Au Forum 2000, la politique tchèque d’aide au développement mise à l’épreuve

Forum 2000, photo: ČTK

La 18e édition de la conférence Forum 2000 intitulée « La démocratie et ses malaises » s’est achevée ce mardi à Prague. Outre les tables rondes focalisées sur les zones de conflit comme l’Ukraine ou le Kurdistan irakien, les organisateurs ont également proposé un débat portant sur la redéfinition de la politique tchèque d’aide au développement. A l’origine de cette nouvelle conception, le ministre adjoint des Affaires étrangères, Petr Drulák était invité du Forum 2000 pour en expliquer la logique. A cette occasion, plusieurs ONG ont fait entendre leurs craintes par rapport aux intentions du gouvernement.

Petr Drulák,  photo: Michal Kůrka / MZV
Au pouvoir depuis dix mois, le chef de la diplomatie, le social-démocrate Lubomír Zaorálek et ses proches collaborateurs ont lancé un débat sur la nature du soutien tchèque aux droits de l’homme à l’étranger. Petr Drulák, ministre adjoint des Affaires étrangères, explique la démarche :

« Nous voulons élargir le concept des droits de l’homme parce qu’auparavant nous nous sommes concentrés sur des questions des droits politiques qui sont sans aucun doute importants et nous voulons les garder sur l’agenda, mais nous voulons également inclure les droits sociaux, les droits de l’environnement, culturels et de l’égalité des genres. Si nous parlons des droits humains, nous voulons les percevoir comme un complexe qui a plusieurs dimensions. »

En pratique, cela se traduirait par une redéfinition des priorités, notamment en donnant plus de place au soutien des droits économiques, qui passe par l’adoption de nouvelles méthodes. Petr Drulák nous en dit plus :

« A propos de la méthode, nous voulons approfondir le dialogue en particulier avec les pays qui ont un système politique différent du nôtre. Nous voulons trouver des thèmes acceptables pour tout le monde parce que notre tâche suprême est d’améliorer la condition humaine. »

Sabina Malcová,  photo: Site officiel de Forum 2000
Source de controverses parmi certaines ONG, notamment auprès du géant de ce secteur « L’Homme en détresse » (Člověk v tísni), la nouvelle orientation de la politique de soutien aux droits de l’homme devrait se faire par un rapprochement de deux agendas jusqu’alors séparés, celui du soutien aux droits de l’homme et celui de la coopération au développement. Présidente de l’Association pour le soutien à la démocratie et aux droits de l’homme (DEMAS), Sabina Malcová représente plusieurs ONG actives dans ce domaine. Elle précise que chacun de ces deux volets a sa propre logique et qu’ils devraient donc rester séparés :

« Le soutien à la transformation politique ou à la démocratisation, ce sont des thèmes politiques, plus sensibles, qui requièrent un autre traitement que la coopération au développement ou l’aide humanitaire. De surcroît, ce soutien pose des exigences différentes à l’égard de nos activités. »

Pour le ministère, ce revirement promet l’abandon des paroles en l’air au profit d’une action qui se veut plus efficace pour améliorer les conditions de vie du plus grand nombre. Néanmoins, certains craignent que la République tchèque renonce à l’aide financière ou matérielle directes, une aide qu’elle apporte déjà depuis deux décennies aux dissidents politiques, notamment à Cuba ou en Birmanie. En rapprochant l’agenda du soutien aux droits de l’homme à celui de la coopération au développement, le premier risque de se voir broyé dans le second car, les deux peuvent parfois aller dans les sens inverses comme par exemple dans le cas d’une aide matérielle apportée aux familles des prisonniers politiques tout en aidant l’Etat qui les a emprisonné à réaliser des projets d’infrastructure dans le cadre de la coopération au développement.

Forum 2000,  photo: ČTK
Au-delà des controverses relatives à la redéfinition des politiques de soutien aux droits de l’homme et d’aide au développement, un autre défi demeure qui est celui d’articuler ces deux volets avec la diplomatie économique en expansion. Interrogé sur un risque d’incohérence entre ces aides et une politique commerciale, Petr Drulák conclut :

« Je pense que chacune de ces politiques a une logique de comportement qui lui est propre. C’est un défi pour chaque administration de coordonner les deux ou trois politiques de manière cohérente et pour nous, c’est une tâche à accomplir. »