A 70 ans, Věra Čáslavská reste une légende bien vivante
Emil Zátopek et Věra Čáslavská : tels sont les noms des deux plus grands sportifs tchèques de l’histoire. Si le nom de Zátopek, synonyme de course à pied, reste aujourd’hui encore connu dans le monde entier, celui de la gymnaste Čáslavská, septuple médaillée d’or aux Jeux olympiques de Tokyo et de Mexico en 1964 et 1968, est, lui, un peu tombé aux oubliettes. La faute à un destin tragique et à un long isolement dont celle qui était en 1968 la deuxième femme la plus populaire au monde après Jacqueline Kennedy n’est sortie qu’il y a quelques années. Ce jeudi, la légendaire Věra Čáslavská fête ses 70 ans et l’événement ne passe pas inaperçu en République tchèque.
« Dès la première note de l’hymne soviétique, l’hymne du pays dont l’armée occupait notre pays, j’ai tout à fait inconsciemment baissé la tête. C’est un geste qui est venu naturellement, de l’intérieur, du fond de mon âme et de mon cœur. »
Car Věra Čáslavská est aussi une femme qui a eu le courage de ses idées et de ses prises de position. Signatrice du Manifeste des 2 000 mots, critique radicale du régime communiste publiée dans la presse qui condamnait l’ingérence soviétique en Tchécoslovaquie, figure du Printemps de Prague, Věra Čáslavská a longtemps souffert de la persécution politique. Il lui fallut attendre la révolution en 1989 pour retrouver la lumière. D’abord conseillère du président Václav Havel, présidente du Comité olympique tchécoslovaque puis tchèque, elle accumule les fonctions de prestige au début des années 1990.
Mais cette époque euphorique est aussi marquée par un drame familial : en 1993, son fils Martin tue son mari lors d’une bagarre dans une soirée trop arrosée. Trois ans plus tard, Martin est condamné à quatre ans de prison. Malgré la grâce présidentielle accordée par Václav Havel, une décision qui donne lieu à une immense vague de protestations dans tout le pays et à une nauséabonde campagne de presse, Věra Čáslavská plonge dans une profonde dépression et un long silence qu’elle ne brisera que dix ans plus tard.
Depuis, l’ancienne gymnaste est réapparue progressivement en public. Lors des Jeux olympiques de Londres, elle jouera même de nouveau le rôle d’ambassadrice sportive qui aurait toujours dû être le sien.
« Je serai là-bas un peu dans le rôle d’un ours ou d’une bête de foire que l’on montre aux autres. Mais cela ne m’empêchera pas d’aller voir les épreuves dont je sais qu’elles seront exceptionnelles, même si le plaisir est aussi de voir certaines disciplines dont on n’a pas l’habitude. Mais ce que je ne veux pas manquer, c’est le concours du javelot féminin, je suis sûre que Barbora Špotáková va gagner et conserver son titre. Mais j’irai voir aussi par exemple les épreuves d’aviron ou de tir, car nous avons de grandes chances de médailles et je porte chance aux autres. »Une chance que les autres n’ont en revanche pas toujours portée à Věra Čáslavská, comme vous pourrez l’entendre et lire plus en détails dans la prochaine rubrique sportive, lundi.