Affaire du Tchèque tué à Londres : Prague s’indigne du verdict rendu par la justice britannique

Lubomír Zaorálek, photo: ČTK

Le verdict a surpris et même choqué à Prague. L’homme britannique accusé du meurtre d’un ressortissant tchèque à Londres à l’automne dernier a été innocenté et libéré par la justice de son pays, lundi. La décision a provoqué le courroux du ministère des Affaires étrangères tchèque, qui demande désormais au gouvernement britannique de faire le nécessaire pour que l’affaire fasse l’objet d’un nouvel examen.

Lubomír Zaorálek,  photo: ČTK
C’est un Lubomír Zaorálek visiblement marqué qui s’est présenté devant les médias mardi après-midi. Le ministre, qui a clairement exprimé son sentiment, venait de recevoir l’ambassadrice du Royaume-Uni à Prague, qu’il avait convoquée quelques heures plus tôt, pour l’informer de son mécontentement suite au jugement rendu par la justice britannique. Un mécontentement qu’il a fait partager ensuite aux journalistes présents :

« Toute cette affaire me semble très curieuse. J’ai beaucoup de mal à accepter ce verdict, car je me fais une autre idée de la justice dont nous aurions aimé être les témoins. C’est pourquoi nous mettrons tous les moyens en œuvre de façon à ce que l’affaire puisse être réexaminée. »

Pour rappel des faits, Zdeněk Makar, un ressortissant tchèque qui était âgé de 31 ans au moment des faits en septembre dernier, a été assassiné, battu à mort dans la rue au moyen d’une chaîne de vélo et d’un cadenas métallique, par un membre d’un groupe qui était composé de trois jeunes hommes âgés de 29, 18 et 16 ans. Zdeněk Makar, qui vivait et travaillait au Royaume-Uni depuis une dizaine d’années, n’avait jamais eu le moindre démêlé avec la justice britannique, pas plus qu’il n’avait été impliqué dans un quelconque fait divers depuis son arrivée sur le territoire britannique. L’auteur du crime, lui, qui a expliqué qu’il s’agissait d’un acte de défense personnelle (« self-defense »), ne s’est présenté à la police que deux jours après le drame. Celui-ci est intervenu suite à un échange verbal entre les deux parties. Autant de données, enregistrées par une caméra de vidéosurveillance, qui donnent à penser à Prague que l’accusé est également coupable. Et Lubomír Zaorálek affirme avoir bien du mal à croire à la version de « self-defense » :

« Le citoyen britannique qui s’est manifesté à la police deux jours après les faits a pris la fuite à vélo sans même apporter d’aide au blessé sur place ou sans chercher à appeler de l’aide. Et pourtant nous apprenons qu’il est innocent… On peut donc légitimement se demander si l’affaire a été jugée en bonne et due forme et si un jugement juste a été rendu. »

Si ce fait divers préoccupe tant le gouvernement tchèque, c’est aussi parce que celui-ci s’inquiète plus généralement du sort de ses ressortissants vivant au Royaume-Uni. Suite au drame, le Premier ministre Bohuslav Sobotka avait appelé son homologue britannique Theresa May à prendre les mesures nécessaires pour arrêter les actes de « violence haineuse »à l'encontre des Tchèques et des ressortissants des pays d’Europe centrale et de l’Est. Bohuslav Sobotka s'était alors déclaré « perturbé par le nombre grandissant d'attaques en Grande-Bretagne visant les citoyens des Etats membres de l'Union européenne », après le référendum sur le Brexit.

De son côté, l’ambassade du Royaume-Uni à Prague a réagi mardi en indiquant qu’elle ne pouvait pas s’exprimer sur des affaires de justice concrètes, mais quelle pouvait confirmer que l’affaire en question a été jugée conformément à l’ordre juridique britannique et aux procédures en vigueur. Une position officielle neutre qui n’a pas empêché Lubomír Zaorálek de demander à l’ambassadrice si un autre verdict aurait pu être rendu si la victime n’avait pas été un ressortissant tchèque ; entendez par là un citoyen européen de second rang…