Archives déclassifiées de la CIA : des sources nouvelles pour les historiens tchèques

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Les détails de l’occupation soviétique en 1968 ou les données relatives à l’équipement de l’armée : ces informations et d’autres encore étaient au cœur de l’intérêt des services secrets américains en Tchécoslovaquie socialiste. C’est du moins ce qui ressort des archives déclassifiées de la CIA qui couvrent une période allant de 1947, date de la fondation de l’agence, jusqu’aux années 1990.

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L’Agence centrale de renseignement des Etats-Unis, mieux connue sous l’abréviation de la CIA, a mis en ligne près de 13 millions de pages de documents secrets, inédits et accessibles seulement dans le bâtiment des Archives nationales à Maryland. Les documents en question contiennent par exemple des informations relatives aux activités des services secrets pendant les conflits armés au Vietnam, en Corée, et plus généralement durant toute la guerre froide, ainsi que des textes consacrés aux programmes de recherche sur les OVNI.

La nouvelle bibliothèque en ligne comporte également un riche matériel sur la Tchécoslovaquie. L’un des documents concerne par exemple les premières heures de l’occupation du pays par les armées du Pacte de Varsovie, le 21 août 1968. Selon l’historien Jan Kalous de l’Institut pour l’étude des régimes totalitaires, le texte témoigne du fait que les Etats-Unis ont été informés très rapidement de l’invasion soviétique :

Jan Kalous | Photo: Noemi Fingerlandová,  ČRo
« Ce document a été rédigé au moment où les armées d’occupation intervenaient dans le pays. Il porte sur une réunion entre les principaux politiciens et les représentants de l’armée des Etats-Unis. Il est évident que les Soviétiques ont informé l’administration américaine avant l’intervention. Les Américains ont ainsi pu préparer leur réaction. »

De son côté, l’ancien directeur de l’Institut pour l’étude des régimes totalitaires, Pavel Žáček, lui aussi historien, voit les choses autrement :

« Le texte ne précise pas ce que les services de renseignement américains savaient à propos des préparatifs de l’occupation. Il s’agit tout simplement d’une présentation de la position politique des Américains à un moment donné. »

La base militaire de Brdy,  photo: Karelj,  public domain
Outre la présence des soldats des troupes du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie, les services secrets des Etats-Unis s’intéressaient également aux équipements de l’armée soviétique. Plusieurs documents se focalisent sur le fonctionnement de la base militaire de Dobříš, dans le massif de Brdy en Bohême centrale, où a été installé, dans les années 1980, le système ultrasecret de missiles anti-aériens connu sous le nom de Vega. Pavel Žáček :

« Les missiles étaient dirigés vers l’Allemagne, et, du fait de leur portée, ils pouvaient atteindre des cibles situés de l’autre côté de la frontière. »

La CIA surveillait également l’unité d’artillerie de Žamberk (Bohême de l’Est). Selon les archives déclassifiées, ses casernes étaient en effet considérées par les Américains comme le plus important arsenal d’armes nucléaires dont disposaient les Soviétiques en dehors de leur territoire. Pour Pavel Žáček, toutes ces informations jusqu’à récemment secrètes pourraient prochainement servir de source d’informations très intéressante pour les historiens tchèques :

Pavel Žáček,  photo: Anna Duchková,  ČRo
« Il faut faire d’autres recherches encore pour pouvoir dire si ces archives disent la vérité ou non. En tout cas, ces documents nous indiquent ce que pensaient les analystes de la CIA à l’époque. »

D’autres rapports publiés présentent, entre autres, des informations relatives à l’état et au nombre de chars en Tchécoslovaquie en 1947, ou à des tests de missile secrets, organisés dans le pays en présence d’experts soviétiques. En introduisant le mot « Tchécoslovaquie », le moteur de recherche des archives de la CIA propose au total plus de 30 000 références. Cet intérêt des services secrets américains pour la Tchécoslovaquie s’explique notamment par sa position stratégique en Europe centrale – à la frontière entre les pays du pacte de Varsovie et ceux de l’Alliance atlantique.