Le visage du chef de guerre hussite Jan Žižka reconstitué 600 ans après sa mort
Cette année, 600 ans se sont écoulés depuis la mort du chef de guerre hussite Jan Žižka, connu pour son talent stratégique et pour avoir mis au point la célèbre tactique du Wagenburg, cette forteresse de chariots, ancêtre du char. Une équipe internationale de scientifiques a tenté de reconstituer le visage probable de celui qui est considéré comme un héros national tchèque.
C’est à l’occasion du 11 octobre, date exacte de la mort de Jan Žižka il y a 600 ans, que l’équipe de scientifiques du Brésil, de Tchéquie et d’Italie ont présenté le fruit de leurs recherches : ensemble, ils proposent une reconstitution faciale approximative ou probable du célèbre chef militaire, appuyant sur des recherches menées il y a dix ans, à l’occasion de la publication d’une copie numérique exacte d’une partie du crâne, considérée comme un moulage authentique du soldat hussite.
Lors de la reconstruction de l’église Saint-Pierre-et-Paul de Čáslav, une niche maçonnée dans le mur nord de la tour a été découverte en 1910. A l’intérieur : des restes de squelettes, un gros morceau de poterie, un tissu en lambeaux. Très vite, de vifs débats entre chercheurs ont vu le jour pour savoir s’il s’agissait bel et bien d’une partie de la dépouille de Jan Žižka.
C’est finalement un anthropologue tchèque de renom, Emanuel Vlček, qui, au tournant des années 1970-1980, conclura que le crâne est une relique authentique du personnage historique. Des recherches plus récentes, qui n’ont pas encore été publiées dans la presse scientifique, ont été menées par l’Institut de physique nucléaire de l’Académie des sciences. Grâce à une datation au radiocarbone, il a été constaté que la personne pourrait être morte vers 1424, soit à la même époque que Jan Žižka de Trocnov.
La reconstruction du visage de Žižka a été réalisée à l’aide d’une méthode dite d’approximation structurelle basée sur l’analyse statistique de scanners de personnes vivantes et de modèles numériques de crânes provenant de fouilles archéologiques dans le monde entier.
Cette méthode définit des dépendances métriques dans la partie faciale du crâne et entre les os et les tissus mous d’une personne. Cette technologie est également utilisée par les médecins et les criminologues. Le résultat est décrit par un des scientifiques de l’équipe, le Brésilien Cicero da Costa Moraes :
« La base de notre travail, c’était un crâne incomplet scanné en trois dimensions. Pour reconstituer les parties manquantes, nous avons utilisé des scanners de personnes vivantes. Nous avons créé trois types d’images. L’une est la plus objective, grise, sans détails, sans cheveux, les yeux fermés, car nous n’avons aucune information sur la couleur des yeux, des cheveux et de la peau. Les deux autres modèles sont en couleur et contient tous ces détails : il y a une version en buste nu et une version du buste habillé. Nous avons réalisé la toute première reconstitution dite ‘approximative’ en 3D du visage de Jan Žižka. »
A cheval entre l’anthropologie et la médecine légale, la reconstruction faciale de personnages historiques est très en vogue ces dernières années. Si les recherches ont commencé dès les années 1970, les nouvelles technologies numériques ont donné un coup de pouce sans précédent à cette méthode qui, si elle a ses limites, permet d’imaginer un peu mieux l’apparence qu’ont pu avoir certaines grandes figures historiques, au-delà de leurs représentations stylisées en peinture ou en sculpture, lorsque celles-ci existent.
Ce n’est pas la première fois que Cicero da Costa Moraes, le designer 3D brésilien spécialisé dans la reconstruction faciale en médecine légale, travaille sur des projets conjoints de ce type avec la Tchéquie : déjà, en 2021, ils avaient ainsi pu reconstituer le visage de la sainte tchèque Ludmila et les visages de ses fils, les princes přemyslides Spytihněv Ier et Vratislav Ier.
Par le passé, ils ont également travaillé sur le visage d’une autre sainte, Zdislava de Lemberk ou celui de la reine de Bohême Judith de Thuringe. Contrairement à la reconstitution dite « approximative » effectuée pour Jan Žižka, les scientifiques estiment à 90% l’exactitude de leur travail de restitution du visage de ces personnages historiques.