Extrême droite : le SPD prend la relève
Les activités du parti parlementaire SPD (Liberté et démocratie directe) de Tomio Okamura sont au cœur du rapport sur l’extrémisme en République tchèque publié mardi par le ministère de l’Intérieur. Sans considérer explicitement le parti présidé par l’ancien homme d’affaires tchéco-japonais et actuel vice-président de la Chambre des députés comme une formation extrémiste, le ministère constate que le SPD a repris l’initiative des partis d’extrême droite, de moins en moins visibles sur la scène politique tchèque.
D’après le document, les extrémistes et les populistes xénophobes n’ont organisé, depuis le début de l’année, aucun événement public d’importance. S’ils ont tout de même exercé certaines activités, c’était dans l’espace virtuel de la Toile et non dans la rue.
Le phénomène n’est pas nouveau : dans son rapport publié à l’été 2016, le ministère de l’Intérieur constatait déjà que l’extrême droite était moins visible, car incapable de trouver de nouveaux thèmes mobilisateurs après la crise migratoire. Ce qui a changé depuis deux ans, c’est la position du SPD. Fondé en 2015 par les députés Tomio Okamura et Radim Fiala, le parti a réussi à séduire plus de 10 % des électeurs lors des dernières législatives, avec son discours anti-migrants, anti-roms et anti-européen. Fort de ses 22 députés, le SPD fait désormais figure de troisième parti le plus important à la Chambre basse du Parlement.
Dans son rapport, le ministère de l’Intérieur évoque notamment les propos du président du SPD Tomio Okamura et de son collègue Miloslav Rozner qui ont mis en doute la situation des détenus roms dans le camp de concentration de Lety, en Bohême du Nord, ou encore les propos racistes prononcés par un autre représentant du parti à la cantine du Parlement.
Pour le ministère de l’Intérieur, le SPD est, de facto, un acteur majeur du mouvement d’extrême droite en République tchèque. Toutefois, les autorités se refusent à étiqueter le parti comme extrémiste, c’est-à-dire comme un mouvement qui mettrait en danger les valeurs démocratiques de l’Etat.
Pour l’équipe de Tomio Okamura, le document ministériel fait partie d’une « lutte politique menée contre le SPD ». Le parti s’oppose avec virulence non seulement aux conclusions présentées dans le rapport, mais également aux constats qui figurent dans un rapport annuel sur l’extrémisme que le ministère de l’Intérieur doit publier dans les prochains jours. Selon celui-ci, le SPD serait encore plus radical dans ses propos que les partis d’extrême droite. L’information, encore non officielle, a été récemment révélée par le site Aktualne.cz.
Président du club parlementaire du SPD, Radim Fiala n’a pas hésité à réagir :
« Nous sommes scandalisés par le fait que le ministère de l’Intérieur collabore avec certains médias. Il leur fournit des informations utilisées pour une lutte politique. C’est une affaire bien organisée. D’une part, certains nous prennent pour un parti xénophobe, juste parce que nous sommes opposés à l’accueil de migrants illégaux. D’autre part, le ministère constate que nous ne sommes pas un parti extrémiste ou totalitaire. »Ancien ministre de la Justice et président du parti libéral TOP 09, Jiří Pospíšil fait partie de ceux qui voient d’un mauvais œil la montée en puissance du SPD et sa présence à la Chambre des députés :
« Je peux comprendre quand quelqu’un s’oppose au projet d’adhésion de notre pays à la zone euro. Mais je ne peux en aucun cas accepter qu’un parti s’attaque à une minorité pour obtenir le soutien d’une partie de la population. Pour moi, le SPD est un parti populiste qui manifeste certaines opinions extrémistes, dont celle qui concerne la minorité rom. »
Dans son rapport portant sur le premier trimestre de 2018, le ministère de l’Intérieur a fait état de 49 infractions à la loi en lien avec l’extrémisme, soit 17 de plus que pendant la même période l’année dernière.