Brno expose l'oeuvre photographique unique de Miroslav Tichy : une première en République tchèque

Photo: Miroslav Tichy

En août dernier, nous vous avions parlé de Miroslav Tichy, né en 1926, en Moravie, et qui, « découvert » sur le tard, est en passe de devenir un des artistes tchèques les plus importants de la 2ème moitié du 20ème siècle. Anna Kubista était à Brno, au vernissage de la première rétrospective consacrée, en République tchèque à ce personnage hors du commun.

« Attends, je vais voir si je reconnais quelqu'un ! », voilà une des remarques entendues ce mardi, lors du vernissage de la toute première exposition de Miroslav Tichy dans son pays. Et pour cause... Ce n'est pas tous les jours que Kyjov, petite ville tranquille de Moravie du Sud, est sous le feu des projecteurs, alors des habitants ont fait le déplacement à Brno, au Musée des Arts qui a organisé la rétrospective consacrée à l'oeuvre unique de l'enfant terrible du pays.

Un événement exceptionnel, et sans exagération. Car les personnes venues exprès de Kyjov pour l'occasion ne se posaient pas cette remarque par hasard : dans les années 60-70 Miroslav Tichy a en effet littéralement capté, avec son appareil photo fabriqué par ses soins, des visages, des figures, des silhouettes des femmes de sa ville, appuyant sur le déclencheur, sous son fameux manteau rapiécé qu'il ne quittait presque jamais. Tout cela avec toute la force d'une ferveur - d'aucuns diront la monomanie, et ils auront en partie raison - qui le fait tout aussi violemment rejeter, et la société et toute ambition de montrer ses photos au public, toute prétention à exposer cette oeuvre pour le moins dérangeante.

C'est Roman Buxbaum, psychiatre et artiste suisse, originaire de Kyjov, qui est à l'origine de la médiatisation de ces photographies en Europe de l'Ouest. Une mise en lumière qui d'ailleurs lui a valu pas mal de critiques, certains criant à la « manipulation de galerie », d'autres au « vol » de ces oeuvres. La controverse est à la mesure du personnage. Quoiqu'il en soit, la Maison des Arts de Brno a décidé de monter cette exposition, qui s'achèvera le 6 août, et présente environ 70 photos accompagnées de peintures et dessins, toutes ces oeuvres étant issues de la collection personnelle de Buxbaum. Les admirateurs du maître regretteront cependant qu'il n'y en ait un peu plus. Pavel Vancat, un des commissaires, explique que l'exposition a été conçue comme plus représentative qu'exhaustive, et qu'un des objectifs premiers était de montrer Tichy au public non plus comme une curiosité, mais bel et bien comme un artiste à part entière.

Parallèlement, la Galerie morave de Brno organise une exposition appelée Artists for Tichy - Tichy for Artists (une confrontation d'oeuvres d'artistes européens avec celles du photographe morave) qui sera inaugurée le 19 mai et s'achèvera le 20 août. De même, le 19 mai au soir, à l'occasion de la Nuit des musées, on attend la venue du compositeur Michael Nyman, qui a par exemple composé la musique du film La leçon de piano, qui lui rendra hommage par un concerto. Enfin, la très réputée maison d'édition praguoise Torst a, pour l'occasion, sorti une monographie dont l'historien de l'art Pavel Vancat a rédigé l'introduction. Au vernissage de ce mardi, c'est bien entendu la première personne concernée, Tichy lui-même, qui était le grand absent. Mais après tout, Diogène ne serait pas Diogène sans son tonneau. Et il en va de même, pour Miroslav Tichy qui, outre le fait qu'il ne quitte plus Kyjov depuis bien longtemps, n'a cure de ces agitations et autres mondanités. Ceux qui le connaissent bien, parlent de l'ironie avec laquelle il s'exprime souvent, alors ce n'est sûrement pas avec une exposition qu'il va commencer à se prendre au sérieux...