Antonín Švorc : le départ d’un grand wagnérien
Pendant un demi-siècle Antonín Švorc a figuré parmi les meilleurs chanteurs du Théâtre national de Prague et était souvent invité par des théâtres lyriques prestigieux, notamment en Allemagne. Ce mardi, sa voix qui a si bien servi les grands compositeurs lyriques, s’est tue. Il a quitté la scène de ce monde à l’âge de 77 ans.
« C’était avant tout une somptueuse voix d’un très beau timbre et d’une technique vocale impeccable. Sa tessiture était celle d’un baryton-basse et sa voix était prédestinée aux grands rôles wagnériens comme Wotan dans l’Anneau du Nibelung, le Hollandais dans le Vaisseau fantôme ou Telramund dans Lohengrin. »
Le talent d’Antonín Švorc est évident dès le début. Il entre très tôt dans l’univers chatoyant de l’opéra, comme s’il n’avait pas besoin de mûrir. A l’âge ou d’autres ne font qu’apprendre à chanter, il incarne déjà des hommes mûrs. Ivan Ruml évoque la précocité de ce talent :« Il n’avait que 22 ans lorsqu’il a été admis en tant que soliste à l’opéra du Théâtre national de Prague. Déjà en 1958, donc à l’âge de 24 ans, on lui a confié le rôle de Hans Sachs dans Les Maîtres chanteurs de Nuremberg sous la direction du chef d’orchestre Jaroslav Vogel. Très tôt, le talent d’Antonín Švorc a été aussi remarqué par l’Opéra d’Etat de Berlin. Il a collaboré avec ce théâtre dès 1962 donc au début de cette collaboration, il n’avait même pas encore trente ans. C’est donc dans le répertoire de ce théâtre qu’il a pu mettre en valeur sa voix et sur cette scène, il a chanté même dans des opéras de Richard Strauss. »
Le rôle de Hans Sachs, cordonnier et chanteur de la ville de Nuremberg, a été sans doute aussi l’une des plus grandes réussites de la carrière d’Antonín Švorc. En 1974, Antonín Švorc, chanteur invité permanent de l’Opéra d’Etat de Berlin reçoit le titre prestigieux de « Kammersinger ». Il chante en Allemagne, en France, en Suisse et en Italie le répertoire wagnérien mais il excelle aussi entre autres dans le rôle de Pizarro dans Fidelio de Beethoven, dans celui de Budivoj de l’opéra Dalibor de Bedřich Smetana et il est en mesure d’interpréter également des rôles extrêmement difficiles dans les opéras de Zdeněk Fibich aujourd’hui oubliés comme par exemple celui du pirate Lambro dans le drame lyrique Hedy.Les grands rôles dramatiques ne sont pas très courants dans le répertoire lyrique tchèque et Antonín Švorc a donc souvent chanté à l’étranger. Il a peut-être été plus connu et plus apprécié en Allemagne que dans sa patrie. Son départ laisse un vide car, selon Ivan Ruml, les talents comme celui d’Antonín Švorc sont rares :
« L’éventail de ses moyens vocaux était extrêmement large, il s’aventurait même dans le répertoire russe et chantait entre autres dans La Dame de pique de Tchaïkovski. C’était donc un baryton-basse aux grandes possibilités vocales qui a consacré cependant la majorité de sa création à Richard Wagner. »Grâce au disque la voix d’Antonín Švorc reste avec nous. Il a partagé aussi les expériences artistiques de sa longue carrière avec ses élèves au conservatoire de Prague.