A Pardubice, le Grand Steeple-chase attire désormais les Français
Course d’obstacles parmi les plus difficiles en Europe, le Grand Steeple-Chase de Pardubice a été couru dimanche 13 octobre dernier. Malgré sa réputation et sa riche histoire, comparables à celles du Grand National de Liverpool, le cross-country de Bohême de l’Est reste aujourd’hui encore quelque peu ignoré hors des frontières de la République tchèque. Cela tend néanmoins à changer comme l’a démontré l’édition 2013. S’ils restent encore assez peu nombreux, chevaux, entraîneurs et jockeys étrangers, et notamment français, étaient bien présents à Pardubice cette année. Sans oublier que la jument vainqueur porte un nom français et que son jockey s’entraîne en France.
Pour la deuxième année consécutive, Orphée des Blins a donc remporté Velká Pardubická. Course hippique la plus importante en République tchèque, le Grand Steeple-chase de Pardubice, dont la 123e édition était disputée cette année, est surtout considéré comme l’un des cross-countries parmi les plus difficiles en Europe. Jument âgée de onze ans, Orphée des Blins doit son nom français à son lieu de naissance. Son premier entraîneur, Patrice Quinton, était présent à Pardubice pour la première fois cette année, mais avec un autre cheval, Tropic de Brion. Et c’est enchanté qu’il est reparti de Bohême de l’Est, comme nous l’a confié au téléphone Patrice Quinton dans les jours suivant la course :
« J’ai découvert un bel hippodrome avec des obstacles très costauds. C’est un beau champ de courses avec une superbe ambiance et des courses comme on aime les voir. C’est une course qui est très longue avec un terrain varié, des champs de labour, qui est faite pour des chevaux très durs. Vraiment, c’est une très belle course. »
Sur les vingt chevaux alignés au départ, seuls six ont été classés à l’arrivée. Parmi eux, Tropic de Brion, sixième, qui était monté par le jockey français Marc-Antoine Dragon. Pour lui aussi, il s’agissait du baptême du feu à Pardubice. Il nous raconte le cross de l’intérieur :« C’était la première fois que je participais. En faisant le tour, les obstacles m’ont paru très impressionnants. C’est vraiment gros à sauter pour les chevaux. Sinon, c’est convivial. J’ai pris plaisir à monter là-bas, il y a vraiment une bonne ambiance. On sent que les gens sont heureux d’être aux courses. C’est sympa. »
« J’avais déjà vu plusieurs vidéos et j’avais eu écho d’une rumeur en France selon laquelle c’est la course la plus dure qui existe. J’attendais donc de voir, et oui, c’était vraiment très dur. Les obstacles sont compliqués et on fait beaucoup de kilomètres dans les labours, ce qui rajoute de la difficulté. »
Patrice Quinton explique quel type de cheval il a présenté à Pardubice pour ce cross si particulier. Un cheval, Tropic de Brion, qui s’entraînait en République tchèque depuis début août :
« J’avais emmené un cheval qui saute bien, qui a sûrement besoin de prendre de la force et de durcir, mais il n’a que six ans, alors je pense qu’il a tout l’avenir devant lui là-bas. Ce serait à refaire, on referait la même chose, mais avec son entraîneur en République tchèque, je pense que nous aurions pris part à une course de préparation trois semaines avant. A Pardubice, il a passé le dernier obstacle en deuxième position. Il lui a donc manqué une course dans les jambes pour mieux finir dans la dernière ligne droite. Je pense que si on avait couru une fois avant pendant la préparation, il aurait pu être dans les trois ou quatre premiers. »S’il a manqué un peu de force et de distance à Tropic de Brion, c’est aussi parce que le terrain, malgré le grand soleil qui régnait le jour de la course, était particulièrement difficile cette année, comme l’explique Marc-Antoine Dragon :
« Il avait plu dans les jours précédents et ce n’était pas vraiment lourd, mais plutôt très collant dans les passages de labour et même sur la piste plate. C’était pénible pour les chevaux. »
Course presque anachronique au XXIe siècle, Velká Pardubická est un cross de trente et un obstacles répartis sur un champ long de 6 900 mètres. Trente et un obstacles naturels qui ont causé quatorze chutes cette année, dont celle du légendaire Josef Váňa, huit fois vainqueur dans le passé et légende vivante à Pardubice. Marc-Antoine Dragon, lui, fait cependant partie des six autres à avoir franchi la ligne d’arrivée :« Il n’y a pas d’appréhension à avoir. Les obstacles sont conçus de façon à ce que ça se passe bien quand même. Après, des chutes, il y en a partout. S’il y en a plus à Pardubice, c’est à cause de la distance. C’est dur. Mais je ne pense qu’il y ait beaucoup plus de difficultés qu’ailleurs. »
Le Grand steeple-chase de Pardubice, c’est d’abord un obstacle, haut de 1,50 mètre derrière lequel se cache un fossé de quatre mètres de large. Un obstacle naturel officiellement appelé Taxis mais parfois surnommé « le saut de la mort » ou « l’obstacle meurtrier », assurément le plus redouté des jockeys. Ces derniers préfèrent d’ailleurs ne pas s’y entraîner les jours précédant le départ. Et ils savent bien pourquoi puisque depuis la toute première édition de l’épreuve en 1874, plus de vingt chevaux ont déjà été victimes à cet endroit stratégique de blessures mortelles. Les choses ont cependant évolué dans le bon sens ces dernières années, les organisateurs, sous la pression notamment des défenseurs de la cause animale, ayant réduit la difficulté de l’obstacle, comme en convient Patrice Quinton :
« Je pense qu’à une certaine époque, l’obstacle Taxis était beaucoup plus compliqué à franchir. Il l’est nettement moins aujourd’hui, mais les gens sont certainement restés sur cette mauvaise image. »
Toutefois, Taxis ne peut pas être la seule explication à l’absence ces dernières années de concurrents étrangers. Vainqueur ces deux dernières années, Jan Faltejsek, jockey tchèque qui s’entraîne depuis désormais un an en France chez Guillaume Macaire, est sans aucun doute un des mieux placés pour donner un élément de réponse :« Il faut laisser du temps au cheval pour se préparer et s’adapter en République tchèque. Au fond, je ne pense pas que la course soit si difficile que ça. Bien sûr, c’est un cross très dur, mais qui est surtout très spécial. Il y a certaines particularités qu’il faut connaître pour avoir une chance de réussir. Si un cheval ou un jockey ne connaît pas le terrain et les obstacles, alors oui, ça devient une course extrêmement difficile. »
Son collègue Marc-Antoine Dragon n’est pas loin de penser la même chose :
« Je pense que les Français ne venaient pas beaucoup parce qu’il y avait un peu de malédiction. Jusqu’à cette année, pas un seul jockey français n’avait encore réussi à boucler le tour. Peut-être est-elle donc levée maintenant. J’incite vraiment les autres à y aller, c’est une course qu’il faut faire. Il faut y aller pour se rendre compte de ce que c’est. »
Patrice Quinton confirme :
« On était venus cette année pour découvrir et on a découvert de belles choses. On a été très bien accueillis, on a donc déjà prévu de revenir l’année prochaine. »
Rendez-vous est donc pris pour 2014.