Alfons Mucha, le maître de l’Art nouveau, enfin exposé à Paris

L'exposition d'Alfons Mucha au Musée du Luxembourg, photo: Kateřina Srbková

Qui ne connaît pas les célèbres affiches de théâtre d’Alfons Mucha représentant la comédienne française Sarah Bernhardt ou alors ses publicités pour des vélos, du champagne, les bières de la Meuse représentant des jeunes femmes entourées de motifs floraux ? Elles se déclinent aujourd’hui en cartes postales, en pin’s, en T-shirts, calendriers et autres produits dérivés, faisant presque oublier que cet illustrateur fut le véritable fer de lance de l’Art Nouveau en son temps. Une grande exposition au Musée du Luxembourg retrace le parcours de cet artiste tchèque dont la carrière fut lancée justement à Paris.

Alfons Mucha,  photo de l'exposition: Kateřina Srbková
Comme pour l’écrivain Milan Kundera, certains Français pensent parfois qu’Alfons Mucha est… français ! Pourtant, ce maître de l’Art nouveau était animé d’une flamme patriotique incontestable et d’un attachement à son pays natal, dont témoigne notamment tout son travail préparatoire pour l’Epopée slave, grande fresque sur la mythologie slave qui occupa la deuxième partie de sa vie d’artiste. Et qui prend un sens tout particulier alors que l’on célèbre cette année le centenaire de la création de la Tchécoslovaquie.

Pour saisir la complexité et l’œuvre foisonnante d’Alfons Mucha dans son ensemble, l’exposition qui ouvre ses portes ce mercredi au Palais du Luxembourg propose un parcours au croisement du chronologique et du thématique, insistant sur la multiplicité des facettes de l’artiste. John Mucha est son petit-fils et il veille à la préservation de l’œuvre et de l’héritage de son grand-père :

« Ce que je m’efforce de faire, c’est que tout cela reste un ensemble cohérent. J’essaye d’en prendre soin, de faire en sorte que les gens puissent découvrir son œuvre, par exemple avec cette exposition. Je veux aussi montrer que mon grand-père ne faisait pas uniquement des affiches, même si celles-ci l’ont rendu célèbre. Il était aussi un grand artiste dans d’autres domaines, comme le dessin, la peinture à l’huile, la photographie. En outre, la Tchécoslovaquie était quelque chose de très important pour lui. Et cela tombe bien que cette exposition soit organisée précisément en cette année du centenaire de la fondation du pays. »

L'exposition d'Alfons Mucha au Musée du Luxembourg,  photo: Kateřina Srbková

Et il faut dire que cette année, Paris a déroulé le tapis rouge à l’art tchèque : après l’événement représenté par la grande exposition František Kupka au Grand Palais, acclamée par la presse et le public, celle consacrée à Alfons Mucha promet d’attirer une foule d’amateurs admiratifs de sa représentation élégante de la sensualité féminine, couplée aux arabesques florales qui décorent ses célèbres affiches. François Grolleau, directeur du Musée du Luxembourg :

« Le style de Mucha, ce style floral, s’insère parfaitement dans l’univers du Jardin du Luxembourg et du Musée du Luxembourg situé au cœur de ce jardin. Il y a aussi cette ‘femme Mucha’ qu’on voit sur toutes ses affiches, jusqu’aux boîtes de biscuits, voire sa peinture plus mystique et philosophique. On a toujours une représentation de la femme avec ces ornementations florales, ces rinceaux, ces rondeurs, ces fleurs. C’était l’occasion aussi de faire découvrir et redécouvrir cet artiste au public parisien, de la région Ile de France, au public national et international. En effet, cet artiste n’a pas eu de grande exposition à Paris depuis celle qui lui avait été consacrée en 1980 au Grand Palais. »

L'exposition d'Alfons Mucha au Musée du Luxembourg,  photo: Kateřina Srbková
Vera Egermeyer est tchèque, mais elle a émigré en Nouvelle Zélande après le Coup de Prague de 1948. Proche de la famille Mucha et notamment de Geraldine Mucha, l’épouse du fils de l’artiste, elle évoque la postérité de l’artiste symbole de la Belle Epoque :

« Pendant la période du communisme, il était considéré comme décadent en Tchécoslovaquie, comme un artiste sans intérêt et bourgeois. Il n’était pas du tout apprécié en ce temps-là. Les Français pour leur part ont eu tendance à se l’approprier. C’est notamment dû au fait qu’il a vécu si longtemps à Paris… et de la prononciation de son nom à la française et non à la tchèque. Cela dit il est évident, par l’intérêt suscité par ce vernissage, qu’ils adorent Mucha. C’est un artiste qui avait une gamme très large. Il est surtout connu pour ses jolies femmes, ses fleurs etc. Mais il y avait un côté très sombre chez lui aussi : il voyait la misère du monde, la solitude des gens, il avait une idée assez apocalyptique de notre avenir. On peut voir ici quelques œuvres qui reflètent cela. »

Pour découvrir tous les aspects de la création d’Alfons Mucha, c’est au Musée du Luxembourg jusqu’au 27 janvier 2019.