A Prague, le chef d’orchestre Serge Baudo met un point final à sa carrière internationale
Ces mercredi et jeudi, le chef d’orchestre français Serge Baudo donne à Prague ce qui sont probablement les deux derniers concerts de sa longue carrière internationale. Le Maestro né en 1927 à Marseille est parvenu à un âge où l’on fait des bilans. S’il se retourne aujourd’hui sur son passé, Serge Baudo voit une longue vie remplie de musique, une vie dont une importante partie a été consacrée à la collaboration avec des orchestres tchèques. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’Etat tchèque lui a décerné, en juin dernier, le Prix Gratias agit réservé aux personnalités ayant contribué au rayonnement de la République tchèque dans le monde. Et c’est aussi pour cette raison qu’il a reçu, ce mercredi, lors du premier concert à la Maison municipale de Prague, le Prix du Conseil musical tchèque. La veille de ce concert, Serge Baudo a évoqué avec Václav Richter au micro de Radio Prague les plus beaux moments de sa collaboration avec les musiciens tchèques et notamment avec l’Orchestre symphonique de Prague (FOK) dont il a été le directeur musical de 2001 à 2006. Sans exclure que, dans certaines circonstances, il pourrait encore revenir sur sa décision de mettre fin à sa carrière internationale. Voici quelques extraits de cet entretien :
« Bien sûr, c’était un moment exceptionnel pour moi, d’autant plus que c’était la première fois que je sortais de France, et j’étais tellement heureux de cette invitation que j’ai pris mon billet d’avion un an à l’avance. Je me suis trompé parce que les programmes avaient été faits un an à l’avance et j’ai donc failli venir en 1958 plutôt qu’en 1959… Vous voyez que j’étais très excité par le fait de venir diriger à Prague. »
Qu’y-a-t-il eu au programme de ce premier concert ?
« Cette symphonie de César Frank que je dirige cette semaine à Prague et les extraits du Martyre de saint Sébastien de Debussy. C’est le programme que nous avions construit avec le concours du chef d’orchestre Václav Smetáček qui était l’instigateur de cette invitation. »
Avez-vous des archives personnelles? Savez-vous avec combien d’orchestres tchèques vous avez collaboré et combien de concerts vous avez dirigés en Tchécoslovaquie puis en République tchèque?
« Je crois que j’ai donné 95 concerts seulement avec l’Orchestre symphonique de Prague FOK. Mais j’ai dirigé plusieurs fois à Bratislava, j’ai dirigé à Ostrava, à un festival de Brno où on avait donné je crois aussi ‘Jeanne d’Arc au bûcher’. Oui, j’ai fait beaucoup de concerts en République tchèque et en Slovaquie. »
Ce sont d’abord Jean Fournet et Antonio Pedrotti qui ont interprété la musique française en Tchécoslovaquie. Puis c’est vous qui êtes devenu une autorité incontournable dans l’interprétation de cette musique. Quels auteurs avez-vous présentés au public tchèque ?« Je crois presque tous les compositeurs français à quelques exceptions près peut-être. Debussy, Ravel, Fauré, Honegger… Mais ce sont aussi le public et les organisateurs de l’Orchestre symphonique de Prague et de la Philharmonie tchèque qui m’ont demandé d’inscrire des œuvres françaises pour permettre à leurs orchestres et à leurs musiciens, à eux-mêmes personnellement, de mieux connaître l’interprétation de notre répertoire français. Je crois que cela a été important, comme Poulenc, que je n’ai d’ailleurs pas cité, mais que nous avons joué aussi. »
Avec l’Orchestre symphonique de Prague vous avez donné de nombreux concerts qui ont montré les rapports entre la musique française et la musique tchèque. Qu’est-ce que la musique française a donné à la musique tchèque et vice-versa?
« Tout ! Tout ce qui peut être donné en musique, les Tchèques et les Français l’ont donné. Mais c’est vrai que la relation est immense. Je crois que c’est une relation profonde parce qu’elle est aussi totalement culturelle. Il y a une relation avec les écrivains qui est immense. Les compositeurs et les écrivains tchèques ont, je crois, un langage qui se rapproche beaucoup de nous et vice-versa. »
Les orchestres tchèques se prêtaient-ils bien à l’interprétation de ce genre de répertoire ?
Tout ce qui peut être donné en musique, les Tchèques et les Français l’ont donné.
« Dès que je suis arrivé ici, ce qui m’a stupéfait, c’est l’immense compréhension et l’intelligence des interprètes pour la musique française. Cela semblait couler de source. Dans un autre domaine, c’est une image, Bruno Walter disait qu’il n’y a qu’à Paris que l’on jouait bien Mozart. Eh bien, moi, j’avais le sentiment que c’était en Tchéquie que l’on jouait le mieux la musique française par rapport aux autres pays européens. »
A-t-il été difficile d’apprendre aux musiciens tchèques la fluidité, la transparence et la magie de la musique française ?
« Cela coulait de source, c’est rare et c’est ce qui m’avait frappé. Et je l’ai dit bien souvent partout où je suis passé. »
Reste-t-il encore quelque chose, une œuvre, un projet que vous auriez aimé exécuter avec des formations tchèques et qui ne s’est pas réalisé. N’avez-vous pas un regret de ce genre ?
« J’ai toujours plein de regrets. Vous savez, dans une vie, on n’a jamais l’occasion de tout diriger. J’aurais voulu faire Mahler avec un orchestre tchèque parce que j’aime beaucoup Mahler et on m’a dit que j’avais des relations intéressantes avec Mahler quand je l’ai dirigé ailleurs, notamment au Japon. C’est une chose que j’aimerais faire. »
Et pourquoi ce projet ne s’est-il jamais réalisé ?« Parce qu’on ne me l’a pas demandé et je ne l’ai peut-être pas proposé parce qu’on me proposait tellement d’autres choses… »
Si on vous le proposait aujourd’hui, pourriez-vous revenir sur votre décision et donner encore un concert supplémentaire un jour à Prague ?
« Je vous répondrai dans quelques temps… »