70 ans depuis le premier train de déportation des Juifs de Bohême-Moravie
Le 16 octobre 1941, le premier train de déportation des Juifs de Bohême-Moravie partait de Prague. 70 ans se sont écoulés depuis. Dimanche, environ 200 survivants se sont rassemblés à Terezín pour commémorer cette date.
La situation des Juifs de Bohême-Moravie s’était déjà dramatiquement dégradée depuis l’invasion et l’occupation de la Tchécoslovaquie et la création du Protectorat. Le 10 octobre 1941, la décision est prise par le nouveau « protecteur » du Reich, Reinhard Heydrich : c’est le début de la « solution finale de la question juive ». Les nazis ne perdent pas de temps. Le premier train part de Prague, direction deux ghettos prévus à cet effet : Lodz en Pologne et Terezín dans le nord de la Bohême. Pour Toman Brod, historien, ancien prisonnier, la déportation n’est que l’étape suivante d’un processus d’exclusion et de ségrégation de la communauté :
« Ce n’était plus ni la phase sociale, ni la phase psychologique, mais la phase physique : on est entré dans la phase d’élimination physique de la communauté juive. Survivre n’était ni une question de choix, ni une question de courage, c’était plus une question de hasard et de chance. »
En à peine trois semaines depuis le lancement de la « solution finale », 5 000 Juifs sont déportés, dont seuls 276 ont survécu. A partir du mois de novembre, la plupart des Juifs du Protectorat sont envoyés à Terezín, ancienne ville de garnison de l’époque de Marie-Thérèse, transformé en ghetto, station intermédiaire avant les convois vers Auschwitz. Michal Frankl, historien au Musée juif de Prague :
« Les transports sont alors organisés par la Centrale de la migration juive, soit l’organisation principale allemande qui était chargée d’appliquer la politique nazie antisémite au sein du Protectorat. Les personnes déportées recevaient un courrier avec des informations précises sur ce qu’ils avaient le droit de prendre avec eux. Pour le reste de leurs biens, ils étaient censés le laisser dans leur appartement placé sous scellés. »On sait évidemment qu’il n’a pas fallu très longtemps pour que ces appartements soient par la suite confisqués et attribués à d’autres personnes. Entre 1941 et 1945, 81 000 Juifs de Bohême-Moravie sont envoyés en camps de concentration, parmi lesquels seuls 10 500 seront libérés.
Dimanche, environ 200 survivants se sont retrouvés au ghetto de Terezin, dans le nord de la Bohême, pour commémorer le tragique anniversaire du début des déportations. A cette occasion, une reconstitution de l’opéra d’enfants Brundibar de Hans Krása a été donnée, auquel certains survivants se sont joints pour la chanson finale. Cet opéra, composé dans le ghetto, avait été à l’époque interprété par les plus jeunes prisonniers de Terezín.Pour l’historien Michal Frankl, la déportation et l’élimination des Juifs ont eu des conséquences irréparables pour les pays tchèques :
« La déportation a eu pour conséquence d’exclure totalement les Juifs de la société tchèque, et celle-ci n’a jamais pu être reconstituée dans son intégralité et dans sa richesse d’antan. »
Et à l’heure où les derniers survivants des camps disparaissent peu à peu, le rassemblent de dimanche rappelle l’importance de la transmission de cette mémoire aux générations suivantes.