Baťa à Zlín, un phénomène industriel et architectural

Photo: Galerie nationale de Prague

En République tchèque, la capitale de la chaussure s’est longtemps trouvée en Moravie, à 300 kilomètres au sud-est de Prague. C’est en effet à Zlín qu’est né l’empire Baťa, marque aujourd’hui présente dans le monde entier. Mais inversement, c’est à la famille Baťa que la ville de Zlín a dû son développement à nul autre pareil dans la première moitié du XXe siècle. C’est ce que rappelle actuellement à Prague une exposition intitulée « Le phénomène Baťa – l’architecture de Zlín de 1910 à 1960 ».

« La ville de Zlín en elle-même et l’ensemble du phénomène Baťa sont quelque chose de tout à fait extraordinaire, sans équivalent dans le monde. Je dois dire qu’à chaque fois que je vais à Zlín, je suis rempli de la sensation de vivre quelque chose de fascinant, qui m’absorbe complètement. »

Ces propos sont ceux du directeur de la Galerie nationale à Prague. Milan Knižák les a prononcés lors du vernissage de l’imposante exposition intitulée « Le phénomène Baťa – l’architecture de Zlín de 1910 à 1960 », qui se tient actuellement au Palais des foires.

Ville provinciale moyenne de 80 000 habitants dans le sud-est de la Moravie, Zlín ne possède sans doute plus rien aujourd’hui qui évoque le rêve américain. Et pourtant, l’histoire que nous allons vous raconter est celle d’une ville qui doit son extraordinaire développement, dans la première moitié du XXe siècle, à un homme de génie, un visionnaire dont, où que vous résidiez dans le monde, vous connaissez probablement tous le nom. L’histoire de Zlín est en effet celle de la saga d’une famille dont le nom, Baťa en tchèque - Bata en français, est devenu une marque de chaussures mondialement connue.

Curatrice de l’exposition, Ladislava Horňáková explique en quoi le destin de Zlín, ville parfois considérée comme un des meilleurs exemples de l’architecture fonctionnaliste dans le monde, est exceptionnel :

« Zlín était unique de par son architecture qui s’est développée à partir de la zone industrielle de Baťa. Aujourd’hui, le nom de Zlín évoque presque automatiquement le nom du fabricant de chaussures. La création de la société en 1894 par Tomáš Baťa a prédestiné le développement de Zlín pendant tout le siècle. »

« Parce que Tomáš Baťa était un économiste très rationnel, il a eu l’idée d’appliquer les principes de sa production dans le bâtiment et l’architecture. C’est ce qui fait la particularité de Zlín : ces maisons ont été édifiées à partir d’un seul et unique modèle de construction qui était celui des bâtiments de l’usine. Ces réalisations étaient peu onéreuses par rapport à ce qui se faisait alors ailleurs en Tchécoslovaquie et c’est ce qui explique qu’en l’espace de vingt ans, le nombre d’habitants à Zlín est passé de 3 500 à 43 000 et la ville est devenue une immense agglomération industrielle. »

A l’époque de son essor le plus important, pendant l’entre-deux-guerres, qui voit notamment la construction du premier immeuble en Tchécoslovaquie, Zlín, grâce à la collaboration et aux projets de quelques-uns des architectes les plus renommés, pouvait être considérée comme une des villes les plus modernes au monde. Plus d’un demi-siècle plus tard, Zlín, devenue sous le communisme Gottwaldov du nom du sinistre premier président communiste de la Tchécoslovaquie, natif de Zlín, n’est plus ce qu’elle était mais n’a pourtant pas beaucoup changé, et reste ainsi à sa façon un musée à ciel ouvert.

Ville de la chaussure et de l’architecture fonctionnaliste, Zlín reste aussi encore pour beaucoup la cité d’une vision presque pharaonique, une cité des rêves, mais de rêves inachevés, comme le regrette le directeur de la Galerie nationale, Milan Knižák :

« L’utopie de Baťa a fonctionné dans la réalité. Aujourd’hui, personne ne sait ce qu’il en serait advenu avec le temps et les générations suivantes, lorsque l’on assiste en général à une dévaluation des valeurs originelles. Mais le projet de Baťa à Zlín a été interrompu par la violence du communisme et on peut rêver qu’il aurait continué à fonctionner. Et les rêves et l’imagination sont la base de toutes les utopies. »

L’exposition « Le phénomène Baťa – l’architecture de Zlín de 1910 à 1960 » fermera ses portes le 31 mai prochain. D’ici là, vous pourrez entendre l’intégralité du reportage mardi prochain dans la rubrique Panorama.