Cinéma - Karlovy Vary: un festival « hybride »

Charles Tesson, photo : Alexis Rosenzweig

Le festival international du film bat son plein cette semaine à Karlovy Vary. Une douzaine de long-métrages figurent dans la compétition principale et c’est le grand jury qui doit déterminer lequel recevra le globe de cristal cette année. Parmi les jurés cette année se trouve le délégué général de la Semaine de la critique du festival de Cannes. Entre deux projections, Charles Tesson a répondu aux questions de Radio Prague :

Charles Tesson,  photo : Alexis Rosenzweig
Bonjour Charles Tesson, quel bon vent vous amène à Karlovy Vary ?

« Karel Och m’a invité et proposé d’être membre du grand jury, ce que j’ai accepté avec grand plaisir. C’est la première fois que je viens et mes premières impressions sont excellentes. On sent que c’est un festival extrêmement chaleureux, il y a beaucoup de monde, beaucoup de public. C’est très vivant, on sent que la ville vit au diapason du festival et du cinéma. L’endroit est magnifique, les salles sont très grandes. Ça fait du bien et c’est réjouissant de voir des festivals comme ça. »

En tant que membre du jury vous ne pouvez évidemment pas parler des films en compétition, mais peut-on parler de la sélection en général ?

Photo : ČTK / Slavomír Kubeš
« Je ne peux pas vraiment dire… Je n’ai vu que trois films pour l’instant et je ne regarde pas le catalogue pour ne pas savoir de quoi il s’agit avant la projection, même si je sais que ce soir ce sera un film slovaque coproduit par la Tchéquie. J’essaye de me préserver au maximum des informations sur les films parce que j’adore les découvrir sans savoir où ils vont m’emmener. C’est le cas aussi lorsqu’on sélection les films pour la Semaine de la critique. J’aime bien être dans cette situation où on ne sait rien, comme de nos jours c’est de plus en plus rare - on a tous des informations, on a tous entendu parler des films et de ce que des gens en pensent et on se fait son avis parmi d’autres avis déjà existant. Je trouve que c’est encore un luxe de ne rien savoir et j’essaie de le préserver. »

Vous allez donc voir ce soir une coproduction tchèque (Nech je svetlo/Let There Be Light, du Slovaque Marko Škop) – vous connaissez un peu la cinématographie tchèque ?

Karel Och,  photo : Eva Turečková
« Bien sûr, oui, on reçoit quelques films tchèques à la Semaine chaque année. Il y a eu six films tchèques sélectionnés dans l’histoire de la Semaine de la critique, mais c’était surtout dans les grandes années de la nouvelle vague, avec notamment un film de Věra Chytilová et un autre de Jan Němec. Il y en a eu quatre puis deux en 1990 et 1998, mais depuis vingt ans on n’en a pas eu. J’avais bien aimé le film Domestik d’Adam Sedlák en 2018 sur un cycliste un peu fou qui s’entraînait dans son appartement au détriment de son couple. Karel Och l’avait montré ici en compétition. »

Vous connaissez Karel Och, le directeur artistique du festival de Karlovy Vary. Quels sont les liens, en dehors de votre connexion personnelle, entre Cannes et Karlovy Vary ? Est-ce que c’est plutôt coopératif ou toujours un peu compétitif ?

Photo : ČTK / Slavomír Kubeš
« Non il n’y a pas de compétition. J’ai rencontré Karel à Locarno où nous avons été jurés ensemble. C’est quelqu’un que j’apprécie beaucoup. Nous ne pouvons pas prendre tous les films donc quand je vois des films intéressants je lui fais des recommandations. »

Est-ce difficile pour Karlovy Vary de trouver sa place dans le grand jeu des festivals plus grands que sont Cannes, Venise ou Berlin ?

« Je découvre ce festival dont j’avais entendu parler en bien et je voyais les films qu’il prenait à Cannes. Le festival de Karlovy Vary a une double mission comme d’autres festivals importants : il y a un public, comme à Locarno, qui a envie de voir des films qu’il n’a pas l’occasion de voir ailleurs, une sorte de best of des autres festivals. Il y a une sélection qui tient son rang, comme à Sarajevo en août. Karlovy Vary a une compétition de qualité avec des films bien sûr inédits et une programmation qui permet d’avoir un public important et jeune. »

Photo : ČTK / Slavomír Kubeš
« C’est important d’avoir des festivals de prospection et de découverte comme Cannes - où il n’y a pas de public et dont les salles sont réservées uniquement aux professionnels - et des festivals qui sont hybrides, avec une fonction de découverte de cinéastes et une occasion pour le public de se faire une cure de cinémas qu’il n’a pas l’opportunité de voir le reste de l’année. Sur ce plan là je trouve que Karlovy Vary est une grande réussite. »