Ces femmes qui ont fait et font l’Histoire du sport tchèque
A l’occasion de la tenue récente de la Journée internationale de la femme, la rubrique sportive rend hommage aux plus grandes femmes de l’histoire du sport tchèque. De Dana Zátopková à Petra Kvitová en passant par Martina Návrátilová et Barbora Špotáková, plongée dans ce que le sport féminin tchèque a proposé de meilleur, de mieux et de plus beau.
Pour nous, la célébration de cette fête est l’occasion de s’intéresser aux plus grandes femmes de l’histoire du sport tchèque, avec d’abord une première constatation basée sur quelques chiffres. Depuis la première édition, en 1960, de l’enquête du Meilleur sportif tchèque de l’année, une enquête organisée par le Club des journalistes sportifs du pays, seules dix femmes ont été élues. Parmi elles, la gymnaste Věra Čáslavská, assurément la plus grande de tous, a été récompensée pas moins de quatre fois entre 1964, année de ses trois premières médailles d’or olympiques aux Jeux de Tokyo, et 1968, année de ses quatre titres supplémentaires aux Jeux de Mexico.
Mais après l’athlète Jarmila Kratochvílová en 1981 et 1983 (que nous évoquerons plus longuement prochainement à l'occasion du 30e anniversaire de son record du monde du 800 mètres), puis la fondeuse Květa Jeriová en 1984, année de ses deux podiums aux Jeux d’hiver de Sarajevo (argent dans le relais 4 x 5 km et bronze sur le 5 km), il a ensuite fallu attendre vingt-deux ans avant de voir une femme de nouveau élue Sportif tchèque de l’année. C’était donc en 2006 avec une autre fondeuse, Kateřina Neumannová. Même si son image dans les médias et auprès de l’opinion publique a été sérieusement écornée depuis, suite notamment à son exercice des fonctions de présidente du comité d’organisation des championnats du monde de ski nordique à Liberec en 2009, Mondiaux dont la tenue a engendré d’importants déficits, Kateřina Neumannová était alors une des personnalités féminines préférées des Tchèques, tous domaines d’activité confondus. Et lorsque « Katka » comme tout le monde l’appelait, après cinq médailles d’argent ou de bronze à Nagano en 1998 et à à Salt Lake City en 2002, a enfin décroché la plus belle de toutes sur 30 kilomètres aux Jeux de Turin en 2006 dans la dernière course olympique de sa carrière, c’est toute la République tchèque, et pas seulement sportive, qui a célébré la victoire de celle qui, par la même occasion, était devenue la première femme tchèque championne olympique d’hiver.Mais s’il a donc fallu attendre vingt-deux ans entre 1984 et 2006 pour qu’une femme soit de nouveau élue Meilleur sportif tchèque de l’année, les choses ont bien changé ensuite. Car, depuis justement Neumannová en 2006 et jusqu’à la dernière enquête en 2012, c’est toujours une femme qui est arrivée en tête des votes et a été mise à l’honneur. La patineuse de vitesse Martina Sáblíková trois fois en 2007, 2009 et 2010, la lanceuse de javelot Barbora Špotáková en 2008 et 2012, et la tenniswoman Petra Kvitová en 2011 se sont ainsi succédées au palmarès.
Parmi ces trois meilleures sportives tchèques actuelles, Martina Sáblíková présente sans doute le parcours le plus étonnant de toutes. Dans un pays qui ne possède pas le moindre anneau de glace artificielle et qui ne compte que quelques dizaines de pratiquants de patinage de vitesse, Sáblíková est devenue, à Vancouver en 2010, la première sportive tchèque, hommes et femmes confondus, à remporter deux médailles d’or lors de Jeux d’hiver. Une histoire que même Hollywood n’aurait pas inventée et autant de succès, ajoutés à ces innombrables aux championnats du monde, d’Europe, et en Coupe du monde, qui lui ont valu le surnom de « petite fée des étangs de Moravie ». « Cendrillon est bien devenue princesse », avions-nous également titré le 15 février 2010, le lendemain du premier titre olympique de Sáblíková sur 3 000 mètres. Grande favorite avant le départ, comme toujours depuis plusieurs saisons dans les épreuves de longues distances, la Tchèque, dont le talent n’a sans doute d’égal que la timidité, était forcément ravie mais aussi très soulagée de monter sur la plus haute marche du podium :« Ce n’est pas un secret, l’attente des résultats des autres a été plus difficile que la course en elle-même. Même si j’étais satisfaite de mon temps, on ne sait jamais ce qui peut arriver. Mon objectif était une médaille, peu importait le métal. Alors quand j’ai vu qu’il ne restait plus que deux concurrentes susceptibles de me battre, je me suis sentie soulagée, j’avais ma médaille en poche. Mais l’or, c’est merveilleux, et ça me convient tout à fait. »
Et on comprend Martina Sáblíková, rares étant les femmes à ne pas aimer l’or. Mais depuis ses deux titres olympiques décrochés sur 3 000 et 5 000 mètres à Vancouver, Cendrillon a confirmé qu’elle avait un goût particulièrement prononcé pour le précieux métal. Car Martina Sáblíková, ce sont également neuf titres de championne du monde, quatre titres de championne d’Europe et sept victoires au classement général de la Coupe du monde des longues distances, dont la dernière, la septième d’affilée, obtenue samedi à Heerenveen, aux Pays-Bas, dans la Mecque du patinage de vitesse.
Autre femme qui apprécie l’or : Barbora Špotáková. Si Sáblíková, nous l’avons dit, est la première sportive tchèque double championne olympique d’une discipline hivernale, la lanceuse de javelot est, elle, devenue, à Londres l’été dernier, la première Tchèque, après Emil Zátopek et Jan Železný, au moins double médaillée d’or en athlétisme, la reine des disciplines olympiques. Avec sa deuxième breloque dorée autour du cou, Barbora Špotáková marche donc non seulement sur les traces de ses légendaires prédécesseurs, et notamment de son triple champion olympique d’entraîneur Jan Železný, mais a aussi dépassé un autre grand nom de l’histoire du sport et du javelot tchèques, une certaine… Dana Zátopková, sacrée à Helsinky en 1952 le même jour que son mari, un certain… Zátopek. Et à l’issue de son concours londonien, Barbora Špotáková avouait avoir un peu de mal à croire à ce qui lui arrivait :« C’est dingue ! Je dois avouer que l’idée m’avait déjà traversé l’esprit pendant la journée, mais je m’étais efforcée de la chasser de ma tête. Je ne voulais pas y penser pour que ça ne me porte pas malheur. Vous savez bien que les sportifs sont superstitieux. Mais je ne croyais pas que cela serait aussi simple. Je pensais que les autres filles lanceraient plus loin. C’est donc un peu une surprise pour moi. »
Une médaille olympique, c’est en revanche ce que n’est pas parvenue à ramener de Londres Petra Kvitová, éliminée au stade des quarts de finale. Mais un an plus tôt, sur les mêmes courts en gazon, Kvitová était devenue la troisième joueuse tchèque de l’histoire, après Jana Novotná et bien entendu Martina Navrátilová, sacrée à Wimbledon. Et en tennis, un titre en Grand Chelem, qui plus est dans le temple du jeu, vaut aujourd’hui encore bien plus qu’une médaille olympique, fût-elle d’or. Cette victoire, qui précédait celle au Masters quelques mois plus tard, Kvitová l’avait obtenue sous les yeux de son idole. Une Martina Navrátilová que Petra Kvitová avait croisée quelques minutes après sa finale victorieuse :« Je suis allée voir si mon nom était bien gravé sur la plaque où figurent tous les vainqueurs du tournoi. C’est là que j’ai rencontré Jana Novotná et Martina. Nous nous sommes étreintes et je dois avouer que j’ai versé une petite larme surtout quand Martina m’a serrée dans ses bras. »
Naturalisée Américaine en 1981, Martina Navrátilová aurait certainement collectionné les titres de Meilleur sportif tchèque ou tchécoslovaque dans les années 1980 et 1990 si l’histoire, la grande Histoire, en avait voulu autrement. Avec 58 titres du Grand Chelem, dont 18 en simple, et des centaines d’autres victoires, Martina Navrátilová est non seulement la ou l’une des meilleures joueuses de l’histoire du tennis, mais aussi une des plus grandes femmes et personnalités de l’histoire du sport tchèque. Sa carrière exceptionnelle comme sa vie par instants tragique sont à ranger à côté de celles de l’autre grande Dame du sport tchèque, Věra Čáslavská, ou encore, dans une moindre mesure, d’Ája Vrzáňová. Une double championne du monde de patinage artistique de l’après-guerre qui, elle aussi, choisit l’Amérique au début des années 1950 pour un exil qui ne l’a pas empêchée de rester à tout jamais dans la mémoire et le cœur des amateurs de sport tchèque, qu’ils soient hommes ou femmes.