50 ans depuis la tragédie de Babice

50 ans se seront écoulés depuis l'un des actes de représailles les plus cruels du régime communiste. Suite à l'assassinat, le 2 juillet 1951 à Babice, de trois fonctionnaires communistes, le régime a déclenché des procès dans lesquels au total 111 personnes ont été condamnées, dont sept à mort. 50 ans après l'événement, l'Office de documentation et d'enquête sur les crimes du communisme vient avec des révélations nouvelles sur cette affaire. Il en ressort que l'assassinat des trois hommes n'était pas une oeuvre de la police politique secrète, la StB, comme on le croyait, mais un acte de la résistance anticommuniste. Ceci ne change cependant rien sur le fait que le régime communiste en a abusé pour une démonstration de sa force, que les procès ont été montés de toute pièce, les verdicts décidés d'avance. Que s'est-il passé, il y a 50 ans, à Babice?

Babice est une commune morave, à 17 kilomètres de la ville de Trebic. Nous traversons la place de Babice, avec l'église de la Sainte-Trinité, nous passons près de la chapelle Sainte-Véronique érigée pendant les guerres napoléoniennes. Notre but, c'est l'école de Babice. Cette ancienne école catholique de 1806 est devenue, en 1951, le théâtre d'un drame: trois fonctionnaires communistes du comité national y ont été tués. Jusqu'à présent, les historiens ont considéré cet assassinat comme un acte de provocation de la police politique secrète, la StB, qui a servi de prétexte aux communistes pour déclencher l'une des représailles les plus monstrueuses des années 50.

Des documents inédits, publiés à la récente conférence consacrée à l'affaire de Babice, montrent que le meurtre a été une action d'un groupe de résistance anticommuniste qui voulait renouer avec la lutte de partisans contre l'occupant nazi pendant la guerre.

Dans les années 50, le régime communiste tchécoslovaque commençait à avoir des problèmes. La collectivisation de la campagne se heurtait à une vive opposition, notamment en Moravie. La région de Trebic a été l'une de celles où les manifestations de résistance étaient les plus puissantes: des séries d'incendie dans des champs, des granges brûlées... Derrière ces actes, il y avait le plus souvent des paysans eux-mêmes, puisqu'ils refusaient de remettre leurs fermes entre les mains de l'Etat, mais aussi les membres de la troisième résistance. Ces derniers étant résolus à renouer avec la deuxième résistance des années de guerre. Leurs chances étaient cependant minimes. Lutter contre le régime, cela signifiait lutter contre leurs propres concitoyens, non pas contre un occupant étranger... La commune de Babice fournit pourtant un exemple de la résistance anticommuniste armée. Que s'est-il passé exactement ce 2 juillet 1951?

Un certain Ladislav Maly considéré, jusqu'à présent, comme un agent de la StB, avait, dans les années 50, organisé autour de lui un groupe de combattants contre le communisme qui, en dépit de nombreux avertissements, le croyaient: la plupart d'entre eux étaient très jeunes. Selon certaines sources, Maly était un homme plutôt instable, mais très ambitieux. Il souhaitait s'inscrire dans l'histoire. Le groupe a commencé la résistance en brûlant des granges autour de Babice. Le 2 juillet 1951, quatre membres du groupe ont envahi l'école où siégeaient des fonctionnaires communistes. Maly a ouvert, impulsivement, le feu contre trois d'entre eux, morts sur place. Après le tir, le groupe s'est caché dans des champs. La police les a trouvés, le jour suivant. Lors d'un échange de tir, un membre du groupe, Antonin Plichta, a été tué. Ladislav Maly meurt lui-aussi, mais, de certaines sources, il n'est pas sûr si c'est sous les balles de la police ou par sa propre main...

Des procès-éclair ont été organisés. Deux autres membres du groupe, qui s'étaient sauvés, ont été condamnés à mort. Sept verdicts de peine capitale, dont deux contre des prêtres, et sept condamnations à perpétuité, ont été prononcés. Au total 111 personnes, des environs proches et éloignés de Babice, ont été condamnées. Des centaines de personnes innocentes sont devenues les victimes des représailles. Des familles entières ont été déplacées, involontairement, dans des régions limitrophes. L'événement a marqué la vie de toute la Moravie du sud-ouest.

Que disent certains historiens sur cette affaire. A leur avis, il est trop tôt pour faire des conclusions définitives. En dépit des faits nouveaux, l'affaire reste ouverte et beaucoup de points sont à éclaircir. En ce qui concerne la réhabilitation des victimes, elle n'a commencé qu'en 1990, où 8 personnes ont été réhabilitées. En 1996, la Cour supérieure a aboli les autres peines. L'Office de documentation et d'enquête sur les crimes du communisme est en train de réunir des pièces à conviction contre le juge d'alors, Pavel Vitek, qui avait envoyé à la mort ou en prison des gens innocents. On peut dire que l'affaire Babice reste ouverte, 50 ans après. Elle préoccupe les habitants de Babice, des historiens, des chercheurs.