Ani muk! Nepomuk!
Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague – Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! Un titre bien énigmatique pour un Tchèque du bout de la langue hypothétique cette fois - ou la recherche du lien entre une expression et sa source probable, épicée d’une bonne dose d’histoire tchèque…
Pour commencer, il faudra vous familiariser avec une expression : ani muk! Si le sens ne vous est pas évident au son, alors une traduction à rallonge vous aidera surement – ani muk, c’est notre « motus et bouche cousue »!
Pour être tout a fait exact, ani muk! peut vouloir signifier « motus et bouche cousue » prononcé à l’impératif, mais l’expression peut également signaler un sujet dont on ne dit pas un mot – ani muk. Ici, ani signifie « ni », mais se traduirait en francais par un « pas » impératif – pas un mot! Quant à muk… c’est un mot qu’on ne trouve pas vraiment ailleurs que dans l’expression ani muk– d’où l’intérêt d’hypothétiser à souhait sur sa provenance…
Notre enquête nous a assez rapidement amené à ce bon vieux personnage historique tchèque Saint Jean de Népomucène – vous ne sentez toujours pas le lien…? Peut-être que son nom tchèque vous aidera : Svatý Jan Nepomucký, son nom indiquant sa provenance, saint Jean venait de… Nepomuk. Et le lien de parenté est plus évident.
Le lien syllabique entre « ani muk » et « Nepomuk » ainsi établi, il faudrait se pencher sur la signification d’une telle source : en effet, comment un personnage historique peut-il avoir donné son nom à une expression aussi originale que « motus et bouche cousue »?
Vous connaissez peut-être saint Jean de Népomucène – Svatý Jan Nepomuk– pour avoir vu sa statue sur le célebre pont Charles de Prague, peut-être même avez-vous touché du doigt les plaques en bronze aux pieds de la statue, paraît-il que c’est bon pour le bonheur…
Figurez-vous que ce saint Jean de Nepomuk vivait au XIVe siècle. Il etait fils de berger et puis prêtre et puis archidiacre et puis bref, il faisait une jolie carriere dans l’Eglise jusqu’a ce qu’il entre en conflit avec le roi de Bohême de l’époque, Venceslas IV. A tel point qu’il a fini par être assassiné sur le fameux pont Charles, oui, oui, à l’endroit même où vous avez touché les pieds de sa statue, à cet endroit-là on a mis son corps dans un sac et on l’a balancé par-dessus bord.
Méfiez-vous donc de ne pas être dans le collimateur d’un roi de Bohême par exemple, ou de votre collocataire on ne sait jamais, quand vous vous promenez sur le pont Charles! Mais revenons à nos moutons, à la raison de la mort de Jan. Paraît-il qu’il refusait, en bon professionnel, de révéler au roi le secret de la confession de la reine : motus et bouche cousue! Vous suivez…? Le roi, avant de le faire assassiner, lui aurait même fait couper la langue pour lui apprendre à tenir la sienne! « Ani muk » peut donc être un comportement risqué… Mais qui a également valu à Svatý Jan Nepomucký reconnaissance et sanctification.Sur cette éclairage express, il ne nous reste plus qu’à nous demander qui a bien pu être à l’origine de notre « motus »… Et c’est sur cette question qui, nous l’espérons, ne vous empêchera pas de dormir ni de profiter de vos vacances d’été, que s’achève ce « Tchèque du bout de la langue ».
Pour terminer, il ne nous reste qu’à vous avouer que le titre de cette émission, Ani muk! Nepomuk! n’est pas une création de Radio Prague, puisqu’il s’agit d’un opéra baroque de la compagnie Geisslers Hofcomoedianten. En attendant de vous retrouver la semaine prochaine, portez-vous du mieux possible – mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous – slunce v duši, salut et à bientôt – zatím ahoj !