Roger Errera : La leçon de Jan Vladislav
Roger Errera, conseiller d’Etat honoraire et ancien membre du Comité des droits de l’homme de l’ONU, a beaucoup contribué à une meilleure connaissance au- delà du rideau de fer de la vie et de la pensée des dissidents tchèques. Ce mardi, Roger Errera a assisté à Prague aux obsèques du poète et traducteur Jan Vladislav, son ami et collaborateur. A cette occasion il a évoqué au micro de Radio Prague la vie de Jan Vladislav, sa résistance au régime communiste, son émigration en France entre 1981 et 2003 et son retour en Tchéquie à la fin de sa vie. Voici un extrait de cet entretien qui sera diffusé dans son intégralité ce samedi, dans le cadre de la rubrique Rencontres littéraires.
«Dès le début de 1989, bien avant l’écroulement du mur de Berlin, j’avais l’idée de proposer à un éditeur français une collection, un recueil d’essais politiques de celui qui était connu, mais pas très connu - Václav Havel. C’est un éditeur français, Calmann-Lévy, qui a accepté ce projet et j’ai immédiatement dit à Jan Vladislav que je ne pourrais le faire qu’en collaboration avec lui pour des raisons évidentes. Non seulement pour les raisons d’amitié et de traduction mais aussi pour la compréhension du sens. Et c’était pour moi un honneur et un plaisir d’être le coauteur de ce recueil d’essais qui a été publié, je crois, quelques semaines après l’élection de celui qui, entre temps, était devenu le président Havel. Le livre a eu un certain succès puisqu’il a été publié en livre de poche. Je crois qu’il a permis aux Français, à l’époque, de mieux connaître les écrits et la pensée de celui qui de dissident est devenu le premier président de la Tchécoslovaquie libre.»
Revenons sur les années passées par Jan Vladislav en France. Il a dirigé à Paris un séminaire sur la culture non officielle. Comment ce séminaire était-il perçu et reçu par les étudiants?
«Ce que je peux dire c’est qu’il n’y avait pas à Paris beaucoup d’enseignement de cette nature et que l’on parlait à l’époque plus des dissidents soviétiques ou polonais que des dissidents tchèques. Jan Vladislav a eu le souci justement de ne pas parler uniquement de son pays mais d’essayer de faire comprendre à son public ce que c’était cette pensée libre, cette pensée dissidente et à quel prix ces écrivains, ces auteurs, ces compositeurs, ces artistes maintenaient une liberté de culture, une liberté d’expression dans un régime qui voulait étouffer non seulement l’avenir de la culture mais qui voulait aussi priver les gens de la mémoire du passé. Et la leçon que Jan Vladislav nous donne et qui restera bien après sa mort, c’est la démonstration que l’on peut dire non, que l’on peut refuser de participer au mensonge, d’être agent de la servitude, que ceci a un prix et que cet exemple vaut non seulement pour le passé mais aussi pour le présent et pour l’avenir.»