Confiscations-Restitutions : la famille Liechtenstein propose un réglement à l’amiable à la Tchéquie
C’est une proposition qui pourrait bien constituer un tournant dans le règlement d’un litige patrimonial qui oppose la maison princière du Liechtenstein et l’État tchèque depuis près de dix ans. Mardi, la Fondation du Prince de Liechtenstein a annoncé être prête à renoncer à son action en revendication relative à la propriété d’un immense patrimoine se trouvant en Tchéquie en échange de la création d’un fonds commun sur lequel seraient transférés les droits de propriété sur les biens litigieux. Parmi ceux-ci, figurent notamment les châteaux de Lednice et Valtice, classés au patrimoine de l’UNESCO.
« Nous ne sommes pas surpris par la décision du tribunal ; les tribunaux ont toujours statué de la même manière et ne veulent pas entendre nos arguments. Nous prévoyons donc de faire appel comme dans les autres cas. »
Telle était, jeudi dernier, la réaction d’Aleš Linhart, l’avocat de la Fondation du Prince de Liechtenstein, après que le Tribunal régional de Brno a de nouveau tranché en faveur de l’État tchèque, confirmant ainsi la décision rendue précédemment par le Tribunal de district de Břeclav. Celui-ci avait alors rejeté la plainte déposée par la Fondation fin 2018. Ainsi, selon le dernier jugement rendu, l’État tchèque et les autres institutions publiques ne sont pas tenus de restituer à la famille Liechtenstein les biens situés dans la région de Břeclav, en Moravie du Sud, parmi lesquels figure le domaine Lednice-Valtice, un des sites touristiques les plus visités aujourd’hui en Tchéquie.
La Fondation du Prince de Liechtenstein, une organisation dépendante de la famille princière qui défend les intérêts de la monarchie, réclame la restitution de différents biens confisqués par l’État tchécoslovaque après la Deuxième Guerre mondiale sur la base des décrets dits Beneš ; des décrets qui visaient d’abord à exproprier et expulser les personnes d’origine ethnique allemande et hongroise de Tchécoslovaquie. Des biens dont le Liechtenstein estime qu’ils sont depuis utilisés et exploités illégalement par l’État tchèque. Mais aussi une revendication que l’administration tchèque juge infondée.
Une interprétation de l’histoire diamiétralement opposée, donc, qui, après la chute du régime communiste et le retour de l’État de droit en République tchèque, a abouti à un litige en justice qui s’étire depuis dans le temps. Un différend qui n’est d’ailleurs pas prêt de s’achever puisque, en 2018, la Fondation du Prince de Liechtenstein a intenté des poursuites auprès de vingt-six tribunaux de district, autrement dit, dans tous les endroits de République tchèque où la famille princière estime que des biens lui ont été confisqués il y a aujourd’hui près de 80 ans.
Pour justifier son action en justice, la Fondation avance l’argument selon lequel le dernier propriétaire des biens qui appartenaient à la famille sur le territoire tchèque, le prince François-Joseph II, n’était pas un citoyen allemand, mais du Liechtenstein neutre et, de surcroît, chef d’un État souverain. Et que, donc, les décrets Beneš n’auraient pas dû être appliqués sur ces différents biens, leur confiscation étant de ce fait illégale.
Reste que, selon l’autorité administrative de l’époque, le prince François-Joseph II de Liechtenstein s’était déclaré de nationalité allemande dans les années 1930. Une déclaration qui, selon la version tchèque des choses, justifiait l’application des décrets Beneš.
Le verdict rendu la semaine dernière par le Tribunal régional Brno, auquel la Fondation du Prince de Liechtenstein a comme toujours réagi en annonçant qu’elle ferait appel, n’est toutefois qu’un jugement parmi d’autres et ne résoud pas le litige. Au-delà de la République tchèque, l’affaire devrait d’ailleurs être tranchée à l’échelle internationale puisque, en 2020, le gouvernement du Liechtenstein a introduit contre la République tchèque une requête étatique auprès de la Cour européene des droits de l’homme.
La proposition de règlement à l’amiable faite par les Liechtenstein pourrait toutefois signifier la fin de ce long feuilleton judiciaire. Concrètement, la Fondation abandonnerait son action en revendication de propriété et un fonds commun serait créé avec l’État tchèque pour gérer les droits de propriété de tous les biens faisant l’objet jusqu’à présent du litige. Plus précisément, sous la surveillance d’un conseil d’administration nommé par les deux parties, c’est alors à la Fondation qu’il reviendrait de gérer ces actifs, et ce « de manière responsable et durable », comme l’a souligné son porte-parole.
« La forme de règlement à l’amiable proposée permettrait non seulement de résoudre les questions dites ouvertes, mais aussi de permettre aux entités du Liechtenstein, en particulier à la Fondation du Prince de Liechtenstein, d’investir en République tchèque », est-il également expliqué dans le communiqué de presse publié pour l’occasion, tout en rappelant que les procédures judiciaires nuisent tout à la fois aux intérêts des deux parties mais aussi à un patrimoine culturel et naturel qui nécessite pourtant un entretien permanent.
La proposition est donc sur la table et il reste désormais à attendre la réaction de l’État tchèque.