A Prague, l’école de Petr Čech : vivre sa passion sans oublier qu’il n’y pas que le foot dans la vie

Photo: www.skola.petr-cech.cz

Comme chaque début juillet depuis désormais sept ans, Petr Čech organise à Prague des stages destinés aux footballeurs en herbe de tout le pays. A Strahov, au camp d’entraînement du Sparta Prague, 160 enfants de 7 à 15 ans sont réunis durant deux semaines pour se perfectionner et surtout vivre leur passion pour le ballon rond. Passion, plaisir du jeu et du travail bien fait, mais aussi ouverture d’esprit sont quelques-unes des valeurs que l’un des meilleurs gardiens de but au monde et son équipe de collaborateurs s’efforcent de transmettre aux jeunes participants. Avant de rejoindre ces derniers sur le terrain, c’est ce que nous a lui-même expliqué Petr Čech la semaine dernière, dans une interview exclusive en français :

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« Quand j’étais gamin et que j’avais l’âge des enfants qui viennent ici passer une semaine, je n’avais pas de telles possibilités. Il n’existait rien qui permette de passer une semaine consacrée au sport. Pourtant, j’aurais bien aimé ! Quand j’étais petit, il y avait des camps qui proposaient des tas d’activités différentes peut-être amusantes et intéressantes pour la plupart des enfants, mais moi, j’étais vraiment un passionné de sport. C’est donc l’idée que nous avons eue. Nous nous sommes dit ‘pourquoi ne pas organiser ce qui n’existait pas avant ?’. C’est pourquoi nous avons créé ces stages de foot. On a très vite constaté que l’intérêt était très grand. Depuis le début, nous avons 160 enfants chaque année. Les demandes sont plus nombreuses, mais nous sommes limités par la place. Nous sommes très heureux que les gens apprécient ce que nous faisons. Les enfants reviennent l’année suivante avec le sourire. »

Comment se déroulent ces stages ? Sont-ils 100 % football ou y a-t-il d’autres sports et d’autres activités à côté ?

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« La plupart du temps, ils jouent au foot puisqu’ils ont deux entraînements par jour. Mais entre-temps il y a des activités différentes. Nous leur proposons par exemple des cours d’anglais. Pour les plus petits, il s’agit simplement de leur montrer le fonctionnement de la langue, de leur ouvrir la porte pour les y intéresser. Nous invitons aussi d’anciens joueurs, des joueurs de l’équipe nationale, des entraîneurs, des agents même, pour essayer de montrer aux enfants comment fonctionne le foot de haut niveau ; par exemple comment se passe une conférence de presse, comment un agent devrait normalement travailler avec un joueur professionnel, etc. Il y a aussi un diététicien qui passe pour leur expliquer comment il faut manger, comment bien faire les choses pour que le corps fonctionne à 100 %. On essaie de leur montrer que tout cela, ce n’est pas juste pour le football, mais c’est aussi pour la vie en général. Quand on se sent bien dans son corps, qu’on est en forme, on peut plein de choses et pas seulement jouer au foot. »

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Dans quelle mesure participez-vous à l’organisation de ces stages ? Avez-vous votre mot à dire lors de l’établissement du programme ? Et une fois les stages en cours, quelle est votre participation ?

« Nous avons tous donné notre avis lorsque nous avons démarré ce projet. Les deux premières années, on a cherché le modèle idéal, et ces cinq dernières années on a trouvé et appliqué le modèle qui nous convient, à nous et aux enfants. On essaie aussi de faire venir des visiteurs intéressants. Moi, je passe au moins un jour avec chacun des deux cycles de 80 enfants (les 10 – 15 ans la première semaine et les 7 – 12 ans la deuxième), parce que c’est mon école et que je sais que me présence fait toute la différence pour eux. Je m’efforce de préserver cela malgré un programme difficile. Je ne suis là en effet que parce que je dispose de quelques jours de repos supplémentaires après l’Euro, mais mon club de Chelsea a déjà commencé la phase de préparation d’avant-saison. Je passe donc toute la journée (jeudi dernier) ici parce que les enfants le méritent. »

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Pour prendre l’exemple de la France, des stages de ce type sont organisés un peu partout dans le pays. Vous êtes-vous du modèle français ou d’un autre pays où ce genre de stage est proposé ?

« J’avais des coéquipiers et des entraîneurs en France qui passaient de leur temps pendant l’été. Par exemple Christophe Lollichon (ancien entraîneur des gardiens au FC Nantes et au Stade rennais, désormais entraîneur personnel de Petr Čech à Chelsea) organisait un stage pour les gardiens à Nantes. Son but était de voir en même temps le plus grand nombre de gardiens pour qu’il puisse se rendre compte de la présence ou non de talent. Comme je savais qu’il avait déjà organisé ce genre de stage et qu’il avait de l’expérience dans ce domaine, je me suis tourné vers lui lorsque j’ai eu des soucis ou des hésitations. Le style de chaque stage est différent suivant le pays dans lequel il a lieu. En France notamment, il y a une tradition du stage, beaucoup moins en République tchèque. C’est aussi pour cette raison qu’on a lancé ce projet, dans l’espoir d’inspirer les autres. »

Vous êtes gardien de but, question donc un peu obligatoire : l’accent est-il mis sur ce poste ? Y a-t-il un groupe particulier pour les gardiens et que leur proposez-vous de plus que ce qu’ils peuvent apprendre dans leurs clubs par exemple ?

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« Les enfants sont évidemment répartis selon leur âge et leur poste. Les gardiens ont tout d’abord un entraînement spécifique, puis ils rejoignent une équipe. Certains enfants viennent de villages, de petits clubs, le stage est en effet ouvert à tous et il n’est limité qu’en nombre d’inscrits. On est à la recherche des talents auxquels on peut montrer la manière de travailler, en espérant qu’ils puissent emmener dans leurs clubs d’origine les choses qu’ils ont apprises ici pour continuer à progresser. Surtout dans les petits clubs il n’y a pas toujours d’entraînement spécifique ou adapté au niveau du gardien. »

Est-ce que la formation et le travail avec les jeunes pourraient être pour vous une voie de reconversion après la fin de votre carrière ?

« C’est une des choses qui m’intéresse ; le travail avec les jeunes, c’est l’avenir du foot. Si on ne s’occupe pas des enfants très tôt, quand ils ont 14 ans, il est trop tard pour en faire de grands joueurs. Ils auront déjà perdu trop de temps. On s’efforce donc de leur montrer dès leur plus jeune âge les bonnes méthodes pour qu’ils puissent évoluer plus rapidement et de façon plus effective. »

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La République tchèque est un petit pays où l’on parle souvent de la formation. Il y a aujourd’hui quelques difficultés, on dit qu’il n’y a plus autant de qualité qu’auparavant, qu’il y a de moins en moins de jeunes qui s’intéressent au sport, et notamment au football, et préfèrent d’autres activités. Quel est le regard que vous portez, vous, sur ce qui se fait ici avec les enfants et les jeunes footballeurs ?

« Je pense que cette école sert aussi à montrer aux gens que le foot est toujours là. C’est bien de le faire et de montrer que les enfants apprécient vraiment de jouer au foot. Et la deuxième chose, c’est que maintenant la base des joueurs est de plus en plus réduite. C’est aussi dû à l’évolution des sports différents. Il y a des petits sports que personne ne connaissait il y a dix ans et qui suscitent l’intérêt de tout le monde aujourd’hui, parce qu’ils sont plus faciles à pratiquer. On n’a pas besoin de plus de temps et je pense même que pour l’organisation de la famille, c’est parfois beaucoup plus facile. Je pense au floorball ou à des sports comme ça. Maintenant, il y a aussi un boom du golf, de plus en plus de gens jouent au golf. Cela suscite beaucoup d’intérêt un peu partout. Et puis nous sommes une nation qui adore le hockey sur glace. La base des petits footballeurs est beaucoup plus réduite qu’autrefois ; et je pense que quand la base est plus petite, la qualité manque à la fin. Avant si on avait cent enfants, vingt d’entre eux passaient peut-être en première division. Maintenant, nous n’en avons plus cent mais seulement soixante, donc en première division on finit à six ou dix, et ça fait une différence. Si ça continue comme ça, ça peut être dangereux et j’espère que des stages comme celui-ci peuvent montrer l’intérêt du sport, surtout aux petits et aux familles, et augmenter leur intérêt. Je pense que même la Fédération tchèque de football essaie de tout faire pour que la base s’élargisse. »

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C’est peut être compliqué pour vous de juger parce que vous ne passez que peu de temps sur ces stages, mais notez-vous tout de même des différences de comportement entre l’enfant que vous étiez et ceux d’aujourd’hui, dans l’écoute, dans l’attention, dans l’enthousiasme peut-être aussi par rapport au jeu ?

« Je pense que l’enthousiasme est le même. Ils sont là parce qu’ils le veulent, parce qu’ils veulent jouer au foot. La seule chose, c’est que, avant, tout ce que nous avions, c’était le foot, le sport, le plaisir. Aujourd’hui, dans les temps modernes, on a Internet, des Playstations… On a tout un tas de choses comme ça qui diminuent complètement l’intérêt des enfants pour les choses réelles. Passer cinq heures à travailler sur un terrain de foot peut être fatiguant et c’est frustrant car parfois ça ne se passe pas bien, alors qu’à côté de ça, on peut gagner la Ligue des champions en passant seulement trois heures sur Playstation. C’est ça la différence. Il faut vraiment trouver le moyen d’amener les gens vers des choses réelles, et c’est une bataille constante contre le monde moderne (il sourit). »

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Dernière chose : vous avez un petit garçon. C’est justement ce que vous essayez de lui montrer ? Que le plus important, c’est le ballon et qu’il faut jouer ?

« Oui, il faut leur montrer qu’ils peuvent jouer quand ils veulent à la Playstation, mais que pour ce qui est du foot, si le train passe, ils ne pourront jamais le rattraper. Ils ne pourront jamais faire de carrière. Je pense que le foot est juste un exemple, mais que c’est pareil dans la vie. Il faut leur montrer que si l’on fait des bonnes choses dans la vie, d’autres bonnes choses arriveront. J’espère qu’ils partiront d’ici avec cette idée-là. »