Cinéma : à Prague, du court, mais bon
Événement désormais incontournable dans le calendrier culturel, le 14e Festival du court métrage de Prague se poursuit jusqu’à dimanche dans les salles du Světozor et du Kino Pilotů. Entre films étrangers ou tchèques, certains même en réalité virtuelle, cette année encore, un riche programme a été concocté pour satisfaire des cinéphiles toujours plus exigeants. Une réalité dont sont bien conscients Myro Klochko et Dužan Duong, deux jeunes réalisateurs aux origines diverses. Tous deux étudiants à Prague, ils proposent, chacun dans leur style, un nouveau regard sur la différence.
« Mon équipe et moi-même sommes très excités d’avoir l’opportunité de présenter notre ‘bébé’. Il est très important de confronter un film à un public pour savoir quelles sont ses réactions et ses émotions. »
Pour sa part Dužan Duong, d’origine, lui, vietnamienne comme son nom l’indique, a été très surpris que son film ait été retenu, puisque celui-ci a été réalisé dans le cadre d’une démarche commerciale, suite à une commande d’une compagnie de fast-food mondialement connue :
« Oui, c’est assez amusant puisque je n’ai pas réalisé ce film dans un but personnel. C’était juste un travail. C’est très surprenant d’être sélectionné parmi ces étudiants qui ont réalisé leurs films avec leurs propres sujets. »Les deux réalisateurs aux univers bien distincts proposent d’interroger notre société. Myro, qui a tourné son film en Ukraine avec son équipe tchèque, a choisi de pointer sa caméra sur la différence entre les enfants atteints du syndrome de Down et les autres, contrairement à Dužan qui, lui, a développé un sujet plus commun : la prédominance du travail sur la vie de famille.
« Nous souhaitions mettre en avant une mère célibataire qui travaille et qui doit sacrifier sa vie pour son fils. Je réalise des films sur des sujets et des relations de la vie quotidienne. J’aime les films authentiques et simples, pas ceux qui sont étranges ou essentiellement drôles. Mes films reflètent la vie. »
« Avant d’entrer à la FAMU, j’ai travaillé comme assistante sociale avec ces enfants en Ukraine. Je suis vraiment inspirée par ces personnes différentes et je souhaitais être plus proche d’elles. Je suis très curieuse de savoir comment le public tchèque l’accueillera, mais je considère que ce film concerne chacun d’entre nous. »
Myro et Dužan expliquent aussi pourquoi leurs études à la FAMU, école réputée au-delà des frontières de la République tchèque, ont été une opportunité pour eux en tant que jeunes réalisateurs :
« La FAMU, c’est une histoire d’amour. C’est cette école qui m’a permis de réaliser mes rêves. Les professeurs s’investissent énormément et nous accompagnent jusqu’à la réalisation de notre projet. Si nous avons une idée, ils nous demandent de justifier notre motivation et nous encouragent à écrire notre script avant de nous aider à trouver les financements nécessaires pour produire le film. Je suis vraiment reconnaissante envers la FAMU. »
« Je n’ai effectué qu’un seul semestre à la FAMU, mais il m’a été bénéfique car j’ai rencontré énormément de personnes qui m’ont aidé dans ma carrière. J’ai appris les bases du métier que je n’aurais pas pu apprendre si je n’avais pas étudié dans cette école. »Malgré un style cinématographique opposé, la passion du cinéma relie Myro Klochko et Dužan Duong. Tandis que Dužan nous confie son désintérêt pour l’histoire du cinéma, considérant que celle-ci pourrait biaiser sa créativité, Myro nous dévoile un amour sincère pour le cinéma français notamment :
« Le cinéma français a introduit la théorie du film d’auteur et nous sommes tous très reconnaissants envers la nouvelle vague française. J’aime Truffaut, et Godard pour son courage. Je suis très inspirée par les films de Godard. Je ne pense pas le comprendre dans sa totalité car son univers est compliqué, mais ses films sont pleins de bonnes idées. Même avec le temps, ses films ne deviennent pas ennuyants. J’aime aussi Bruno Dumont pour son style cinématographique, ses images et ses acteurs. »
« Pour être honnête, je ne regarde pas souvent de films. Je vais au cinéma, oui, mais je ne connais pas l’histoire du cinéma. Je regarde juste les films que j’aime, je ne les étudie pas. Le seul film français dont je me souviens, c’est Intouchable. Je ne connais pas les classiques. »La remise des prix aura lieu lors de la cérémonie de clôture, ce dimanche au cinéma Světozor. Le prix du grand jury et le prix spécial du public seront attribués. Au total, ils sont cinq en lice pour la victoire. Pourtant, les deux réalisateurs témoignent de leur humilité face à la concurrence. Selon eux, le plus important est d’avoir la chance de participer au festival :
« Étonnamment, je ne ressens pas la compétition. Je suis simplement heureuse de pouvoir présenter notre film au grand public. Je sais que les autres courts métrages sont aussi de bons films. C’est vraiment une ambiance de compétition agréable. »« Je ne pense pas que mon film remportera la compétition, car ce n’est pas vraiment un film personnel. En compétition, il y a de nombreux films plus subjectifs, contrairement à notre équipe qui a rencontré des restrictions par rapport à la demande de l’entreprise. C’est un court métrage décent, mais ce n’est pas mon meilleur. C’est juste un bon film. »
En attendant peut-être du plus long et du meilleur encore, court et bon, ce n’est déjà pas si mal.