A propos du rapport de l'OCDE

Un événement important aura marqué la fin de la semaine dernière et fait l'objet de beaucoup de commentaires cette semaine, le rapport de l'OCDE sur l'évolution de l'économie tchèque. Il ne s'agit pas ici de reprendre tout ce rapport ni de le récapituler, mais d'en dégager les points les plus significatifs, les plus près de nous. On se rendra compte aussi que souvent les experts se trompent dans leurs analyses. S'il est bon de connaître une société par ses chiffres et par l'événement, faudrait-il encore en connaître l'intimité. Elle ne s'apprend pas, elle ne s'analyse pas, elle se vit ou ne se vit pas.

A cause de la dynamique au sein de l'UE, la croissance économique dépasserait en Tchéquie 3% cette année et l'an prochain, lit-on dans le rapport de l'OCDE rendu public en fin de semaine dernière à Prague. Le rapport prévoit pendant ces deux années donc une augmentation du PNB de l'ordre de 3,3% à 3,5%. Ces chiffres, si toutefois ils se maintiennent, veulent dire que la Tchéquie est capable, après 15 ans, d'augmenter sa capacité économique actuelle de plus de 50%.

Le rapport considère, par ailleurs, que les impôts sont trop élevés en Tchéquie et qu'ils devraient diminuer. Il ne dit pas que les dépenses du gouvernement sont trop élevés, mais c'est tout comme, puisqu'il précise que si l'on veut que la contrainte fiscale soit allégée, il est nécessaire de réformer les dépenses du gouvernement, c'est-à-dire de les diminuer notamment. Et d'ajouter que l'actuel projet de réforme des finances publiques manque d'ambition. « Le gouvernement entreprend actuellement une large réforme des finances publiques, ajoute le rapport, avec le dessein d'aboutir à des résultats ». Dans ce cadre, l'OCDE recommande une réforme orientée vers la diminution de la dotation institutionnelle des postes budgétaires.

Le rapport constate que la République tchèque compte parmi les pays ayant une grande pression fiscale, laquelle dépasse de plus de 5% du PNB la moyenne dans les pays de l'OCDE à revenu faible. Et le rapport de conclure, en termes durs : « Un impôt excessif déforme l'économie, diminue la motivation aussi bien des entrepreneurs que des salariés, et c'est pourquoi il faut le diminuer ». Tout en relevant la dynamique du marché du travail en Tchéquie, le rapport souligne la nécessité de réformes pouvant conduire à la diminution des dépenses de protection des salariés et la création de conditions favorables aux contrats à durée déterminée et aux contrats de très courte durée.

Selon l'OCDE, les allocations sont trop élevées dans le système d'assurance sociale, principalement pour les salariés les moins qualifiés ou à revenu bas.

Une observation à ce propos... Prenons l'exemple d'une protection du salarié apparemment excessive en Tchéquie : c'est la durée du congé de maternité. Il se trouve que les revenus des familles en Tchéquie ne permettent pas de prendre une nurse. Dans les petites villes, il n'y a que très peu de crèches. A cela s'ajoutent les rigueurs climatiques, souvent incompatibles avec le transport du bébé, tous les jours, au petit matin, à la crèche. Une nurse coûterait cher en Tchéquie où il n'y a pas de main d'oeuvre immigrée. Enfin, la Tchéquie souffre, en raison de tout un faisceau de difficultés que rencontrent les jeunes, d'une croissance démographique négative assez sévère. Si l'on ajoute à cela un tour de ceinture supplémentaire aux allocations, où allons-nous ?

Selon le rapport, pour que la Tchéquie puisse diminuer le chômage, elle doit abandonner le système de soutien passif au profit du système de soutien motivant pour le travail. L'OCDE désigne aussi du doigt les charges extra-salariales qui viennent alourdir les charges salariales de l'employeur, notamment au moment du recrutement. Il faudrait alléger ces charges, conclut-il. Il rappelle que l'assouplissement du marché de l'emploi passe aussi par la libéralisation du marché du loyer. Il ajoute que la régulation des loyers paralyse le marché de la location et fait que les salariés ne trouvent pas de logement à leur portée dans les régions à fort pourcentage d'emploi. « L'expérience des pays membres de l'OCDE montre que la mobilité de la force de travail ne peut s'améliorer tant qu'un marché du logement n'existe pas. C'est pourquoi le gouvernement devrait, soit supprimer la régulation des loyers, soit préparer un système de régulation qui mettrait les loyers en harmonie avec les prix du marché et les limites indiquées par la Cour constitutionnelle.

Amen pour les loyers, dirions-nous. Mettons-les en harmonie avec les prix du marché. Et les salaires ? En Tchéquie les loyers ne sont régulés que dans le secteur public, à savoir les HLM, héritage du système social communiste, et où loge la majorité des Tchèques. Ailleurs il y a un gel du loyer à temps. Ailleurs où ? Dans des logements pour la plupart restitués à leurs propriétaires depuis 1989. La libéralisation éventuelle de leurs loyers ne concerne pas le salariat. Ces logements sont pour la plupart occupés par des personnes âgées, retraitées ou non ou des Occidentaux à qui on loue à des prix occidentaux. Un salarié en déplacement ne peut pas y payer le loyer. Quant aux HLM, qui ne se construisent plus, sont bourrés à bloc, et, de toute façon, leur caractère social, ici comme ailleurs, n'autorise l'augmentation de leurs loyers qu'en harmonie avec les salaires et les revenus. De ce point de vue, ces loyers plafonnent déjà. Conclusion : la libéralisation des loyers en Tchéquie ne contribuera en rien à l'amélioration de la mobilité de la force du travail.

Le problème réside ailleurs. Il réside dans la désarticulation du rapport salaire-coût de la vie, dans la quasi-impossibilité du jeune couple où mari et femme travaillent d'acheter un logement, à moins qu'ils ne soient cadres supérieurs de banque ou autres. La désarticulation du rapport salaire-coût de la vie est l'une des caractéristiques principales de la transition ; elle durera ce que durera la transition. Mais c'est là un autre chapitre. Disons en conclusion que l'expérience des pays de l'OCDE ne s'applique pas en Tchéquie. D'autant que c'est souvent que la libéralisation ne s'est pas accompagnée, dans notre pays, des garde-fous propres au système libéral. Un exemple entre autres : le droit commercial tchèque ignore la propriété commerciale et le commerçant locataire ne bénéficie d'aucune protection légale en dehors de ce que prévoit le contrat.

Quel jugement est celui du gouvernement tchèque sur le jugement de l'OCDE ? Le ministre des Finances, Bohuslav Sobotka, estime que le rapport de l'OCDE sur la Tchéquie aiderait le gouvernement à asseoir la réforme des finances publiques. Autrement dit à avoir un argument de poids à faire valoir vis-à-vis de l'opposition. Il n'est pas dit que cette réforme fiscale sera à 100% conforme aux voeux de l'OCDE .

Auteur: Omar Mounir
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