Avec le SPD et Okamura, l’extrême-droite en force à la Chambre des députés

Tomio Okamura, photo: ČTK

Le parti Liberté et démocratie directe (SPD), de l’homme d’affaires aux origines japonaises et coréennes Tomio Okamura, est incontestablement l’un des vainqueurs des récentes législatives tchèques. Incarnant des idées populaires dans l’opinion tchèque, le nationalisme, le rejet de l’UE et la haine des musulmans et des réfugiés, la formation d’extrême-droite est désormais la quatrième force politique de République tchèque.

Tomio Okamura,  photo: ČTK
Les intitulés des différentes sections du programme du SPD ne laissent pas de doute. « Non à l’islam, non au terrorisme », « La fin des diktats de l’UE, filons à l’anglaise », « De l’argent pour les familles et les retraités, pas pour les immigrés et les parasites »… Nous sommes bien en présence d’un parti d’extrême-droite, qui ne s’épargne pas non plus la promesse de baisser les impôts et qui dit promouvoir la démocratie directe avec l’introduction d’un mécanisme de référendum. Une dirigeante européenne du même bord politique lui a d’ailleurs accordé un soutien de poids :

« Votez pour Tomio Okamura et pour les candidats du SPD. Vive la République tchèque ! Vive l’Europe des nations et des libertés ! »

C’est la version courte d’une vidéo publiée à la vieille des législatives, dans laquelle Marine Le Pen, convoquant tour à tour Milan Kundera, Jan Hus, Jan Palach, Václav Havel, rien de moins, apporte son soutien à Tomio Okamura. Si cela témoigne bien des liens unissant l’extrême-droite européenne, ce n’est probablement pas la seule raison au succès du mouvement SPD, qui a obtenu 10,64 % des suffrages et disposera désormais de 22 élus à la chambre basse du Parlement.

Okamura, né en 1972 à Tokyo d’une mère tchèque et d’un père japonais, n’est pas un nouveau venu dans le paysage public tchèque. C’est dans le secteur des agences de tourisme, dont il se fait le porte-parole, que l’homme d’affaires fait d’abord son nid, ce qui lui permet d’acquérir une visibilité médiatique. Elu sénateur en tant que candidat indépendant en 2012 dans la région de Zlín, avec une rhétorique anti-rom marquée, il tente sans succès de se présenter à la présidentielle l’année suivante et fonde le parti Úsvit (l’Aube).

Tomio Okamura,  photo: Site officiel du parti Úsvit přímé demokracie
Avec cette formation qualifiée de « populiste », Tomio Okamura obtient un premier succès électoral dès les législatives de l’automne 2013 et il entre à la Chambre des députés. C’est durant ce mandat, alors qu’éclate la crise des réfugiés et que l’Europe occidentale est touchée par des attentats meurtriers, que son discours évolue vers des teintes plus clairement xénophobes et islamophobes, comme le constataient en 2015 le politologue Michel Perottino :

« Dans le discours de Tomio Okamura, il y avait souvent certains dérapages, notamment sur la question rom. Dès le début, certains éléments montraient assez clairement que le mouvement de l’Aube était plutôt de tendance populiste. Ces tendances se sont renforcées depuis quelques mois et ce parti a assez nettement dérivé vers une rhétorique beaucoup plus extrême-droite. »

Comme toute bonne formation d’extrême-droite qui se respecte, le parti Úsvit est tiraillé par les guerres intestines et finit par imploser. Tomio Okamura s’en va fonder le SPD. Mais comment alors expliquer son récent succès ?

Photo: Venca24,  Wikimedia Commons,  CC BY 4.0 DEED
Il y a d’abord cette thématique anti-migrant et anti-islam qui rencontre un écho certain en République tchèque, pays qui n’a pourtant accueilli quasiment aucun migrant et où il n’y a presque pas de musulmans. Longtemps porté dans la société civile par des mouvements comme Islám v České republice nechceme (Nous ne voulons pas de l’islam en République tchèque), notamment sur internet, le SPD est parvenu à incarner l’offre politique répondant à ces aspirations. Le parti d’Okamura s’appuie d’ailleurs sur une activité très intense sur les réseaux sociaux, ce qui explique peut-être en partie son pouvoir de séduction auprès des jeunes, comme en témoigne le scrutin organisé dans les écoles par l’ONG Člověk v tísni.

Enfin, il y a une forte dimension sociale au vote en faveur du SPD. Si l’on observe les cartes électorales, on constate qu’il réalise ses meilleurs scores dans les régions où le parti communiste, habituellement souverain, recule le plus, au nord de la Bohême et en Moravie. D’après l’Office tchèque des statistiques (ČSÚ), le SPD a en effet séduit dans les circonscriptions présentant le plus fort taux de chômage, auprès d’électeurs visiblement pas convaincus par la petite musique entendue ces dernières années selon laquelle l’économie tchèque se porterait comme un charme.