Restitution de biens expropriés : les Liechtenstein déboutés
Bien que les liens entre la famille Liechtenstein et les pays tchèques aient été importants dans l’histoire, la principauté du Liechtenstein et la République tchèque n’ont établi de relations diplomatiques qu’en septembre 2009. Les relations entre les deux pays sont en effet singulièrement compliquées depuis la confiscation après la Seconde Guerre mondiale de biens de la famille princière sur la base des décrets Beneš. La décision d’un tribunal de refuser la restitution d’une propriété près de la commune de Říčany, rapportée ce jeudi par le quotidien Hospodářské noviny, ne devrait pas arranger les choses.
« Nous n’envisageons pas d’entreprendre d’initiative pour récupérer ces biens. Il nous importe surtout que les relations entre nos deux pays se normalisent enfin. Nous avons beaucoup de points communs dans de nombreux domaines. Nous sommes tous deux membres de l’espace économique européen, du Conseil de l’Europe. Nous siégeons tous deux à l’ONU et c’est pourquoi il serait bon de renouer, de lancer et de consolider des coopérations dans ces secteurs. »
La famille des Liechtenstein a pourtant entamé une procédure voici trois ans pour récupérer un terrain d’une superficie d’environ 600 hectares, situé près de la municipalité de Říčany, au sud-est de Prague. Les requérants arguaient du fait que cette propriété était toujours enregistrée au nom de François-Joseph II, le père de Hans-Adam II, qui dirigea la principauté de 1938 à 1989.
Une première décision leur a donné raison, ce qui n’a pas été au goût de l’Etat tchèque, qui s’est à son tour tourné vers la justice. Le nouveau verdict est tombé : la Tchéquie est bien le propriétaire légitime de ce bien foncier. Les juges du tribunal d’arrondissement de Prague-Est ont estimé que le cadastre présentait une erreur, les fonctionnaires de l’après-guerre ayant manqué d’inscrire le changement de propriétaire pour certains des biens expropriées aux Lichtenstein dans le cadre des décrets Beneš.C’est au XIIIe siècle que la famille acquiert pour la première fois des terres en pays tchèques, des possessions qui se renforcent significativement au XVIIe siècle, en particulier après la bataille de la Montagne Blanche en 1620 et le début de la domination des Habsbourg sur le royaume de Bohême. Dans leur catalogue de palais et de belles demeures, on trouve par exemple les châteaux de Lednice, de Valtice ou encore de Mikulov, tous situés au sud de la Moravie.
Très liés aux Habsbourg, les Liechtenstein paient une première fois les pots cassés quand la Tchécoslovaquie devient indépendante de l’Autriche-Hongrie ; une réforme agraire les ampute de plus de la moitié de leurs possessions dans le pays, plusieurs dizaines de milliers d’hectares. Avec la Seconde Guerre mondiale, la principauté du Lichtenstein, pourtant neutre, est à nouveau une victime collatérale. L’historien Jan Županič raconte :« Les Liechtenstein n’ont pas fait de problèmes aux employés tchèques qui travaillaient sur leurs terres en pays tchèques. C’est même le contraire, ils les ont soutenus financièrement et protégé de la pression des autorités d’occupation. Pour autant, le prince souverain à cette époque, François-Joseph II, a profité de la coopération avec les institutions nazies pour tenter notamment de revoir la précédente réforme territoriale ou bien pour acheter des biens confisqués. Il est intéressant de voir que ces données n’ont pas été prises en compte après 1945. Les biens des Liechtenstein ont été confisqués sur la base des décrets Beneš, donc sur la base du fait qu’ils étaient reconnus comme des Allemands. »
Après la chute du communisme en 1989 en Tchécoslovaquie, les Liechtenstein tentent une première approche pour récupérer ce qu’ils estiment leur revenir de droit. On leur répond par une fin de non-recevoir. En conséquence, lors de la partition du pays en 1993, la principauté n’ouvre de relations diplomatiques ni avec la Slovaquie, ni avec la Tchéquie. La situation semblait s’être apaisée depuis la reprise du dialogue en 2009, et la tenue l’année suivante d’une exposition au palais Wallenstein dans la capitale tchèque présentant les collections de la famille princière. Celle-ci n’a pourtant pas dit son dernier mot : elle entend faire appel de la décision du tribunal de Prague-Est.