Big Data: une exposition au Dox pour tenter de s’y retrouver

Photo: DOX

Depuis juin 2018, au DOX, le centre d’art contemporain de Prague, l’exposition Datamaze propose une plongée dans l’univers de nos données personnelles. Après les révélations d’Edward Snowden sur les pratiques de la NSA en 2013, les fuites de mots de passe subies par exemple par Yahoo en 2016, ou encore la révélation du scandale Cambridge Analytica l’année dernière, pointant du doigt l’influence de Facebook sur l’élection américaine de 2016, il apparaît clairement que nos données personnelles sont devenues un enjeu politique majeur. L’exposition, très ludique, vise à montrer comment mieux les protéger, mais aussi comment elles sont volées et exploitées, sans que leurs propriétaires n’en sachent rien… Visite de l’exposition avec Michal Kučerák, responsable de cette exposition.

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Lorsqu’on arrive dans la première salle de l’exposition Datamaze, on est frappé par l’immense frise chronologique qui raconte l’histoire d’internet, remontant jusqu’en 1969 et mettant en relief les différentes époques traversées par internet.

Michal Kučerák : « Dans la années 1990, Internet devient un outil pour rendre la société plus démocratique, plus transparente. Donc c’est un espace de démocratisation, de libéralisation. »

Internet était encore un endroit très libre ?

MK : « Exactement, tout le monde pouvait y participer. Même si c’était plus complexe que ça, parce qu’Internet nécessitait qu’on ait des connaissances techniques, il fallait savoir coder pour créer sa propre page internet, ou alors payer très cher…

Ensuite, dans les années 2000, tout change avec l’apparition du Web 2.0. On a pu mettre en ligne plus de contenus multimédia. C’est aussi la naissance de tout un tas de services qui ont pu rendre Internet plus facile d’utilisation pour les utilisateurs. Par exemple LinkedIn en 2003, Wikipédia en 2001… »

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C’est assez rigolo cette remise en contexte, quand on voit que MySpace naît en 2003 et Facebook en 2004…. On a l’impression que MySpace c’est très vieux et Facebook très récent, alors qu’on fait c’est très contemporain.

MK : « Absolument ! En fait l’environnement du numérique doit être très compétitif ou disparaître. Par exemple Nokia n’a pas pu anticiper l’évolution du téléphone mobile et a perdu le marché. Ce qui est arrivé à MySpace est très similaire.

Aujourd’hui, il faut nous rendre compte que nous sommes passés à l’ère du big data, tous ces services produisent énormément de données. Et il faut comprendre que plus de données implique aussi plus de risques : fuite de données, attaques de hackers, ou de nouveaux types de virus comme les redoutables ransomware, qui réclament une rançon à l’utilisateur piégé. Ici, nous avons plusieurs exemples de vol de données, même dans de grandes entreprises comme Yahoo par exemple, où à peu près tous les mots de passe ont été volés. Et en même temps on assiste aujourd’hui au développement de la blockchain, qui va peut être changer notre façon d’organiser nos données sur Internet, on verra ce que ça donne… »

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Dans la deuxième salle de l’exposition, deux ordinateurs sont à disposition des visiteurs. Le premier propose d’accéder au site Monoskop. Ce projet mené par l’artiste Dušan Barok permet d’accéder à d’abondantes ressources sur les arts et les médias, des contenus habituellement payants.

Le second permet de naviguer sur le projet Liberate Genesis, un moteur de recherche d'articles et livres scientifiques payants également. Le site étant enregistré à la fois en Russie et aux Pays-Bas, engager des poursuites judiciaires à son encontre s’est révélé très compliqué. Malgré de nombreuses tentatives de la part de nombreux États, le site est toujours actif bien que son accès soit désormais caché. Il contiendrait plus de 2,7 millions d’entrées…

En attendant, Michal Kučerák poursuit la visite :

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« Nous sommes dans la galeries, la dernière partie de la galerie et la plus importante. Ici, c’est le projet de Aram Bartholl… Ce sont huit gros livres où l’on trouve plus de 4,7 millions de mots de passe volés à LinkedIn en 2012.

L’idée est de montrer comment tous nos mots de passe se ressemblent les uns les autres…

Là, il y a un QR code qu’on peut scanner, et on arrive sur le projet « Have I been pwned ? », qui sert à vérifier si notre mot de passe a été volé, juste en rentrant votre adresse e-mail. En effet, quand vous utilisez par exemple une adresse Gmail, vous allez l’utiliser pour vous connecter sur différentes sites, des plateformes de vente en ligne, des blogs, etc. Mais leurs banques de données peuvent être volées, sans même que ces plateformes ne vous en informent. C’est pourquoi votre mot de passe peut être volé, et alors il vaut mieux le changer si « Have I been pwned ? » vous le recommande.

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On peut essayer avec mon adresse. Je scanne le QR code, je tombe sur la page haveibeenpwned.com, j’entre mon adresse e-mail, mon adresse personnelle par exemple, je vérifie… Et mon mot de passe a été piraté. Le site me dit d’où vient la fuite : c’est LinkedIn, bien sûr. Mon mot de passe est dans l’un de ces livres ! »

L’exposition est amenée à évoluer et à se mettre à jour. En attendant, à l’occasion du festival de cinéma One World, qui se tiendra à Prague du 6 au 17 mars prochain, Datamaze propose des projections en 3D et en profitera pour présenter six nouvelles installations traitant à leur manière de l’épineux sujet de nos données personnelles…

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