Alain Robbe-Grillet, un artiste entre littérature et cinéma

Alain Robbe-Grillet, photo: CTK

C’est ce lundi 18 février que se sont achevées la vie et l’oeuvre d’Alain Robbe-Grillet. L’homme qui a révolutionné la littérature française dans les années cinquante, s’est rendu à plusieurs reprises dans notre pays. Lors de sa participation au Festival des écrivains à Prague, en 2002, il avait répondu aux questions de Radio Prague. Vaclav Richter a choisi quelques passages de cet entretien dans lesquels Alain Robbe-Grillet évoque son œuvre de cinéaste.

Alain Robbe-Grillet,  photo: CTK
C’est avec le roman « Les Gommes » qu’Alain Robbe-Grillet fait, en 1953, une entrée fracassante dans la littérature et devient un des représentants et théoriciens du Nouveau roman, mouvement littéraire qui rejette la psychologie pour donner une image plus objective de la vie. Ses activités ne se limitent pas cependant à la littérature et, en 1961, il crée, en collaboration avec le réalisateur Alain Resnais, le film « L’Année dernière à Marienbad ». Lors de sa visite à Prague, en 2002, il tiendra à préciser le rôle qu’il a joué dans la gestation de ce film devenu mythique :

« Je précise que j’ai fait beaucoup plus qu’écrire le scénario de ‘Marienbad’. J’ai écrit un découpage. Ce n’est pas un scénario, c’est directement la description d’un film imaginaire que j’ai fournie à Alain Resnais. C’était la description d’une histoire imaginaire comme si c’était déjà un film et pas un scénario. Et Resnais a accepté ça, ce qui est rare de la part d’un réalisateur. Les réalisateurs préfèrent un scénario. »

A partir de là, Alain Robbe-Grillet partage ses activités entre la littérature et le cinéma et devient lui-même réalisateur. Vers la fin des années soixante, ses projets cinématographiques l’amèneront aussi en Tchécoslovaquie socialiste.

Alain Robbe-Grillet,  photo: CTK
« J’ai tourné dix films dont deux en Slovaquie. Donc, c’était des coproductions franco-tchécoslovaques mais tournées en Slovaquie. C’était même pour ces films-là, en particulier pour le premier, ‘L’homme qui ment’, que les accords de coproduction entre la France et la Tchécoslovaquie ont été signés. Donc c’était des films qui avaient la double nationalité, française et tchécoslovaque. Il existe de ‘L’homme qui ment (Muž, ktorý luže)’ une version française, une version slovaque et je crois une version tchèque aussi. (…) C’était formidable, le cinéma socialiste, parce qu’on ne s’occupait pas de la rentabilité. Dans le cinéma capitaliste, il faut que le public vienne. Dans le cinéma socialiste, ça n’avait aucune importance. On faisait ce qu’on voulait. Et d’ailleurs, j’ai fait ensuite un autre film qui s’appelle ‘L’Eden et après’ (Eden a potom) qui a été tourné aussi dans de très bonnes conditions de point de vue du réalisateur parce que personne absolument n’intervenait pour dire qu’il faudrait être plus commercial. Il y avait une quantité de choses déplorables dans le régime communiste mais il y avait aussi quelques petits côtés qui étaient favorables, en particulier donc le cinéma socialiste … (rires). »

Alain Robbe-Grillet aimait le mystère. Il refusait de réduire la vie à un roman policier où tout s’explique à la fin. Depuis le 18 février dernier, il fait donc partie, lui aussi, de ce mystère qui ne s’explique pas.