Danielle Millet, incarnation de l’amitié franco-tchèque

Danielle Millet et Jarmila Najbrtová-Lorencová

Son visage était bien connu de tous ceux qui suivaient la vie de la communauté française de Prague. Elle était passionnée de musique et de théâtre et ne négligeait aucune des manifestations culturelles tchéco-françaises organisées dans la capitale tchèque. Danielle Millet-Vantuchova n’est plus. Elle s’est éteinte avant Noël à l’âge de 69 ans, et le vide qu’elle laisse sera difficile à combler. Václav Richter a demandé aux époux Errera, des amis de longue date de Danielle Millet, de partager leurs souvenirs avec les auditeurs de Radio Prague.

Danielle Millet
Ses amis n’oublieront jamais la cordialité, l’intelligence, la culture classique de Danielle Millet. Roger Errera, conseiller d’Etat honoraire et ancien membre du Comité des droits de l’homme de l’ONU, revient sur l’itinéraire de son amie :

« Nous l’avons connu à partir du début des années quatre-vingt à Prague. Elle y était depuis 1967, d’abord comme lectrice à l’Université Charles puis comme professeur au collège et au lycée français. Nous l’avons connue à ce moment-là parce qu’elle avait épousé notre ami Anton Vantuch, membre de l’Académie des Sciences et spécialiste de l’histoire intellectuelle et religieuse de l’Europe centrale. Anton Vantuch, lui-même disparu, habitait à l’époque Bratislava. Professionnellement, Danielle Millet a été donc professeur au collège et au lycée de Prague. L’âge de la retraite n’a pas été pour elle l’âge du retrait et de l’inactivité. Elle a continué par exemple à diffuser auprès des amis et des collègues les périodiques français et anglais que je lui envoyais et qui étaient, je crois, très appréciés des lecteurs à Prague. Plus généralement, elle a tenu à assurer de mille façons une présence et une défense de la culture française et des valeurs qui en font partie. »

Roger Errera rappelle que Danielle Millet a accepté de traduire sous le pseudonyme de Dominique Fournier l’essai de František Laichter sur Péguy et les Cahiers de la quinzaine. Le livre a paru en 1985 aux Editions de la Science de l’Homme. Danille Millet a fait cette traduction à titre bénévole. Irène Errera – Hoechstetter avait beaucoup d’admiration pour l’énergie que Danielle Millet investissait dans l’enseignement, sa vocation et sa passion :

« Dès 1985, reprenant l’enseignement au collège, elle nous écrivait qu’elle cherchait ‘avec délice’, selon ses mots, de belles histoires susceptibles de passionner les enfants de 10 – 11 ans. De plus, elle s’est remise elle-même au latin depuis 1991 pour assurer cet enseignement, lequel aurait autrement disparu dans les établissements d’enseignement français à Prague. Quels qu'aient été les obstacles administratifs voire bureaucratiques qu’elle a pu rencontrer, elle a assuré l’enseignement dans ses fonctions avec beaucoup de compétence, beaucoup d’enthousiasme, d’attachement pour ses élèves qui avaient avec elle des relations très confiantes. Elle avait une conception élevée et exigeante de son métier de professeur. »

Danielle Millet et Jarmila Najbrtová-Lorencová
La vie en Tchécoslovaquie communiste n’a sans doute pas été facile pour cette femme qui avait choisi de vivre derrière le rideau de fer. Irène Errera – Hoechstetter se souvient que Danielle a accepté cette existence difficile sans conditions et a partagé avec courage la vie du peuple livré à l’occupant soviétique :

« A notre connaissance c’est un choix qu’elle a fait comme jeune femme, elle avait 26 ou 27 ans, un choix qu’elle a fait, je crois, par amour de la langue tchèque qu’elle avait étudiée à l’Institut des langues orientales à Paris. A ma connaissance, c’est quelque chose qu’elle n’a jamais regretté. C’est un choix qu’elle a totalement assumé. Elle s’est mariée comme vous le savez avec Anton Vantuch, qui était un historien de très grande qualité, et je crois qu’elle a magnifiquement représenté l’amitié culturelle entre la France et la Tchécoslovaquie par une adoption de ce pays d’accueil. »

L’existence terrestre de Danielle Millet est close. Les belles histoires avec lesquelles elle subjuguait ses élèves resteront gravées à jamais dans leur mémoire.