Corruption : V. Bárta et J. Škárka acquittés, une nouvelle désillusion pour beaucoup

Vít Bárta et Jaroslav Škárka (au derrière plan), photo: CTK

Libre à tout un chacun d’en penser ce qu’il veut, mais quelque chose ne tourne décidément pas rond dans la justice tchèque. Condamnés à des peines de prison en avril dernier après avoir été reconnus coupables dans une affaire de corruption, les députés Vít Bárta et Jaroslav Škárka ont finalement été acquittés mercredi. Le verdict a été rendu par le Tribunal du Ve arrondissement de Prague, qui a ainsi suivi la recommandation de la Cour d’appel. Bien que le dossier ne soit pas encore définitivement clos, le procureur de la République ayant fait appel des deux décisions prononcées mercredi, le verdict constitue néanmoins une nouvelle désillusion pour beaucoup, lassés de la vanité à la fois de la lutte contre la corruption et des politiques.

Vít Bárta et Jaroslav Škárka  (au derrière plan),  photo: CTK
« Je n’avais pas d’autre choix », « La procédure pénale s’est arrêtée aux portes de la politique » ou encore « Nous avons assisté à une extension de l’interprétation de l’immunité parlementaire ». C’est avec ces mots traduisant son impuissance, et il ne s’en est pas caché, que le juge Jan Šott, celui-là même qui avait condamné Vít Bárta et Jaroslav Škárka en première instance, a commenté à sa sortie de la salle d’audience le verdict qu’il venait de prononcer :

« La défense du prévenu monsieur Bárta a démontré le bien-fondé de sa version. Cela signifie que, de fait, le tribunal a reconnu les propos de monsieur Bárta et lui a donné raison. Malgré ce constat, juridiquement, il n’a pas été possible de ne pas juger ses actes comme un délit pénal pour lequel il a été initialement condamné. »

Autrement dit, aux yeux de Jan Šott, oui, Vít Bárta est bien coupable, mais le juge a dû se plier aux arguments de la défense de l’accusé et surtout, plus ou moins contraint et forcé par la loi, au verdict rendu en appel à l’automne. Selon ce verdict, qui annulait le premier du tribunal d’arrondissement et renvoyait le dossier à la case départ pour un nouvel examen, les actes des prévenus doivent être davantage considérés comme appartenant aux intrigues propres au milieu de la politique que comme un délit de corruption.

Vít Bárta,  photo: CTK
Pour mieux comprendre, petit rappel des faits : dans des rôles différents, Vít Bárta et Jaroslav Škárka sont impliqués dans une affaire de corruption présumée interne au parti Affaires publiques, ancienne formation de la coalition gouvernementale. Ancien ministre des Transports et ancien président du parti Affaires publiques, Vít Bárta avait été reconnu coupable, en avril dernier donc, d’avoir versé de fortes sommes d’argent en liquide à deux des députés de son parti, parmi lesquels Jaroslav Škárka, en échange de leur loyauté. Vít Bárta, qui affirme que les enveloppes remises à ses collègues n’étaient que des prêts, avait alors été condamné à une peine de 18 mois de prison avec sursis. Le second protagoniste, Jaroslav Škárka, avait, lui, été reconnu coupable d’avoir accepté l’argent et de s’en être partiellement servi. Il avait écopé pour sa part de trois ans de prison ferme et de dix ans d’interdiction de se présenter aux élections législatives.

Jaroslav Škárka,  photo: CTK
Dans l’histoire tant de la justice que de la politique tchèques, la condamnation de deux députés en exercice dans ce procès très médiatisé constituait un verdict sans précédent. Mais neuf mois plus tard, il semble que tout cela n’ait été qu’une illusion. Non seulement les deux hommes n’ont jamais renoncé à leur mandat de représentant à la Chambre basse, mais forts de leur immunité parlementaire, ils ont également été finalement acquittés. Pour autant, cela ne satisfait pas encore pleinement Vít Bárta, qui estime, logiquement au regard de l’évolution de la procédure judiciaire, que sa réputation a été entachée dans ce procès :

« J’ai compris pendant ces deux années passées au tribunal que ma décision d’abandonner mes fonctions de ministre des Transports afin de laver mon honneur pour revenir plus fort dans la vie politique et pouvoir lutter contre les parrains de la mafia n’était pas la bonne. Je constate que laver mon honneur en justice n’est pas possible. »

Le procureur de la République ayant fait appel des deux verdicts rendus mercredi, l’affaire va désormais être soumise à l’examen du Tribunal municipal de Prague. Toutefois, tout laisse à penser qu’il ne s’agit là que d’un geste symbolique, le tribunal s’étant déjà prononcé lors du premier appel de Vít Bárta et Jaroslav Škárka en faveur des deux députés.