« Actrices » : les portraits à fleur de peau des stars du cinéma français par Kate Barry
« Tu aimais les rides, les imperfections, les cicatrices sans doute. De la lumière, tu en as donné dans ton travail : que ce soit pour les portraits d’actrices ou ceux des commerçants du marché de Rungis. Tu savais capter ce qu’il y avait de plus sensible et de personnel en eux. Jamais auparavant les actrices n’avaient été photographiées ainsi », écrit la journaliste et photographe Aline Arlettaz dans son avant-propos de l’exposition intitulé « Actrices ». Cette exposition qui présente vingt-cinq portraits de comédiennes françaises prises par Kate Barry se tient jusqu’à la mi-janvier dans la galerie de l’Institut français de Prague. Radio Prague l’a visitée en compagnie d’Aline Arlettaz.
Avant de disparaitre tragiquement, en décembre 2013, la photographe Kate Barry, fille de la comédienne et chanteuse Jane Birkin et du compositeur John Barry, préparait une exposition consacrée aux actrices. Après avoir ouvert ses portes à Rome, en 2014, cette exposition composée de vingt-cinq clichés, pour la plupart en noir et blanc, voyage dans le monde entier, pour que Kate Barry « continue à vivre », comme l’a souhaité son fils Roman de Kermadec. Elle présente « l’ambassadrice du cinéma français », en République tchèque comme ailleurs, Catherine Deneuve, aux côtés d’Isabelle Adjani, d’Audrey Tautou, d’Isabelle Huppert, de Chiara Mastroianni ou de Ludivine Sagnier. Des stars étrangères liées à la France sont aussi passées devant l’objectif de Kate Barry, à savoir Monica Belluci, Sofia Coppola ou encore Héléna Bonham-Carter.
Produite par l’Institut français de Paris, l’exposition « Actrices » est arrivée à Prague, où elle a été accueillie par le Festival du film français. Son commissaire Aline Arlettaz nous parle de cet « hommage à Kate Barry » :« Après sa disparition tragique, j’ai laissé passer un peu de temps. J’ai ensuite envoyé un mail à Jane Birkin, la maman de Kate, pour lui dire que je travaillais sur cette exposition avec Kate avant qu’elle disparaisse. Jane m’a répondu dans les cinq minutes, en me disant : ‘Il faut que cette exposition existe.’ Avec Kate, nous avions commencé ensemble, mais nous n’avions pas fini toute la sélection. J’ai voulu continuer, c’était comme tenir une promesse. »
C’est en travaillant sur cette exposition que vous vous êtes connues ?
« Exactement. Je l’avais croisée une ou deux fois, mais c’est en travaillant sur cette exposition que je l’ai connue. Je lui avais envoyé un sms par le biais d’un ami écrivain et elle m’a répondu tout de suite. Ensuite, nous avons déjeuné ensemble, je lui ai parlé de ce projet d’exposition de ses photos d’actrices à Rome et Kate a accepté immédiatement. »Quel souvenir avez-vous gardé de Kate Barry ?
« Je me souviendrai toujours d’elle quand elle est rentré dans le restaurant où on avait rendez-vous. Je me souviens de son élégance, c’est quelque chose qui est propre à toutes les femmes de sa famille. Je me souviens aussi d’une poignée de main très forte, d’un air engagé et aussi d’un rire incroyable, d’une sensibilité qui écoutait beaucoup les autres. Elle était très intéressée par l’autre et cela se voit d’ailleurs dans ses portraits et dans tout ce qu’elle a fait dans sa vie. »
Justement, quelle est sa spécificité en tant que photographe ?
« En ce qui concerne cette exposition, puisque Kate Barry a fait d’autres choses aussi, nous n’avons pas l’habitude de voir les actrices comme elle nous les présente. Vous savez que quand un photographe fait un shooting, c’est très rapide. Les actrices sont occupées et cela ne doit pas durer plus de dix minutes. Là, nous avons l’impression que c’est un moment de pose dans leur vie, elles s’abandonnent complètement. C’est rare de voir Catherine Deneuve telle Peau d’âne, allongée sur son lit… C’est rare de voir les stars ainsi, on ne le voit plus aujourd’hui. Dans toutes ses photos, il y a de la mélancolie, mais il y a aussi beaucoup d’elle et beaucoup d’amour. Kate Barry aimait beaucoup les femmes. »Connaissait-elle toutes les comédiennes personnellement ? Kare Barry était issue d’un milieu artistique…
« Evidemment, elle était connue par sa mère Jane Birkin, par son père John Barry, de même que par ses sœurs Charlotte Gainsbourg et Lou Doillon. Oui, elle connaissait Catherine Deneuve, elle a rencontré une ou deux fois Chiara Mastroianni, mais sinon… Elle faisait partie des gens qui mettent en confiance les autres, ce qui est rare dans la vie. On se sentait bien avec elle. En photographie, surtout en portrait, c’est aussi quelque chose d’exceptionnel. »
J'aimerais s'arrêter avec vous devant quelques-unes des photos exposées, en commençant par le portrait de la sœur de Kate Barry, Charlotte Gainsbourg. C'est peut-être la photo la moins « conventionnelle » de l'exposition...
« Oui, on dirait qu'elle est à la sortie du lit. En janvier dernier, nous avons présenté l'exposition à New York. Au Linkoln Center, il y avait un hommage à Charlotte et Jane. Charlotte a raconté que cette photo avait été faite quand elle habitait dans le XIVe à Paris. Kate était venue chez elle et elle avait prise cette photo dans son appartement. »
Elle est encore à moitié endormie...
« ... Avec une cigarette au bec. Pas conventionnelle, en effet. »
Juste à côté, Catherine Deneuve, l'actrice française la plus connue peut-être en République tchèque...
« Elle est incroyablement belle, avec son image qui se reflète dans le miroir... Elle s'abandonne complètement et on a vraiment l'impression d'être dans Peau d'âne. »
« Les gens s'arrêtent parfois devant cette photo et se disent : 'Ce n'est pas possible, ce n'est pas elle !' Il faut savoir que nous n'avons pas voulu accompagner les photos de légendes. On s'est dit que les gens allaient retrouver qui c'était. A l'entrée, les visiteurs peuvent consulter la liste avec les noms des actrices. Sur cette photo, il y a Leatitia Casta, on n'a pas l'habitude de la voir ainsi. Cette séance a duré longtemps. Leatitia Casta m'a raconté qu'elle avait très mal à force d'être dans cette position, elle avait des courbatures un peu partout. On dirait une marionnette désarticulée, pieds nus... Elle est toujous aussi divine. »
« Vous avez sans doute vu 'La vie d'Adèle'. Je crois qu'il s'agit là d'un premier shooting d'Adèle Exarchopoulos. Ce qui est drôle, c'est que le premier film dans lequel a joué Adèle Exarchopoulos s'appelle 'Boxes' et c'est un film de Jane Birkin qui raconte sa vie. Adèle jouait une des filles de Jane Birkin, elle était très jeune. On ne la reconnaît pas, elle a beaucoup changé. »
« Je crois que cette photo d'Isabelle Huppert et d'Emmanuelle Béart a été faite pour le magazine 'Elle', à l'occasion de la sortie de '8 femmes' de François Ozon. Isabelle Huppert est blonde platine, pour le tournage d'un autre film. Elle a les yeux enfermés, elle est en train de s'évader, de rêver. A côté, nous voyons Lou Doillon, l'autre sœur de Kate. Toute la mise en scène de cette photo fait penser énormément à un dessin d'Egon Schiele. Kate Barry a beaucoup photographié ses sœurs. Je la comprends, quant on a des modèles pareils à côté de soi, autant en profiter. »
Nous l'avons déjà dit, l'exposition tourne dans le monde entier. Dans quels pays a-t-elle été présentée ?
« Elle voyage depuis deux ans. Elle a été présentée en Italie, elle a été aussi à Toronto, à New York, en Istanbul, en Croatie, à Singapour, à Taïwan, en Chine... L'an prochain, elle sera en Colombie et je viens de recevoir une demande pour Séoul. Cette exposition donne envie d'aller plus loin, de faire des recherche sur ce que Kate Barry faisait à côté des portraits. »
Que faisait-elle encore ?
« Elle faisait beaucoup de natures mortes, des paysages, elle avait d'ailleurs publié un livre, en collaboration avec l'écrivain Jean Rolin. Elle affectionnait la Bretagne. »
La sélection de photos, chage-t-elle un peu en fonction du pays où elle est présentée, ou alors il s'agit toujours de cette même exposition ?
« C'est cette même exposittion qui tourne depuis deux ans. Nous n'avons rien changé. »