Antonín Dvořák et la symphonie perdue
Il y a 180 ans naissait Antonín Dvořák à Nelahozeves près de Kralupy nad Vltavou, au nord-ouest de Prague, l’un des compositeurs tchèques les plus célèbres dont les œuvres sont jouées encore aujourd’hui dans le monde entier. La symphonie de Dvořák ‘Du Nouveau Monde’ a même résonné sur la Lune en 1969 grâce à un enregistrement emporté par Neil Armstrong lors de sa mission. Radio Prague International revient sur la vie de ce compositeur hors pair qui aurait pu ne jamais découvrir sa virtuosité.
Anna et František Dvořák ont donné naissance à leur fils Antonín le 8 septembre 1841. František était boucher à Nelahozeves et espérait bien que d’une manière ou d’une autre, son fils reprenne son établissement une fois adulte après ses études, comme cela était la coutume à l’époque. Pourtant, les archives ont révélé que le certificat d’aptitude professionnelle de boucher d’Antonín Dvořák ressemblait fortement à un mauvais plagiat truffé de fautes et de non-sens. L’idée que le vénérable Dvořák puisse être le maître du billot était en fait dès le début le produit d’une pure fantaisie.
A défaut d’être boucher, Dvořák aurait également pu devenir conducteur de train. La maison de famille de Dvořák à Nalahozeves se situait, en effet, à seulement quelques dizaines de mètres d’une voie ferrée, non loin de la petite gare du village. Le 3 mai 1850, le jeune Antonín n’avait pas encore neuf ans quand la première locomotive à vapeur relia Prague à Dresde par la nouvelle voie ferrée tout juste achevée. Le petit Dvořák était instantanément tombé sous le charme. Le rail a représenté l’amour de toute sa vie. Il s’agissait certes d’une passion d’enfant, mais les prouesses techniques de l’époque le marquèrent à jamais et la sophistication du train constituait pour lui une véritable fascination. Peut-être a-t-il vu dans cet univers une ressemblance avec la dynamique structurelle d’une œuvre symphonique. Cela pourrait du moins expliquer en partie ses mots qui lui sont attribués : « J’aurais échangé toutes mes symphonies si j’avais pu inventer la locomotive ». L’intérêt de Dvořák pour tout ce qui se rapportait au rail était authentique. Il voyageait souvent en train et aimait cela. Régulièrement à la gare, il entrait en conversation avec les conducteurs de train et avait avec eux de longues discussions de connaisseurs. Son rituel matinal préféré était d’ailleurs de se promener vers le tunnel près de la gare centrale.
Heureusement pour la musique tchèque et mondiale, il déménagea à douze ans à Zlonice, non loin de Nelahozeves, où le professeur et organiste Antonín Liehmann se consacra pleinement à l’initier à la musique locale. Dvořák apprit auprès de lui l’aspect théorique de la musique, mais aussi le violon, le piano et l’orgue. Il excellait tellement qu’à seize ans, il partit pour Prague étudier la musique à l’école d’orgue.
Un grand amateur de quenelles aux prunes
Antonín Dvořák a vécu à Prague chez sa tante Josefína Dušková sur la place Charles plus de quinze ans, jusqu’à son mariage en 1873. Sa cousine Anna Duškova aimait se souvenir de lui non seulement comme d’un parent doué d’un génie musical, mais aussi comme d’un grand mangeur : « Antonín prenait son petit-déjeuner chez nous. Pour le déjeuner et souvent aussi pour le dîner il allait aux représentations des chanteurs du Théâtre national. Mais quand les prunes mûrissaient, il suppliait à chaque fois ma mère au déjeuner, tout comme aujourd’hui. Sur les trente quenelles que comptait son plat, aucune n’a subsisté ».
Quand les Dušek ont déménagé dans un plus grand appartement à l’arrière d’une maison, Antonín Dvořák put emprunter et installer dans sa chambre un piano. Sa chambre n’était pas large. En face du piano se tenait une table et juste derrière elle se trouvait un lit.
Il composait souvent dès son réveil. Il imaginait tout d’abord des mélodies dans sa tête sur son lit. Ensuite quand il écrivait près de la table, il tenait sa plume entre ses dents et ses doigts et jouait sur le bureau ou sur sa manche. Pour terminer, il se tournait vers le piano, jouait la mélodie et la chantonnait silencieusement. Anna Duškova a assisté à cette scène plus d’une fois : « Il me regardait dans les yeux et sifflotait en même temps, mais assurément il ne remarquait pas que j’étais là ».
La symphonie perdue
Antonín Dvořák a composé sa première symphonie en quatre mouvements au début de l’année 1865. Il n’a pas vécu cependant assez longtemps pour assister à sa première. La symphonie, que nous connaissons sous le nom de ‘Les Cloches de Zlonice’, a retenti pour la première fois le 4 octobre 1936 à Brno, trente-deux ans après la mort de son auteur. Dvořák l’aurait, selon les dires, composée pour une compétition entre compositeurs dans la Saxe. Il l’a emmenée avec lui là-bas et c’est là-bas aussi qu’elle a disparu. Le compositeur a pensé toute sa vie qu’il avait à jamais perdu sa première œuvre orchestrale. Mais après de nombreuses années la symphonie est réapparue lors de la succession d’un certain professeur de l’Université Charles qui l’avait achetée à Leipzig quand il n’était encore qu’un simple étudiant. Il ne lui avait jamais vraiment prêté attention. Ainsi en 1920, quand l’œuvre originale a été léguée à son fils, l’authenticité de la symphonie a pu être attestée. La première symphonie de Dvořák a été jouée tardivement de nombreuses fois, mais ce n’est qu’en 1966 que son premier enregistrement complet a été réalisé grâce à l’orchestre symphonique de Londres.
Plongeons-nous à présent dans cette Symphonie n° 1 en do mineur, connue sous le nom de ‘Les Cloches de Zlonice’, la première symphonie et la première composition orchestrale d’ Antonín Dvořák.