Chiner sur les marchés aux puces de Prague

Photo: Anne-Claire Veluire

Un vrai marché aux puces ! C’est de cette façon, et en partie en français sur les pancartes, que cette nouvelle activité est annoncée dans les rues de la capitale. Au printemps dernier, nous avions parlé du renouveau des marchés fermiers en République tchèque et en particulier à Prague. Sans avoir de lien direct avec les marchés de producteurs, c’est dans le même esprit – celui de la convivialité – que se développent les marchés aux puces de Prague.

Photo: Anne-Claire Veluire
Trois fois par mois, ces marchés aux puces, traduit littéralement en tchèque – bleší trh – sont désormais ouverts aux apprentis chineurs. L’initiative est née d’une poignée de personnes. Parmi eux, David Košek :

« Ici se tient aujourd’hui un vrai marché aux puces. C’est un marché avec ses propres règles. Le principe est que les gens qui ont quelque chose à vendre viennent ici, et après avoir réservé un emplacement, ils peuvent proposer aux autres les choses dont ils ne veulent plus. C’est un joli moyen de recyclage, puisque ces objets ne sont pas jetés mais peuvent continuer leur vie. Nous pouvons donc voir ici des vêtements, mais aussi des jeux pour enfants, des disques, des livres et toutes sortes d’antiquités, donc tout un ensemble de choses que l’on peut se procurer. »

Il s’agit donc d’un vrai marché aux puces, comme on en connaît à Paris, Bruxelles, Londres, Vienne et de nombreuses autres capitales européennes. Si un certain nombre de traditions ont disparu sous le communisme pour commencer à réapparaître depuis quelques années, David Košek admet que ce n’est pas le cas des marchés aux puces. Ainsi, ces marchés praguois sont directement inspirés de ceux qu’ils ont pu voir dans d’autres pays. Un manque qu’il fallait donc combler, ce qui explique le succès de cette initiative. David Košek :

Photo: Anne-Claire Veluire
« Cette tradition n’existe pas vraiment sous cette forme, nous essayons donc de l’améliorer. Nous constatons qu’il y a beaucoup d’intérêt parce que les gens ont vu ces marchés aux puces dans différentes villes européennes. Ça leur manquait et que ce soit du côté des vendeurs ou des acheteurs, l’initiative a été très bien accueillie. Ici la tradition est plutôt celle de ce qu’on appelle des ‘bourses’, qui ne sont pas des marchés aux puces parce qu’on y trouve des objets neufs, ainsi que de l’alimentation. Alors que ces marchés aux puces ont leurs propres règles qui doivent être respectées. »

Les règles sont relativement simples. Il est interdit de vendre des armes. Il est interdit également de vendre des choses neuves, des produits cosmétiques ou autres produits de droguerie. Sont acceptées sur le marché seulement les objets d’occasion, et de préférence les babioles qui traînent dans les recoins perdus des vieilles maisons.

Photo: M. Voráč,  www.prazsketrhy.cz
Cela fait presque une année maintenant que trois fois par mois, et dans deux lieux particulièrement agréables de la capitale tchèque, les chineurs praguois peuvent se lancer à la recherche de la pièce rare. Tous les derniers samedis du mois, les petits stands des vendeurs se dressent sur la place de la paix, Náměstí Míru, dans le deuxième arrondissement de la capitale. Les premiers et troisième samedi de chaque mois, ils se retrouvent le long des quais de la Vltava, à côté de la place Palacký. De chineur, on peut devenir vendeur, en s’inscrivant sur le site internet de ces marchés. Le prix de l’emplacement est au mètre, comme dans tous les marchés aux puces, et il varie en fonction des saisons, avec des réductions pour les juniors ou les seniors.

Côté vendeurs, on observe en effet des personnes de toutes générations. Les plus âgés vendent la plupart du temps des objets qui leur ont appartenu, et peuvent ainsi dans certains cas vous éclairer sur leur utilisation. Certains stands sont plus spécialisés avec par exemple des tissus anciens ou des objets en étain. D’autres stands essaient de se démarquer avec un style particulier. C’est le cas de celui d’Amálka Němcová, avec un style très coloré, ambiance années 1960 et 1970 :

Photo: Anne-Claire Veluire
« Ceci est le stand de ma sœur, qui fait ces marchés aux puces une ou deux fois par mois. Cela fait plusieurs années qu’elle a commencé à collectionner différents objets et bibelots, d’abord pour elle-même puis depuis deux ans pour les marchés. Elle essaie de ne pas trop dire où elle trouve ces objets mais elle voyage beaucoup dans le pays et même en Allemagne. Elle se rend dans beaucoup de bazars et trouve aussi probablement des choses sur internet. Ces objets des années 1960 et 1970 ont beaucoup de succès, même chez les jeunes. Les plus âgés sont nostalgiques en voyant des choses qu’ils ont souvent eues à la maison et ils regrettent de les avoir jetées. Certains se disent même qu’ils les ont toujours à la maison et qu’ils n’ont jamais pensé qu’ils pouvaient avoir une quelconque valeur. »

Qu’est-ce que les Praguois préfèrent chiner? David Košek:

Photo: Anne-Claire Veluire
« Il y a beaucoup d’intérêt pour les vêtements, et il y a beaucoup de gens qui vendent des vêtements. J’ai été également surpris de l’intérêt pour les disques vinyles. Ce que les gens aiment aussi, c’est cette section de création qui s’appelle ‘Head & Hand made’. Les artisans qui créent des bijoux ou des sacs, ou des vêtements, peuvent les présenter. C’est donc une exception à la règle puisque ce sont des choses neuves mais elles sont faites à l’aide de leur tête et de leurs mains. »

Les petites mains tchèques dorées, comme le dit l’expression, sont donc les bienvenues dans ces nouveaux marchés aux puces. A noter également qu’ils sont très cosmopolites et volontiers fréquentés par les résidents étrangers en République tchèque. On y entend donc parler toutes les langues, avec quelques dialogues de sourd quand il s’agit de marchander. Eloise est française. Nous l’avons rencontré lors de sa première fois sur un marché aux puces de Prague.

Photo: Anne-Claire Veluire
« C’est intéressant de voir tout ce qui se vend, les produits typiques d’ici, qu’on ne connaît pas forcément en France. »

Quelles sont les choses particulières ici que l’on peut voir et acheter ?

« Par exemple, je viens de faire l’acquisition d’une remoska. C’est une invention pendant le communisme dont les Tchèque étaient très fiers. C’est une sorte de poële qui sert de four. Et il se trouve que j’ai fait mes meilleures tartes aux pommes dans cette remoska, une fois, quand j’étais en vacances, et j’avais donc utilisé cet instrument. Je suis très contente aujourd’hui de mon achat. Je vais essayer dès ce week-end si elle marche bien. »

Photo: Anne-Claire Veluire
Avez-vous vu d’autres jolies choses sur le marché ?

« Joli…j’ai vu de beaux chandeliers, ou une jolie carafe en verre. Mais ce ne sont pas des choses des pièces d’antiquité de grandes valeurs. Je dirais que ce sont plutôt des choses rigolotes, sympatiques…j’ai quand même acheté deux broches ! »

Reviendrez-vous au marché aux puces ?

« Oui, j’adore regarder même sans acheter. J’adore regarder les étalages, voir les gens, donc oui, je reviendrai, c’est sûr ! » Avez-vous essayé de marchander l’achat que vous avez fait ? « Oui, j’ai essayé, mais je ne suis pas très à l’aise, et en plus, j’ai essayé avec quelqu’un qui n’était pas très habitué à cette pratique. Ça a donc été un échec et j’ai vite donné la somme demandée. J’essaierai une autre fois mais je ne pense pas que j’y arriverai ! »

Photo: M. Voráč,  www.prazsketrhy.cz
Toutes les pratiques des marchés aux puces, et notamment le marchandage, ne sont peut-être pas encore rentrées dans les habitudes des vendeurs et des acheteurs tchèques mais ces marchés semblent bien pouvoir s’ancrer dans le paysage des activités qu’offre Prague. Ces marchés aux puces, à Náměstí Míru et sur les quais, au lieu dit Náplavka, se poursuivront tout au long de l’hiver.

www.prazsketrhy.cz