60 ans depuis les premières déportations de Juifs tchèques

60 ans se sont écoulés, le 16 octobre, depuis les premières déportations de Juifs tchèques. La ville de Terezin, en Bohême du nord, a été l'une des destinations.

D'après un recensement effectué en l'an 1931, 131 000 Juifs vivaient en Bohême, en Moravie et en Silésie. Avant la Seconde Guerre mondiale, leur nombre a baissé pour atteindre près de 118 000. L'exode des Juifs a commencé après l'avènement des nazis au pouvoir en Allemagne voisine et s'est poursuivi après l'annexion de la Bohême et de la Moravie par le Reich allemand, bien que dans des conditions plus difficiles. Entre 1939 - 1941, des dizaines de lois éditées ont privé les Juifs de leurs droits civiques. Ils étaient exclus de la vie publique et économique, ne pouvaient pas exercer les métiers de médecin et d'avocat, étaient isolés du reste de la population et privés de leurs biens. Le 16 octobre 1941, les premières déportations de Juifs ont commencé.

Seulement après 1989, on a pu établir une base de données sur les 81 000 Juifs tchèques déportés dont seulement 10 500 ont survécu. Cette base ne permet cependant pas de mesurer la dimension spirituelle de ce plus grand pogrome dans l'histoire de l'humanité. L'Initiative de Terezin, à laquelle nous devons la réunification de ces données, estime que toute la question est de savoir comment transmettre au monde les destinées des hommes oubliés et inconnus, des personnalités aussi marquantes que Jakob Edelstein, Rafael Schächter, ou Hanus Hachenburg, jeune poète qui n'a eu que 14 ans. Des 10 500 prisonniers survécus, une petite partie seulement s'est fixé, après la guerre en Tchécoslovaquie. Un millier d'émigrés sont retournés, de même que plus de 2000 soldats du front occidental. L'Initiative de Terezin rappelle que des soldats juifs ont combattu dans la division tchécoslovaque en France, en 1940, dans la royale Air Force britannique, dans l'unité du général Klapalek au Moyen-Orient, près de Dunkerque, Dukla, et ailleurs. Le nombre de Juifs dans les pays tchèques, après la guerre, est évalué à 24 000, dont environ 19 000 ont déménagé, avant 1949, dans l'Etat d'Israël. Ceux qui sont restés ne se réclamaient pas de leur religion ni de leur ethnie, par craintes pour leur existence. Beaucoup ont adopté l'idée d'une société socialiste. Le coup qui les a frappés, en 1951, a été d'autant plus dur: une nouvelle vague d'antisémitisme s'est levée, plusieurs Juifs ont été condamnés lors de procès politiques. Hélas, les hostilités n'ont pas cessé, après la chute du régime, en 1989. Elles sont ravivées par des groupes d'extrême-droite, et de skinheads. Est-ce si longtemps depuis, peut-on oublier une expérience aussi atroce?

L'Initiative de Terezin, fondée en 1990 par ceux qui ont survécu fait tout pour que l'holocauste ne soit pas oublié. C'est elle qui a édifié, par ces propres moyens, le Musée du ghetto à Terezin, l'un des 5 monuments les plus visités en République tchèque, ouvert au public en 1991.

Terezin est une ville historique, à 60 kilomètres au nord de Prague. Elle s'est fait remarquer par une citadelle édifiée, en 1780, sous l'empereur Joseph II et servant, depuis le 19e siècle de prison. En 1941, cette ancienne forteresse a été transformée par la gestapo en ghetto juif. Terezin n'a pas été un camp d'extermination. Il y n'avait pas de chambres à gaz. Les nazis y concentraient des Juifs de Bohême, de Moravie, de Pologne, de Slovaquie, de Hongrie, des Pays-Bas, du Danemark, d'Autriche et d'Allemagne. Le premier train transportant des Juifs tchèques y est arrivé le 16 octobre 1941. En 62 étapes, 81 000 Juifs tchèques ont été transportés à Terezin. D'ici, beaucoup ont continué leur chemin douloureux vers des camps de Treblinka, Auschwitz, Bergen-Belsen, Riga, Varsovie et autres. Bien que Terezin n'ait pas été un camp de liquidation, 33 430 personnes y ont trouvé la mort, à la suite des mauvaises conditions hygiéniques, de sous-alimentation, des maladies, des souffrances physiques et psychiques. C'était presque un quart de tous les prisonniers passés par Terezin.

Sur ces lieux de la plus triste mémoire se trouve, aujourd'hui, le Musée de Terezin. On peut entrer et revivre l'histoire de l'holocauste. L'émotion est forte et elle est encore accentuée par le cadre de l'ancienne forteresse: de puissantes murailles en briques rouges, des fossés qui pouvaient à tout moment être remplis d'eau. Les intérieurs sont obscures, humides et très, très froids...

A l'occasion du 60e anniversaire des premières déportations, une nouvelle partie de l'ancien ghetto a été rendue accessibles au public: le crématorium et le columbarium. La parole est au directeur du Mémorial de Terezin, Jan Munk:

"Ces lieux ont en soi une atmosphère de piété très forte... Ils permettent, enfin, d'y installer des plaques portant les noms de ceux dont la tombe est inconnue ou qui n'ont pas de tombe... Après la transformation de la ville en camp de concentration, les nazis ont aménagé, dans une partie des casemates, la morgue et le columbarium où ils conservaient des cendres en urnes de bois ou de papier. La croissance de la mortalité a exigé la construction d'un crématorium terminée en octobre 1942. Avec l'approche de la fin de la guerre, les nazis ont enfoui environ 3000 urnes dans une fosse près de Litomerice, et jeté les cendres de plus de 22 000 urnes dans les eaux de la rivière Ohre."

Un petit cimetière se trouve près du crématoire. Les pierres ne portent pas de nom. L'endroit est divisé en deux parties, celle où on enterrait selon le rite juif, et l'autre où reposent des prisonniers chrétiens entraînés à Terezin, selon la classification des lois de Nuremberg.

A la fin de la cérémonie commémorative à l'occasion du 60e anniversaire des premières déportations de Juifs à Terezin, le rabbin tchèque, Karol Sidon, a prié pour toutes les victimes de l'holocauste.