Artiste sur le pont Charles, un vrai métier !

Pont Charles

Ils sont caricaturistes, musiciens, photographes, peintres ou encore vendeurs de bijoux et sont des figures incontournables du tourisme à Prague. À l’approche de la saison estivale, et pour mieux connaître leurs conditions de travail, nous sommes allés à la rencontre de ces artistes qui ont élu domicile sur le plus emblématique des monuments de la capitale tchèque, le pont Charles.

Plus de 750 ans après sa fondation, le pont Charles, qui relie la Vieille-Ville au quartier de Malá Strana, au pied du Château, reste un lieu incontournable de Prague. Le plus ancien pont de la capitale tchèque continue d’inspirer nombre d’artistes et d’attirer nombre de touristes.

La statue de Saint Jean Népomucène sur le Pont Charles | Photo: Štěpánka Budková,  Radio Prague Int.

Toutes les raisons sont bonnes pour s’y rendre : une promenade romantique aux premières lueurs du jour, perfectionner ses talents de photographe ou encore poser sa main sur le socle en bronze de la statue du malheureux Jean Népomucène, le vicaire général de l’archevêché de Prague jeté du pont sur ordre du roi Venceslas IV…

Par un après-midi ensoleillé de juin, et bien que les Pragois l’évitent désormais le plus souvent, nous nous y sommes rendus nous aussi. Pour y rencontrer les artistes qui travaillent sur le pont et les touristes qui le traversent comme, par exemple, cette jeune Britannique :

« Je suis venue voir ce pont parce que c’est l’un des sites les plus célèbres de Prague. Je l’avais vu sur Youtube, et quand je suis arrivée ici, j’ai été très impressionnée. C’est très beau. »

Immanquables et présents sept jours sur sept, les artistes, qui ont ici pignon sur rue, participent au bonheur des touristes avec leurs portraits, caricatures, photos et autres airs de jazz. Mais si l’endroit peut faire rêver, eux sont bien placés pour savoir que leur métier - parce que c’en est un - n’est pas une sinécure. Se faire une place sur le Pont Charles ne s’improvise pas. Créatrice de bijoux originiare de Slovaquie, Eva Kovácová témoigne de sa situation :

« Je vends ici des bijoux en cristal fabriqués à la main. Beaucoup de gens s’arrêtent en général à mon stand, mais c’est aussi parfois très calme. Comme il y a beaucoup de touristes, je m’adapte et parle plusieurs langues comme l’anglais, l’allemand et, bien sûr, le slovaque et le tchèque. Généralement, pour pouvoir occuper un emplacement sur le pont Charles, vous devez vous présenter devant un jury et présenter votre travail. Puis ce sont ses membres qui choisissent un emplacement pour vous. »

Photo: Juan Pablo Bertazza,  Radio Prague Int.

Un processus strict qui vaut pour tous les artistes présents sur le pont Charles. Photographe professionnel, Martin Procházka y propose, lui, ses clichés de Prague depuis une quinzaine d’années.

« La sélection peut être compliquée parce qu’il faut se présenter devant une commission des artistes. C’est elle qui juge si votre travail est suffisamment bon et digne de cet incroyable endroit qu’est le pont Charles. Si l’avis de la commission est favorable, elle vous attribue une licence valable trois ans à l’issue de laquelle il vous faut repasser devant la commission. »

Cette réglementation a été instaurée par la municipalité de Prague pour lutter contre le marché noir et les pièges à touristes. La commission est composée de conseilleurs municipaux, de membres de l’Association des artistes du pont Charles et de la Galerie nationale de Prague. Pour pouvoir vendre leur production, les artistes doivent posséder une licence et un laissez-passer délivrés par l’Association des artistes du pont Charles, qu’ils sont tenus de mettre bien en évidence sur leurs stands. Et gâre aux contrôles de police. Toute violation du réglement est passible d’une amende pour mendicité.

Prague | Photo: Ondřej Tomšů,  Radio Prague Int.

Trois ans après la première vague de coronavirus, les artistes se félicitent aujourd’hui de retrouver une affluence presque semblable à celle d’avant la pandémie. Mais à en croire Martin Prochazka, la Covid-19 a néanmoins bouleversé ses conditions de travail :

« Évidemment que cela est devenu très compliqué de travailler. Je me souviens très bien du jour où j’ai été obligé de fermer mon stand : c’était le 12 mars 2020. Il n’y avait plus aucun touriste à Prague. En tout, j’ai dû fermer trois fois. Le seul point positif de ce vide, c’est que je pouvais prendre de belles photos de la ville. C’est rare de la voir sans personne. »

Une fois les mesures sanitaires levées, le retour des touristes ne s’est pas fait attendre. Tout ou presque est depuis redevenu « comme avant » sur le pont Charles, comme en témoigne la présence de ce couple d’Américains, eux aussi ravis d’être là :

« Je trouve que les artistes font un travail incroyable. Nous en avons croisé un qui dessinait de très beaux croquis, et d’autres qui proposaient des productions en couleurs. »

Pont Charles | Photo: Ondřej Tomšů,  Radio Prague Int.

Pour les touristes françaises que nous avons rencontrées, le paysage semble plus familier. Leur séjour à Prague leur rappelle leur ville de Perpignan, où ces dames sont habituées à croiser touristes et peintres :

« On a vu des musiciens qui étaient très bien, puis des artistes qui font des dessins. Mais comme nous venons d’une région très touristique en France, nous croisons à peu près la même chose avec les dessins, les caricatures… »

Pour d’autres touristes françaises, en revanche, la capitale tchèque évoque autre chose :

« C’est un petit Paris. Sauf que Paris est un peu ‘dégueu’ par moments, alors qu’ici je n’ai pas vu le moindre papier ou de crotte de chien par terre. C’est magnifique. Je découvre quelque chose de très beau. »

Pont Charles | Photo: Štěpánka Budková,  Radio Prague Int.

Quant à la présence des artistes sur le pont Charles, leur avis est moins tranché :

« Ils font partie du patrimoine culturel. Ce que je dis n’est pas très original mais c’est ça. À la limite, un pont sans artiste, ce serait plus triste. »

Prague City Tourism, l’office du tourisme de la ville, participe lui aussi à la mise en valeur des artistes et vendeurs locaux et s’applique à lutter contre le commerce de produits de contrefaçon. Une campagne de sensibilisation a d’ailleurs été lancée et, Barbora Scherf, responsable des relations publiques, souligne la volonté de l’institution de soutenir ces professionnels :

« Nous essayons de donner aux touristes la marche à suivre pour soutenir les vendeurs locaux. Nous leur montrons les marchés les plus célèbres et les mettons en garde contre les marchands de souvenirs. Beaucoup de boutiques vendent des produits fabriqués en Chine. Nous travaillons en étroite collaboration avec les artistes et commerçants locaux. »

En 2022, près de 6 millions de personnes ont visité Prague selon l’office du tourisme. Avec l’horloge astronomique, le Château de Prague et la tour de Petřin, le pont Charles reste incontestablement l’une des adresses les plus prisées, toutes nationalités confondues.

Pont Charles | Photo: Carla Le Page,  Radio Prague Int.
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