l’Union soviétique. L’Armée soviétique a laissé derrière elle d'immenses dégâts matériels et écologiques qu’elle n’a jamais réparés.

Si la Tchécoslovaquie a donc été le premier pays post-communiste à organiser le départ des troupes soviétiques, la Pologne a attendu jusqu’en 1993 et l’ex-Allemagne de l’Est jusqu’en 1994 pour que le dernier soldat soviétique quitte leur territoire.

Le départ des troupes soviétiques | Photo: ČT24
Auteurs: Magdalena Hrozínková , Olga Vasinkevitch
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