« A Bruxelles, le jugement sur la présidence tchèque est plutôt négatif »

Jan Fischer à bord de l'avion gouvernemental, photo: CTK

Direction la capitale belge, où pendant deux jours se déroule un sommet important des 27 chefs d’Etat et de gouvernement, pour la dernière fois sous présidence tchèque, avec le premier ministre Jan Fischer qui doit diriger le Conseil. Pour en parler aujourd’hui avec nous, Yacine Le Forestier, qui dirige le bureau de l’Agence France Presse à Bruxelles.

« C’est difficile pour Jan Fischer car il va devoir compter avec les difficultés que lui promet Václav Klaus. C’est un peu la difficulté surprise de ce sommet, même si on ne sait pas très bien si Václav Klaus parviendra vraiment à ses fins. Mais il est certain que ça vient brouiller un peu les pistes. Ce sommet devait tranquillement préparer le terrain pour un nouveau référendum en Irlande et désembourber le traité de Lisbonne ; avec ce nouvel écueil, l’Europe ressemble un peu à un plombier qui a trois fuites à réparer et seulement deux mains pour les boucher. »

Jan Fischer à bord de l'avion gouvernemental,  photo: CTK
Ça veut dire que l’on craint à Bruxelles que Václav Klaus puisse retarder le processus jusqu’à un changement de majorité en Grande-Bretagne, ce qui signerait vraiment l’arrêt de mort du traité de Lisbonne ?

« Oui, je crois que personne ne croit ou ne craint vraiment que M. Klaus puisse bloquer la ratification ou vraiment refuser la signature. Mais la crainte c’est qu’une fois le problème irlandais résolu – avec un nouveau référendum positif à l’automne -, M. Klaus retarde au maximum la signature et qu’on entre dans une période compliquée au printemps 2010, avec le démarrage de la campagne en Grande-Bretagne. Parce qu’on sait que les conservateurs, qui ont toutes les chances de gagner les prochaines législatives, ont dit qu’une fois au pouvoir, si le traité de Lisbonne n’est pas encore entré en vigueur, ils rouvriraient le dossier et demanderaient un référendum. Donc ce serait effectivement l’arrêt de mort du texte. »

Officiellement, les dirigeants européens et les diplomates à Bruxelles soutiennent la présidence tchèque jusqu’à la fin et le passage de relais aux Suédois, le 1er juillet prochain, mais qu’en est-il en « off », hors caméras et hors micros ?

Václav Klaus,  photo: CTK
« Malheureusement le jugement est quand même assez négatif. Je crois que l’avis général est que la présidence tchèque restera comme une des pires qu’ait connues l’Union européenne depuis des lustres. Les critiques ne se font pas à l’égard des fonctionnaires qui ont mené leur barque de manière plutôt honorable, mais plutôt à l’égard des responsables politiques tchèques qui ont sans doute commis une erreur magistrale en mélangeant leurs querelles politiques intestines et nationales avec la conduite de l’Europe et en faisant aussi transpirer leur vision plutôt eurosceptique de l’Europe. Ça assombrit clairement le bilan. Et quand vous demandez dans les coulisses aux diplomates et même aux dirigeants ce qu’ils pensent de la présidence tchèque, ils répondent tous – et cela en dit long – que la présidence française a été excellente, en passant sous silence les six mois qu’on vient de passer avec la République tchèque...

Cela dit il ne faut pas trop noircir le tableau, les Tchèques n’ont pas forcément été aidés par le contexte : ils ont démarré avec la crise du gaz entre la Russie et l’Ukraine qui n’a pas été facile à gérer et sur laquelle ils s’en sont plutôt honorablement sortis. Ensuite il y a eu un cafouillage autour de Gaza, avec l’offensive israélienne à Gaza, et là ça s’est beaucoup moins bien passé, aussi de la faute de la France qui a un peu torpillé les initiatives diplomatiques de la République tchèque. Et puis enfin la crise financière et économique, donc tout ça a fait un contexte assez compliqué. »