A Bruxelles, une année culturelle pour replacer la Tchéquie au cœur de l’Europe

Tomáš Garrigue Masaryk, photo: Archive de la Radio tchèque

Ce lundi soir, le Centre tchèque de Bruxelles lance une année culturelle spéciale. Axée essentiellement sur les grands anniversaires de l’histoire tchèque en cette année en « 8 », le programme se veut transversal et divers, englobant l’idée de la construction d’un Etat tchèque au cours du siècle écoulé, au gré des aléas de l’histoire.

Jitka Pánek Jurková,  photo: Archive de Jitka Pánek Jurková
C’est avec le biopic récent Masaryk, consacré au premier président tchécoslovaque, que doit être inauguré ce lundi cette année culturelle tchèque à Bruxelles, en présence de hauts représentants tchèques, mais aussi slovaques, pour ne pas oublier le passé commun de ces deux nations. Et c’est en effet 1918, date de la fondation de la Tchécoslovaquie indépendante par Tomáš Garrigue Masaryk, qui sert de point de départ à toute la programmation. Jitka Pánek Jurková est directrice du Centre tchèque de Bruxelles, elle nous explique en quelques mots, comment a été conçue cette année anniversaire :

« Pendant toute cette année, nous essayons d’examiner, à partir de divers points de vue, comment 1918 façonne notre présent. Sur ce thème, nous organisons donc toute une série d’événements avec le centre Bozar, sous le nom : ‘1918 : European Dream of Modernity’. Plusieurs autres pays européens dont l’histoire est liée à 1918 vont également y participer. Dans le cadre de cette programmation, nous nous intéressons à la mémoire historique par le biais de concerts, de débats, d’expositions et de spectacles de théâtre. Nous essayons d’envisager notre manière actuelle de voir 1918 sous des angles différents. »

Cent ans depuis la création de la Tchécoslovaquie indépendante est un anniversaire important pour les Tchèques (et les Slovaques). Mais un siècle est déjà loin pour les jeunes générations de Tchèques, a fortiori ça l’est encore davantage pour les jeunes générations d’autres pays qui connaissent peu ou pas l’histoire tchèque. C’est pourquoi le Centre tchèque de Bruxelles s’est efforcé de ne pas tomber dans le « tout-académique ». Si des conférences sont également organisées, la portée et la signification de 1918 sont également traitées par le biais de l’art, comme le précise Jitka Pánek Jurková :

Tomáš Garrigue Masaryk | Photo: Library of Congress,  public domain
« Nous avons de la chance car de nombreux personnages et idées de l’entre-deux-guerres sont vraiment atemporels et universels. Notamment en ce qui concerne le président Masaryk qui, avec ses positions sur les droits des femmes, était en avance sur son temps et peut-être même sur le nôtre. Les œuvres de Karel Čapek sont tout aussi actuels. Nous profitons de tout cela dès le mois de février avec une mise en scène des ‘Entretiens avec T. G. Masaryk’. En même temps, nous nous efforçons de réactualiser ce thème de 1918 en impliquant des créateurs locaux et tchèques. En avril, nous allons travailler avec le Festival de l’Illustration de Liège dont le thème cette année est l’illustration tchèque. Nous organisons un concours intitulé CzechImage pour les étudiants, soit l’image de la République tchèque. En mai, il y aura également un grand projet de danse site-specific au centre Bozar : sous la direction du conseiller dramaturgique tchèque Tomáš Procházka vont se rencontrer de jeunes danseurs de huit pays européens et traiter d’un point de vue contemporain l’avant-garde de la danse dans l’entre-deux-guerres. »

Si 1918 est le point de départ logique de cette année culturelle, le 50e anniversaire du Printemps de Prague et de son écrasement par les troupes du pacte de Varsovie est également au cœur de la programmation. D’autant plus que 1968 fut une année de changements généraux, et pas seulement en Tchécoslovaquie. Jitka Pánek Jurková :

« En ce qui concerne l’année 1968 et le Printemps de Prague, je pense que c’est un thème très intéressant pour Bruxelles. Ici, cela résonne beaucoup plus généralement autour des grands bouleversements de 1968, notamment avec les manifestations étudiantes qui ont touché la France, mais aussi la Belgique. Pour nous, c’est évidemment un thème plus malheureux puisque nous allons nous souvenir de l’occupation soviétique. Mais cela permet de présenter une alternative à la perception de 1968. Nous sommes heureux de préparer une grande exposition des photos de légende de Josef Koudelka que nous allons présenter dans le cadre de l’ancien Jardin botanique, un espace vraiment beau et exceptionnel à Bruxelles. L’exposition sera inaugurée à la mi-juin et sera visible pendant tout l’été. Nous allons aussi proposer les films de la Nouvelle vague tchécoslovaque à la Cinémathèque de Bruxelles. »

Tomáš Garrigue Masaryk,  photo: Archive de la Radio tchèque
Si, politiquement, la République tchèque passe souvent pour un Etat-membre « râleur » dans le cadre de l’Union européenne, voire nourrissant des tendances eurosceptiques en son sein, l’année culturelle du Centre tchèque se veut être une façon de rappeler l’ancrage historique du pays en Europe. Jitka Pánek Jurková :

« Nous voulions tous rappeler qu’en 1918, la Tchécoslovaquie n’est pas née comme un petit pays provincial, mais sur la base d’idées universelles. Dans notre programme nous nous sommes efforcés de ne pas être provinciaux, mais de traiter de l’aspect européen et international de la Tchéquie. Nous le faisons de deux façons : par le biais de nos collaborations internationales, mais aussi d’une discussion qui aura lieu le 4 février. Intitulée ‘Daydreaming nations’, elle rassemblera des intellectuels de onze pays européens afin de confronter leurs points de vue sur 1918. L’écrivain tchèque David Zábranský va notamment y participer, ou encore la journaliste Pavlína Kvapilová. Ce thème européen nous le traiterons également sciemment avec une conférence d’Alain Soubigou qui s’intéressera à la dimension européenne de Tomáš Garrigue Masaryk. »

Les détails du programme de cette année sont à consulter ici : brussels.czechcentres.cz