Août 1968 : un drame vécu par les Pragois, et parmi eux Jan Palach

Août 1968, photo: Leszek Sawicki

Il y a quelques jours, les Pragois ont à nouveau vu défiler les chars soviétiques dans les rues de leur ville, plus précisément devant la Faculté des Lettres de l’Université Charles et le palais du Rudolfinum. Heureusement, il ne s’agissait que d’une mise en scène pour les besoins du tournage d’un nouveau film sur Jan Palach, cet étudiant tchèque qui s’est immolé par le feu dans le centre de Prague, en janvier 1969. A l’origine de son acte, l’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du pacte de Varsovie, survenue le 21 août 1968, qui a laissé une cicatrice dans la mémoire des témoins de l’époque.

Parmi eux, Jaroslava, une Pragoise âgée de 27 ans au moment de l’invasion :

Août 1968,  photo: Leszek Sawicki
« Mon beau-père a été hospitalisé à l’hôpital Thomayer, il nous a téléphoné au milieu de la nuit, pour nous dire que le pays était occupé, qu’il y avait des chars devant la clinique. Nous ne voulions pas y croire, mais en sortant sur le balcon, nous avons vu plein de lumières dans le ciel, c’était des avions. Mais il nous paraissait incroyable qu’une telle chose puisse se passer. »

Cette même nuit, dans un autre hôpital pragois, celui de Vinohrady, le chirurgien Vladimír Nahodil s’occupait des premiers blessés des affrontements avec les soldats soviétiques. Le 21 août, au petit matin, les combats se sont déroulés justement dans le quartier de Vinohrady, près du siège de la Radio tchécoslovaque qui diffusait des informations non-censurées sur le déroulement de l’invasion. Vladimír Nahodil :

« Je ne voulais pas manifester dans les rues, je savais que ma place était à l’hôpital. Nous avons apporté des soins urgents à une centaine de blessés. Dans la plupart des cas, il s’agissait de contusions, mais aussi de blessures plus graves qui ont nécessité une opération. Pour distinguer ces blessés des autres patients, nous avions marqué le mot ‘occupation’ en tête de leurs fiches médicales. Peu après, toutes ces fiches ont disparu, elles ont probablement été confisquées par les autorités. »

Au-delà des affrontements, l’arrivée des troupes du pacte de Varsovie a évidemment bouleversé la vie des habitants du pays. Jaroslava se souvient :

Août 1968,  photo: Leszek Sawicki
« En août 1968, notre fille avait trois ans. Comme c’était les vacances, elle était chez sa grand-mère, dans le quartier pragois de Smíchov. Nous, nous habitions à Žižkov, donc de l’autre côté de la Vltava. Le jour de l’invasion, on avait peur, on ne savait pas ce qui allait se passer. Mais on ne pouvait pas aller chercher notre fille, car tous les ponts pragois ont été fermés. A l’époque, la petite ne savait pas encore très bien parler, mais lorsque j’ai réussi à l’avoir au téléphone, elle m’a dit : ‘Maman, il y a des coups de feu !’. »

« Le matin, nous sommes allés au travail comme tous les jours. Moi, je travaillais comme comptable à Nusle, alors j’y suis allée à pied, sans regarder à droite ni à gauche. Les hommes ont été plus courageux, mon mari est resté avec les autres dans la rue pour observer la situation. »

Jan Palach | Photo: public domain
Le réalisateur Robert Sedláčk, quant à lui, dit vouloir tourner un film sur cette génération de Tchèques dont le rêve de vivre dans une société démocratique a été brisé par les chars soviétiques. C’est un jeune acteur peu connu, Viktor Zavadil, qui campe le rôle de Jan Palach dans son long-métrage qui devrait sortir en août prochain, à l’occasion du 50e anniversaire de l’invasion soviétique. Jan Palach est devenu une sorte d’icône nationale, pour avoir accompli un geste qui a bouleversé les Tchèques et les Slovaques, tombés dans la léthargie suite à l’écrasement du Printemps de Prague. Une résignation dont témoigne Jaroslava :

« Nous avions un ami qui a émigré. Nous ne pouvions même pas lui écrire, c’était triste. Nous ne nous sommes pas engagés dans l’opposition, nous avons tout simplement vécu notre vie de famille, comme beaucoup de gens, sans espoir que les choses puissent évoluer un jour. »


Il faut enfin indiquer que Radio Prague incite ses auditeurs à contribuer à un projet spécial préparé pour le 50e anniversaire des événements d’août 1968. Pourriez-vous nous écrire à propos du moment et de la façon dont vous avez été informés de l’invasion soviétique en Tchécoslovaquie. Comment les médias dans votre pays ont-ils rapporté ces événements ? Peut-être même étiez-vous en Tchécoslovaquie au moment de l’invasion ?

Racontez-nous ce que vous avez vécu, envoyez-nous vos photos ou tous autres documents relatifs à l’écrasement du Printemps de Prague !