Antonín Bajaja, lauréat du Prix national de Littérature
« En écrivant mes souvenirs d’enfance, je me soulageais, au début des années soixante, de l’époque dans laquelle je vivais, j’échappais aux cauchemars, » dit l’écrivain Antonín Bajaja, le nouveau lauréat du Prix national de Littérature. Le jury du ministère de la Culture lui a décerné cette distinction pour son roman dont le titre est une allusion à la célèbre valse de Johann Strauss. Le livre couronnée du Prix national s’appelle « La belle Dřevnice bleue ».
« Nous jouions aux billes, nous nous poursuivions dans la rue et autour de nous les gens perdaient la liberté, l’espoir, les biens. Je ne place les biens qu’à la dernière position parce qu’il y a des choses plus importantes. Mais grâce à nos parents, grâce aux adultes qui voulaient nous permettre de vivre notre enfance, nous ne nous rendions pas compte de tout ça. Pas vraiment. »
Fils d’un médecin poursuivi par le régime, Antonín Bajaja devient, après des études à l’Ecole supérieure d’Agriculture de Brno, zootechnicien dans une coopérative agricole, puis chef du laboratoire agricole de Zlín. Après la révolution de 1989, il se lance dans le journalisme et travaille d’abord à la radio tchèque puis à la station Europe libre. A partir de 1996, il dirige les séminaires d’écriture littéraire de l’Université Palacký d’Olomouc. Simultanément il écrit et en 1994 son roman « Zvlčení » (Devenir loup) obtient le prix Magnesia litera. C’est le nom de la rivière traversant Zlín qui figure dans le titre de son dernier opus « La belle Dřevnice bleue », livre qui reflète, selon son auteur, les changements que l’âge a apporté à sa vision de l’enfance :« Dans ce livre, je ne regarde pas le monde seulement par les yeux de l’enfant que j’étais. Je le regarde aussi par les yeux d’un homme vieillissant et c’est peut-être justement cette différence, ce frottement entre la vision enfantine et la vision adulte du monde qui crée une des dimensions, une des tensions de ce livre. »
Aujourd’hui encore la vie d’Antonín Bajaja reste intimement liée avec sa ville natale. Il ne cache pas être déçu par l’évolution de Zlín pendant ces deux dernières décennies :
« Puis il y a eu la révolution et Zlín a déposé le bilan. Et aujourd’hui il n’y a rien, on n’y fabrique rien, l’immense usine qui a créé cette ville, est morte. Je m’étonne que la ville de Zlín continue encore d’exister, qu’elle ait survécu par miracle à tout ça, qu’elle n’ait pas eu le sort du Dawson City dans le Klondike après la fin de la ruée vers l’or. »Heureusement, ces dernier temps l’écrivain constate aussi une certaine amélioration et se prend à espérer que la ville revive grâce à son université, à ses institutions régionales. Il suit avec intérêt le travail de l’architecte Eva Jiřičná qui a construit à Zlín une nouvelle maison de la culture, une construction futuriste qui, pour Antonín Bajaja, fait progresser finalement l’architecture de la ville au-delà de la période des frères Baťa.