Athènes courroucée par les propos de Miloš Zeman
L’ambassadeur grec en poste à Prague, M. Panagiotis Sarris, passera certainement une partie des fêtes en Grèce. Il a été rappelé mardi par Athènes pour consultation, un incident diplomatique attribué aux récents propos du chef de l’Etat Miloš Zeman. Dans un entretien accordé à l’agence de presse slovaque TASR, le président tchèque estimait que la Tchéquie pourrait seulement adopter l’euro une fois que la Grèce serait sortie de l’eurozone. Athènes demande des excuses officielles.
Au Château de Prague, siège de la présidence tchèque, on refuse de se livrer à tout commentaire. Le porte-parole Jiří Ovčáček, qui, au moment du référendum grec en juillet dernier, avait entre autres déclaré « qu'il n'était pas raisonnable de faire confiance à la Grèce », au contraire « d'autres pays », se contente de se dire surpris par le timing choisi par Athènes :
« Quoi qu’il en soit, pour des raisons diplomatiques, je ne vais pas commenter la démarche de la partie grecque. En revanche ce que je peux souligner, c’est que le président a déjà partagé son avis à de multiples reprises ces derniers mois, qu’il reste sur cette opinion, qu'il va le rester et qu’il va continuer à l’exprimer publiquement. »
Ce n’est pas non plus la première fois que la Grèce se plaint des déclarations tonitruantes du président Zeman, avec notamment l’envoi d’une « démarche diplomatique » de protestation, que le château de Prague nie cependant avoir reçue.
Lors de la victoire du parti de gauche Syriza aux législatives grecques en janvier dernier, M. Ovčáček indiquait que le chef de l’Etat se refusait à s’immiscer dans la politique intérieure grecque, mais glissait au passage que « les dettes devaient se payer ». Miloš Zeman, fervent partisan de l’adhésion de son pays à la zone euro, n’a pas manqué à l’été dernier de se joindre au concert européen de reproches à l’égard du gouvernement d’Alexis Tsipras, estimant déjà à l’époque que le « Grexit » était la solution la plus satisfaisante pour résoudre la crise.Dans le monde politique tchèque, c’est avant tout la surprise qui semble dominer. Certains trouvent la décision d’Athènes « exagérée », tous s’accordent à dire qu’il s’agit d’un signal fort envoyé à Prague, ce type de démarche étant relativement rare entre des pays alliés, membres tous deux de l’OTAN et de l’UE. Côté gouvernemental, on joue l’apaisement, à l’image du premier ministre Bohuslav Sobotka :
« Avant de faire le moindre commentaire, j’attends que nous apprenions de la part d’Athènes pourquoi l’ambassadeur a été rappelé pour consultation. Je ne veux pas spéculer sur les éventuelles raisons. Quand on regarde la situation de la Grèce, c’est aujourd’hui le souffre-douleur préféré en Europe. C’était le souffre-douleur privilégié durant la crise financière, il l’est désormais avec la crise migratoire. Cela ne signifie pas pour autant que la Grèce a toujours été parfaite. Je veux simplement faire remarquer que ce n’est pas la Grèce qui a causé la crise financière et que ce n’est pas non plus la Grèce qui a engendré la guerre en Syrie. »Selon la chaîne de télévision CNN Greece, le chef de la diplomatie grecque, le professeur de sciences politiques et économiques Níkos Kotziás, membre du parti communiste, aurait obtenu l’aval du premier ministre Tsipras avant de rappeler l’ambassadeur. Plus généralement, la Grèce est mécontente de l’attitude qu’elle juge agressive de certains pays d’Europe centrale à son égard, exprimée tout d’abord dans le contexte de la crise économique et maintenant avec la question des réfugiés.
Plusieurs pays de l’UE menaçaient ainsi début décembre de suspendre voire d’exclure Athènes de l’espace Schengen, une position écartée par le chef du gouvernement Bohuslav Sobotka, pour qui il doit cependant être possible entre partenaires d’aborder sans fard tous les sujets, même les plus délicats.