Un siècle sans Jakub Schikaneder, peintre de Prague et de l'intimité mélancolique
Né à Prague en 1855, Jakub Schikaneder est mort il y a exactement 100 ans, le 15 novembre 1924. Bien que relativement méconnu hors des cercles spécialisés, son œuvre fascine par sa capacité à capturer des atmosphères empreintes de solitude, de mélancolie et de poésie. En s’intéressant aux thèmes de la vie urbaine, des paysages brumeux et des scènes de vie quotidienne, Schikaneder a excellé dans l'art de peindre sa ville natale.
Jakub est né à Prague dans une famille modeste avec pour ancêtre Emanuel Schikaneder, librettiste de la Flûte enchantée de Mozart. Après des études à l’Académie des beaux-arts de Prague, où il côtoie des maîtres comme Josef Matyáš Trenkwald, il se perfectionne à Munich. Son séjour en Allemagne et ses voyages à travers l’Europe – notamment en Italie et en Suisse – enrichissent son approche picturale et l’ouvrent à des influences diverses, telles que l’impressionnisme français et l’école réaliste allemande.
Cependant, ce sont les rues de Prague et la campagne tchèque qui deviennent ses principales sources d’inspiration. Ses tableaux capturent souvent des moments fugitifs – un coucher de soleil d’automne, une ruelle silencieuse enveloppée de brouillard, ou encore une femme seule devant un paysage infini.
Ruelle silencieuse mais le tableau ferait presque entendre le bruit de pas feutrés sur la neige ou d’un carrosse tiré par un cheval. Comme dans celui représentant la place Maltézské dans le brouillard, proche de l’actuelle ambassade de France.
Dans ses œuvres, la lumière joue un rôle central : elle est diffuse, douce, presque évanescente, créant une impression de mystère et de recueillement. Comme l’a écrit un critique de l’époque, « Schikaneder ne peint pas seulement des paysages ou des scènes de rue, il peint l’âme de ce qu’il observe ».
Tomáš Vlček, auteur de la première monographie de Jakub Schikaneder, hésitait beaucoup quand on lui demandait laquelle de ses toiles lui est la plus chère :
« J’aime les œuvres du début de la carrière du peintre, bien qu’elles soient assez éclectiques parce que c’est par ces toiles que filtre son empathie, son désir de partager le sort des autres. Cela lui a permis de transformer le tableau en moyen de communication visuelle qui est très riche et enrichissante pour le spectateur, et où les gens se rencontrent avec eux-mêmes. »
Les thèmes de la solitude et de la fragilité humaine
Un autre tableau marquant, Un soir d’hiver en ville (Zimní večer ve městě), montre une rue enneigée, baignée d’une lumière tamisée qui semble provenir d’un lampadaire lointain. Ce tableau est souvent cité comme l’un des chefs-d’œuvre de Schikaneder, symbolisant le mieux son talent pour créer des atmosphères mélancoliques et intemporelles. « La solitude urbaine chez Schikaneder est universelle, elle transcende le temps et l’espace », écrivait un historien de l’art contemporain.
Jakub Schikaneder a habité une grande partie de sa vie, à partir de 1884, dans le quartier de Vinohrady, dans un bâtiment disparu depuis, à deux pas de là où se trouve désormais la radio publique tchèque. Il est enterré au cimetière de Vinohrady.
Malgré la qualité indéniable de son travail, Jakub Schikaneder est resté longtemps dans l’ombre de figures plus célèbres de l’art tchèque, comme Alfons Mucha ou Josef Mánes. Cette relative discrétion est en partie due à son style, jugé à contre-courant des avant-gardes qui dominaient la scène artistique au début du XXe siècle. Toutefois, depuis les années 1990, son œuvre connaît un regain d’intérêt, notamment grâce à des rétrospectives organisées à Prague, et il fait partie des modèles privilégiés par les faussaires, comme le confiait l’ancienne directrice de la collection d’art du XIXe siècle de la Galerie nationale, Šárka Leubnerová :
« Dans le cas de Schikaneder, nous courrons le risque d’exposer un faux, il faut donc tout contrôler. Jakub Schikaneder se range avec Navrátil et Piepenhagen parmi les peintres tchèques du XIXe siècle les plus souvent falsifiés. »
Depuis mai 2019, le record de vente aux enchères d’un Schikaneder est détenu par le tableau La laitière, vendu pour 19,44 millions de CZK. Ce tableau est également devenu l'œuvre du XIXe la plus chèrement acquise. Une autre de ses œuvres célèbres, Rue en hiver, datant de 1900-1910, a été vendue aux enchères en mai de cette année pour 14,34 millions de CZK (environ 570 000 EUR).
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