"A l'Est, du Nouveau", rapprocher les cultures européennes par le cinéma

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« A l’Est, du Nouveau », l’unique festival des cinémas d’Europe centrale et orientale en France, a ravi les amateurs dans l’agglomération rouennaise à la mi-avril. De passage dans la capitale tchèque, la directrice artistique de l’événement, Markéta Hodoušková, s’est arrêtée dans les locaux de Radio Prague pour revenir à notre micro sur cette riche semaine cinématographique. Elle a évoqué le palmarès de cette année, qui a mis à l’honneur un film roumain, le futur du festival, qui fêtera sa dixième édition en 2015 ou encore la tenue d’un autre festival « frère » à Lima en ce mois de mai. Pour commencer, Markéta Hodoušková est d’abord revenue sur les raisons du succès de la manifestation auprès du public normand.

Markéta Hodoušková,  photo: CzechCentres
« Nous avons tout d’abord enregistré un succès en termes de fréquentation, une fréquentation qui augmente systématiquement. Nous avons aussi ouvert le festival à de nouvelles cinématographies dynamiques, à la Croatie et à l’Arménie. Nous avons également projeté une coproduction avec l’Ukraine. Parmi les sujets abordés, il a par exemple été question de la censure politique ou économique. Ce sujet est aussi lié avec le dialogue interculturel, qui est une de nos préoccupations majeures car nous trouvons que le cinéma est un vecteur de savoir et de dialogues entre les cultures, un art en phase avec l’actualité et qui est beaucoup plus facile d’accès que d’autres catégories d’art.

Un film peut être distribué, traduit et montré beaucoup plus facilement. Un film, qui dure une heure et demi ou deux heures, peut dans ce laps de temps limité s’adresser à beaucoup de gens et leur donner l’impression de comprendre et de connaître une nation en très peu de temps. »

C’est la neuvième édition du festival, comment celui-ci a-t-il évolué et comment êtes-vous parvenus à cet objectif de faire connaître les de l’Europe centrale et orientale en France, à Rouen ?

« Tout d’abord je pense que nous avons encore un très grand chemin à faire, mais nous avons une stratégie pour l’avenir, notamment pour le dixième anniversaire que nous voulons célébrer en rendant hommage au vingt-cinquième anniversaire de la chute du mur de Berlin.

Sinon, le festival évolue progressivement parce qu’il est basé sur une association de bénévoles. Il nécessite aussi de passer d’une forme semi-professionnelle à une organisation professionnelle. Nous voulons y parvenir en 2015. Nous avons également commencé à travailler avec les universités sur place, comme l’Ecole nationale supérieure d’architecture avec laquelle nous avons développé un partenariat. Cette année nous avons aussi travaillé avec des associations arméniennes et polonaises sur place. Nous avons lancé un projet très intéressant qui s’appelle Justice et culture avec Pôle Image et une autre association Dans le cadre de ce projet, nous avons projeté un film dans une prison. La projection a été suivie d’un débat avec des prisonniers. Nous avons parlé de la liberté intérieure…

Tout cela, ce sont des petites choses que nous réalisons. En coopérant avec les médias sur place ou à l’étranger comme avec Radio Prague, nous essayons de gagner une visibilité à l’extérieur. Nous nous sommes aussi intégrés dans une petite structure informelle rassemblant quelques festivals en Europe qui travaillent avec les films de l’Europe centrale et orientale. Dans ce réseau, on trouve le festival de Cottbuss Go East ou encore Let’s CEE en Autriche. Il y aussi le festival de Trieste en Italie avec lequel nous avons déjà commencé des échanges et nous pensons dans le futur pouvoir aller encore plus loin afin de donner une visibilité au cinéma de l’Est en montrant à chacun sur son propre territoire que nous ne sommes pas isolés en Europe.

Il y a une vraie vague d’intérêt pour les civilisations et les cultures de l’Est, surtout à l’approche de ce vingt-cinquième anniversaire de l’évolution de ces pays vers des structures démocratiques. Nous pensons que c’est très important de rappeler cet anniversaire et de vraiment renforcer le dialogue entre les pays et les cultures en Europe. »

Revenons sur l’édition de cette année du festival à l’Est du nouveau. Vous pourriez nous parler du palmarès, c’est un film roumain qui a gagné la compétition principale…

'Métabolisme ou quand le soir tombe sur Bucarest'
« En effet, nous avons eu comme tous les ans deux jurys, dont un jury professionnel. Il a débattu très longtemps pour finalement se mettre d’accord pour attribuer le Grand prix au film roumain de Corneliu Porumboiu qui s’appelle « Métabolisme ou quand le soir tombe sur Bucarest ». Le jury a ensuite poussé pour attribuer deux prix pour le meilleur acteur. La meilleure actrice était donc celle du film arménien « Je vais changer mon nom ». Le meilleur acteur a été celui du film « Ligne d’eau », long-métrage qui par ailleurs avait gagné une récompense au festival de Karlovy Vary dans la section « A l’Est de l’Ouest » l’année dernière. La mention spéciale du jury a été attribuée à un film bulgare « La dernière ambulance de Sofia ». »

Qui sont les films qui vous ont le plus touché ?

'Cercles'
« Je voudrais aussi ajouter que le jury étudiant a sélectionné un film serbe qui s’appelle Cercles. Et la mention a été attribuée à la prestation d’acteur de Serge Avédikian dans le film Paradjanov. Je dois dire que je suis satisfaite de ce palmarès car moi aussi je me suis retrouvée dedans. Je trouve le film serbe très fort. Il parle de la guerre en Yougoslavie. Il véhicule une expérience que ces nations ont vécue et dont on n’a pas entendu beaucoup parler à travers l’expression artistique, à travers le cinéma. Je trouve que c’est très important de pouvoir faire partager comment les artistes de ces pays ont vécu la guerre. »

L’année prochaine il y aura la dixième édition du festival à l’Est du nouveau mais en attendant au mois de mai, il y a le festival frère à Lima, « Al Este de Lima ». Pouvez-vous présenter cet événement ?

« En effet, « Al Este de Lima », c’est notre frère que nous appelons jumeau car nous partageons le visuel, la bande-annonce mais aussi une grande partie de la programmation. Le festival au Pérou s’est développé en peu de temps. Il n’est pas seulement montré dans la capitale Lima, mais aussi dans certaines villes aux alentours dans beaucoup de cinémas avec un public enthousiaste. Donc le festival peut se permettre d’ajouter des sections que nous n’avons pas. Cette année le festival fait la rétrospective du réalisateur Jan Švankmajer au Pérou et en Amérique Latine.

C’est très intéressant de pouvoir suivre cet axe entre l’Europe centrale et l’Amérique latine. La plus grande partie de la programmation de la section compétitive va être reprise à part quelques exceptions car on ne peut pas toujours avoir les droits pour les deux festivals. Mais nous attendons le 7 mai le démarrage de ce festival et nous sommes curieux de voir comment les films vont être reçus là-bas. »