Věra Čáslavská, une fleur au pays des samouraïs
Les Japonais lui ont donné le surnom de « Fleur des Jeux olympiques ». L’empereur, lui aussi sous le charme, lui a offert un kimono. Depuis ses exploits à Tokyo en 1964, et malgré son décès il y a cinq ans, la gymnaste Věra Čáslavská reste, encore aujourd’hui, la Tchèque la plus célèbre au pays du soleil-levant.
Médaillée d’or au concours général, à la poutre et au saut à cheval, mais aussi médaillée d’argent par équipes, Věra Čáslavská, quatre ans avant d’entrer définitivement dans la légende à Mexico, avait déjà marqué de son talent les premiers Jeux de Tokyo, à une époque où les postes de télévision étaient encore un bien de luxe pour une majorité de la population dans le monde.
Et comme en témoignent le sabre de samouraï offert par un admirateur, l’Ordre du soleil-levant dont elle a été décorée en 2010 ou les nombreux reportages qui lui ont été consacrés par la télévision nippone, l’empreinte qu’a laissée la gymnaste tchèque dans l'esprit et le cœur du public japonais est durable. Dans le superbe documentaire d’Olga Sommerová « Věra 68 » consacré à sa vie, tragique, Věra Čáslavská avait confié comment, lors des épreuves olympiques, cette immense admiration réciproque était née :
« J’ai tout de suite ressenti ce contact extraordinaire, le courant qui passait entre le public et moi. C’était quelque chose d’incroyable, comme un aimant tellement l’attirance était forte. Je ne m’explique même pas très bien cette fascination, je me suis souvent demandé comment cela était possible entre les Japonais, avec leur mentalité complètement différente de la nôtre, et moi, simple jeune fille de la lointaine Tchécoslovaquie. »
Si, pour la capitale japonaise, aujourd’hui sous la menace du coronavirus mais déjà contrainte de renoncer à accueillir l’événement en 1940 en raison de la politique agressive du pays vis-à-vis de la Chine, l’organisation des Jeux s’apparente à une mission maudite, pour les Tchèques, en revanche, leur déroulement en 1964 reste synonyme de formidable réussite.
Avec quatorze médailles, dont cinq d’or, ramenées à Prague, les 104 sportifs tchécoslovaques présents à Tokyo, en pleine guerre froide, ont contribué à mieux situer le petit pays d’Europe de l’Est aux frontières hermétiques sur la carte du monde. Neuvième au classement des nations, la Tchécoslovaquie a achevé ces Jeux, organisés pour la première fois de l’histoire sur le sol asiatique, avec un meilleur bilan que la Grande-Bretagne, la France ou le Canada...
Et si seulement neuf sportives tchécoslovaques – essentiellement des gymnastes - y ont participé, c’est pourtant bien l’une d’entre elles, Věra Čáslavská donc, qui en est revenue reine. Comme les Mexicains quatre ans plus tard, les Japonais sont eux aussi tombés sous le charme de cette jeune femme de 22 ans aux formes élégantes, aux longs cheveux blonds coiffés en chignon et aux mouvements d’une grâce digne de celle de ses grandes rivales soviétiques.
Mieux même, avec ses trois médailles d’or qui ont fait d’elle la sportive – hommes et femmes confondus – la plus titrée des Jeux de 1964, Věra Čáslavská, dont la silhouette figure sur les tenues officielles des représentants tchèques à Tokyo cette année, a rejoint le coureur à pied Emil Zátopek dans la grande histoire des Jeux olympiques.