Au tour de la ministre de l’Education de démissionner !

Kateřina Valachová, photo: ČTK

La crise gouvernementale a pris un tour nouveau ce mardi avec l’annonce de la démission de la ministre de l’Education, la sociale-démocrate Kateřina Valachová. Celle-ci ne souhaite pas que le ministre des Finances Andrej Babiš (ANO), dont le Premier ministre Bohuslav Sobotka veut le départ du gouvernement, utilise l’affaire de corruption qui affecte son ministère et des acteurs importants du monde sportif pour détourner l’attention des soupçons de fraudes fiscales dont il est lui-même l’objet.

Miroslav Pelta,  photo: ČTK
C’est d’abord une affaire de corruption qui fait une bien mauvaise publicité au monde du sport tchèque. Mercredi 3 mai, une perquisition est menée au siège à Prague de la Fédération tchèque de football (FAČR) et des poursuites judiciaires sont engagées contre trois personnes : le président de cette organisation, Miroslav Pelta, la ministre adjointe de l’Education Simona Kratochvílová ainsi que Miroslav Jansta, le président de la Fédération tchèque de basketball et de l’Union tchèque du sport. Le lendemain, la justice décide de placer les deux premiers en détention provisoire. Tous sont soupçonnés d’avoir voulu détourner un programme de subventions du ministère de l’Education destiné au sport « à leur profit ou au profit de leurs proches ».

Ce mardi après-midi, la ministre Kateřina Valachová organisait une conférence de presse pour faire le point sur ce dossier. Soupçonnant des cas de conflits d’intérêts dans le cadre de ces dotations, elle indique qu’elle avait déjà ordonné la conduite d’une enquête interne encore en cours lorsque la police est intervenue. Elle informe aussi de la suspension de ce programme de subventions. Mais quelques heures après cette intervention, Kateřina Valachová annonce finalement en direct à la télévision sa démission, qui devrait prendre effet le 31 mai. Elle se justifie :

Kateřina Valachová,  photo: ČTK
« Notre pays se trouve actuellement dans une situation très sérieuse. Bien que je sois satisfaite, en tant que ministre de l’Education pour la social-démocratie, de ce que la social-démocratie est parvenue à faire pour l’éducation […], j’ai aussi conscience du fait que je ne veux pas devenir un prétexte pour Andrej Babiš, afin que, d’une façon ou d’une autre, il détourne l’attention de l’opinion publique des sérieux problèmes auxquels il fait face. C’est la raison pour laquelle, en tant que sociale-démocrate, du fait de notre culture politique, je démissionne de mon poste de ministre de l’Education. »

La période est en effet à la crise gouvernementale qui voit s’opposer le Premier ministre Bohuslav Sobotka et le ministre des Finances Andrej Babiš, dont les deux partis, la social-démocratie et ANO, sont rivaux à la veille des élections législatives.

Et comme le pressentait la ministre de l’Education démissionnaire, M. Babiš ne s’est pas privé d’utiliser la nouvelle affaire pour charger son adversaire. L’homme d’affaires, pour qui « la social-démocratie a une grande tradition dans la corruption », cite pour cela le nom de Karel Březina, le président du groupe parlementaire social-démocrate, que la police n’a pas inculpé mais qu’elle soupçonne d’avoir pu jouer un rôle dans cette histoire en tant que conseiller du ministère de l’Education. Andrej Babiš :

Andrej Babiš,  photo: ČTK
« Nous faisons partie d’un gouvernement où il y a probablement de la corruption au niveau du ministère de l’Education. Et personne n’a dit à voix haute qu’il est probable, nous avons des soupçons à ce propos, nous pouvons imaginer que l’organisateur de cette corruption pourrait être M. Březina, le plus proche ami du Premier ministre. »

Des soupçons, certains pèsent pourtant aussi sur le ministre des Finances lui-même. C’est ce que n’a pas manqué de sous-entendre lourdement le chef du gouvernement Bohuslav Sobotka, tout en saluant l’attitude de Kateřina Valachová :

« Mme Valachová a été capable d’accepter sa responsabilité politique. Ce qu’elle a fait, c’est quelque chose qu’on ne voit pas si souvent chez les autres politiques. Elle n’est d’aucune façon directement impliquée dans cette affaire. »

Après l’annonce début mai de la démission de Bohuslav Sobotka, puis le retrait de cette décision, suivi de l’annonce de la révocation d’Andrej Babiš du gouvernement, dont on ne sait si elle sera acceptée par le chef de l’Etat Miloš Zeman, qui s'envole ce jeudi pour la Chine, ce nouveau rebondissement vient en tout cas compliquer davantage l’actuelle crise gouvernementale. L’affaire en elle-même pose également de nombreuses questions sur le fonctionnement des sphères dirigeantes du sport tchèque.