Cirque Le Roux : de la poésie en équilibre à l'odeur de film noir
Ambiance film noir, atmosphère à la fois lugubre et drôle, et un public conquis par « The Elephant in the Room », un spectacle époustouflant qui met en scène quatre artistes du Cirque Le Roux. Pendant trois semaines, et à guichets fermés à chaque reprise, cette troupe française s’est produite dans le cadre de la 12e édition de Letní Letná, le festival du cirque nouveau qui s’est achevé la semaine dernière à Prague. Créée en 2014, la compagnie formée par trois Français, Lolita Costet, Gregory Arsenal et Yannick Thomas, et un Américain, Philip Rosenberg, est parvenue à émouvoir et à faire rire le public tchèque avec un spectacle rempli d’imprévus, mélangeant théâtre et cirque nouveau. A l’issue d’une de ces représentations, Radio Prague a rencontré Yannick Thomas, qui a dévoilé que les membres de Cirque Le Roux avaient participé à un des premiers projets de cirque sur Broadway.
Yannick Thomas : « Oui, c’était la première tchèque. Et on est très content. Il y a vraiment un super public. C’est un super festival, c’est aussi un parc qui est magnifique, donc pour nous ça se passe très très bien. »
L’enthousiasme des différentes critiques tchèques a été plus qu’unanime à l’égard de votre spectacle. Comment avez-vous trouvé de votre côté l’ambiance du festival ?
« On a été agréablement surpris, parce que c’est quasiment plein tout le temps. Il y a une très bonne fréquentation et on a eu de très bonnes réactions du public dès le premier soir. On a su qu’on allait passer un bon festival. Chaque soir, c’est des bons publics. Il y a des soirs où il y a plus d’enfants, mais comme c’est un spectacle qui marche aussi très bien pour les enfants. Nous ça nous amuse beaucoup. »
De quoi parle « The Elephant in the Room » ?
C’est l’histoire de Miss Betty. C’est le soir du mariage, la réception du mariage. Il y a quatre personnages. Il y a Miss Betty, jouée par Lolita Costet. Il y a moi, monsieur Barick, qui est censé être le mari de Madame. Ensuite, il y a le personnage du serveur, joué par Gregory Arsenal. Et le personnage du pique-assiette dans les soirées mondaines, et qui joué par Philip Rosenberg. C’est l’histoire de ces quatre personnages qui vont se rencontrer. Je ne vais pas tout raconter, mais il y a toute une intrigue sur le poison. C’est plein de rebondissements. On s’est basé pour la création de ce spectacle sur des films en noir et blanc. On a donc vraiment essayé de respecter certains codes cinématographiques, que l’on peut retrouver tout au long du spectacle. »Premier projet de cirque à Broadway avec Cirque Le Roux
Comment est née cette idée de spectacle avec une ambiance très film noir ?
« Les années 1930, ce sont des années qui nous plaisent à tous les quatre. Autant la musique que le style vestimentaire, c’est une époque qui est aussi très chargée en histoire. On a monté la compagnie. Et il y a trois ans, on est parti travailler à New York sur Broadway. On nous a fait une proposition, et ça a été une expérience très enrichissante pour nous. Cela nous a aussi permis de voir comment on peut adapter une histoire, un spectacle vivant, car le music-hall américain ce n’est pas du théâtre. Pour nous c’est vraiment le lien entre le cinéma, le théâtre et tous les arts visuels. Et c’est ce qui nous a vraiment aidés à prendre notre décision de partir sur une lancée très théâtrale, vraiment inspirée des films, pour pouvoir toucher un maximum de gens. On est une génération maintenant qui regarde des films tout le temps. Donc on s’était dit que c’était un bon moyen d’accrocher le public. »Vous avez mentionné Broadway, comment cela s’est-il passé à New York ?
« C’était très enrichissant. C’était très drôle. C’était le premier projet sur Broadway, et où ils avaient décidé d’avoir une équipe de gens du cirque. On a été appelé par les « 7 Doigts de la Main », qui est une compagnie de cirque québécoise et avec laquelle on a déjà travaillé plusieurs fois. Tout le processus de création a été très intéressant, de voir comment des chorégraphes de danse travaillaient avec nous, comment des directeurs, des metteurs en scène de théâtre travaillaient avec nous, et comment nous on arriver à travailler avec eux. C’était un échange très compliqué au départ, parce que c’était trois mondes complètement différents qui se confrontaient. Sauf que dans ces théâtres, dans le milieu de Broadway, ils savent très bien comment nous faire cohabiter. Le cirque, ça a été vraiment dur un peu pour tout le monde, de s’adapter, de comprendre comment ça marchait. Mais cela a été une très belle rencontre, un beau succès à New York, et on en garde tous un très bon souvenir. »Votre compagnie est relativement récente. Comment s’est-elle formée ?
« En fait, Gregory Arsenal et moi-même, on a commencé à travailler ensemble maintenant, il y a un peu plus de quinze ans de cela. On a eu un parcours, dans lequel on a pu croiser Lolita Costet, que je connais depuis plus de dix ans aussi. On a rencontré Philip Rosenberg à l’Ecole Nationale de Cirque à Montréal. Quand on a fini l’école on a tous fait nos projets. J’ai travaillé beaucoup avec Greg, Philip est parti travailler avec les « 7 Doigts de la Main » et Lolita a monté sa propre compagnie avec son ancien partenaire. Il y a quelques années de cela, Philip, Gregory et moi, nous avons décidé de commencer à essaye de monter un spectacle ensemble. Très vite s’est rajoutée Lolita, car on avait besoin d’une présence féminine. Le projet de Broadway nous a permis travailler tous les quatre ensembles sur un projet qui n’était pas le nôtre. Ce qui a été très bien pour apprendre à se connaître dans le travail, le fonctionnement de chacun. Et pendant qu’on était à Broadway, on était déjà en train d’écrire le spectacle « The Elephant in the Room » et de chercher des idées. Quand on a arrêté de travailler sur Broadway, Lolita était enceinte de trois mois. On a dit : on rentre en France, on monte la compagnie, et dès que l’on peut, on va démarrer la création. Ce qui s’est passé dix jours après la naissance de notre enfant, de moi et Lolita. Elle n’a pas eu beaucoup de temps de repos, mais ça a donné ça, et on est content. »Le cirque nouveau comme lieu de rencontre d´artistes internationaux
Vous avez pas mal voyagé, comment se porte selon vous le cirque nouveau en Europe ? Si vous pouvez comparer par rapport aux Etats-Unis ?
« Cela n’engage que moi et moi seul, c’est mon opinion. Pour moi, le cirque nouveau en Amérique du Nord est très très jeune, ça commence à peine. Le Cirque du soleil qui a eu le monopole du cirque dans toute l’Amérique, Nord / Sud confondus pendant des années. Mais c’est très dur en Amérique, car il n’y a vraiment pas beaucoup de subventions pour les arts du cirque, comparé à l’Europe. Mais en ce moment en Europe, ça devient quand même aussi très dur étant donné que depuis vingt ans il y a eu énormément d’aides qui ont été développées pour le cirque et que maintenant, ils sont en train de faire des coupures. Durant ces vingt ans, des compagnies de cirque ont explosés un peu partout, elles se sont créées. Il y a eu un surbooking du marché aussi. Il y avait pleins de spectacles donc les prix des spectacles ont baissé. Et maintenant qu´il y a de moins en moins d´aides sur la France et la Belgique, les deux pays qui subventionnent le plus le cirque, cela devient de plus en plus compliqué. Mais il y a des lieux comme en Allemagne, comme ici, où de nouvelles compagnies se développent et qui commencent vraiment à prendre de l´ampleur. C´est très intéressant pour nous aussi d´être revenus en Europe et de voyager, et donc de découvrir ces nouvelles énergies, ces nouvelles personnes qui se battent de leur côté pour créer des compagnies comme La Putyka, qui est ici à Prague. Il y a des festivals de cirque qui se créent un peu partout en Europe. Des écoles de cirque, on n´en parle même pas, il y en a plein. C´est vraiment en pleine effervescence. C´est une période très intéressante pour le nouveau cirque en ce moment. Cela ne va qu´aller de mieux en mieux. J´espère. »Cirque Le Roux à Paris à l´automne 2016
Le cirque nouveau est de plus en populaire en République tchèque. Avez-vous eu l´occasion de rencontrer des artistes tchèques dans le cadre du festival ou ailleurs aussi ?
« On a rencontré des gens de La Putyka pour leur spectacle qui s´appelle Dolls, et qui a été joué à Edinburgh l´été dernier. On les a rencontrés là-bas. Dans le cadre du festival ici, on a pu rencontrer les autres équipes de La Putyka, parce qu´ils ont plusieurs spectacles. On a rencontré les gens de l´école du cirque ici. Le seul regret que l´on ait c´est que même si on est là trois semaines, on travaille pratiquement tous les jours, donc on n´a pas assez le temps. Mais on espère bien pouvoir venir à Prague, pour visiter tous ces lieux et pouvoir apporter notre aide si les gens en ont besoin. Comme je disais pour nous c´est très intéressant de voir aussi tout ce qui se développe dans chaque pays européen. Car on habite très près les uns des autres. On nous a déjà proposé de revenir à Prague si on a besoin de travailler, pour faire des résidences dans le lieu de La Putyka. Et nous sommes intéressés. Pas pour tout de suite, mais dans le futur, cela nous ferait plaisir de revenir à Prague en tout cas. »Quels sont les pays que vous avez déjà visités avec votre spectacle « Elephant in The Room » et la compagnie, et aussi où comptez-vous vous produire prochainement ?
« Cette année on a été à Montréal, en Allemagne plusieurs fois, à Hong-Kong, en Espagne. On a évidemment beaucoup joué en France, en Belgique, et cet été à Prague. Quant aux dates à venir, on va faire trois mois et demi à Paris cet automne, à Bobino. J´invite donc tout le monde à venir nous voir là-bas. Apres, on a une tournée en France qui est prévue au printemps. Et ensuite on aura, les États-Unis, l´Asie, l´Australie, qui sont en train de rentrer dans les dates futures. »