« Babitchka », un mythe pas facile à déboulonner
« Babitchka - Grand-mère », le chef d’oeuvre de Božena Němcová ne cesse d’intriguer et d’inspirer les artistes tchèques. Plusieurs fois porté aux grand et petit écrans, le livre a connu au cours de ces dernières décennies également plusieurs adaptations pour le théâtre. Evidement les artistes contemporains proposent souvent une lecture peu orthodoxe de cette image d’Epinal, lecture parfois ironique qui ne choque plus le public mais aurait choqué sans doute Božena Němcová, elle-même. La dernière adaptation de ce genre a été présentée, ce jeudi, au théâtre Studio Ypsilon de Prague.
Sous le regard amusé et ironique d’Arnošt Goldflam et dans l’interprétation de l’excellente comédienne Jana Synková, la grand-mère n’est plus ce personnage qui réussit à vaincre les résistances par la douceur et la sérénité mais une femme énergique qui n’hésite pas à hausser le ton pour imposer sa volonté. Ses propos, ces perles de la sagesse populaire, sont mis en cause et son respect des traditions fait obstacle à chaque manifestation de progrès. La grand-mère devient un personnage comique et les traits des autres personnages du spectacle sont exagérés jusqu’à la caricature.
Le metteur en scène nous oblige à réviser les idées reçues sur l’oeuvre de Božena Němcová. Il affirme aimer beaucoup le livre mais il ne cesse de désabuser le spectateur, de confronter l’image littéraire avec la réalité crue de l’époque et les vies réelles et souvent décevantes des personnages idéalisés. « Je voulais que ce soit une comédie, parce que le monde est comme cela, souvent malgré notre volonté, » dit Arnošt Goldflam.Le public rit et s’amuse mais il oubliera probablement vite cette tentative de désacraliser un mythe comme il a oublié de nombreuses tentatives précédentes. Le mythe de « Babitchka », cette personnification précieuse de la sincérité chaleureuse et de la sagesse populaire, fait depuis longtemps partie de notre subconscient et la légende finit toujours par éclipser la réalité.