Dans le Perche, une passion de 30 ans pour les radios du monde

Vous le savez, Radio Prague, émissions internationales de la Radio tchèque, a cessé d’émettre en ondes courtes le 31 janvier 2011. Si certains radioamateurs purs et durs ont depuis abandonné l’écoute de nos émissions, d’autres y sont malgré tout restés fidèles sur Internet ou grâce au satellite. D’une part parce qu’ils restent attachés à la République tchèque, et d’autre part parce qu’on n’efface pas comme ça, comme si de rien n’était, plus de 75 ans d’histoire. C’est cette longue tradition de l’écoute de Radio Prague qui nous a valu, en juin dernier, d’être invités en France à la Rencontre des amis de la radio du Radio Club du Perche. L’espace d’un week-end, radioamateurs et journalistes de stations internationales étaient donc réunis à Gréez sur Roc, histoire de fêter le 30e anniversaire du club et de parler radio et ondes courtes, une passion partagée par Guy Le Louet et Gilles Gautier, président et vice-président du Radio Club du Perche. Guillaume Narguet les a interrogés alors qu’ils étaient précisément à l’écoute :

Photo: Radio Club du Perche
Guy et Gilles, pourriez-vous expliquer à nos auditeurs ce que vous faites ce dimanche matin à l’occasion de la Rencontre des amis de la radio ?

Guy : « Actuellement, nous écoutons Radio Japon en français qui est sur la fréquence de 11730 Khz. »

On entend que le son est de piètre qualité. Quel est l’intérêt d’écouter un son de telle qualité ?

Gilles : « Techniquement, c’est sûr, ce n’est pas terrible, mais on a une information quand même. On a une information qu’on arrive à comprendre. Mais une demi-heure avant, nous écoutions Radio Roumanie, c’était cinq sur cinq, on l’entendait comme on entend RTL ou Europe 1. Là, c’est vrai que la qualité est moins bonne, mais c’est aussi une fréquence qui est dirigée vers l’Afrique. On est en France, c’est donc quand même pas mal de pouvoir les capter. »

Et qu’avez-vous appris de Radio Roumanie ou de Radio Japon aujourd’hui ?

Gilles : « Radio Roumanie a parlé du salon du livre à Bucarest où une écrivaine française présente des livres pour adultes et pour enfants. Ils ont aussi parlé d’un festival de théâtre à Timisoara. »

Depuis janvier 2011, Radio Prague ne diffuse plus sur ondes courtes. Est-ce une station qui vous manque ?

Photo: Site officiel du Radio Club du Perche
Guy : « Tout à fait. Heureusement, il y a encore Internet, mais pour les passionnés d’ondes courtes que nous sommes, ça ne remplacera pas le fait d’être sur la fréquence et d’écouter Radio Prague. Mais Internet est un moindre mal. »

Qu’est-ce qui prime pour vous ? Est-ce la réception des ondes courtes ou alors le contenu qui vous permet de savoir ce qui se passe un peu partout dans le monde ?

Guy : « Pour nous, c’est l’ensemble. Le côté réception a bien sûr une importance pour le radio-écouteur. Mais l’information est aussi importante pour les comparer aux informations nationales et pour savoir ce qui se passe dans les pays proches de la France. »

Sur quels types de postes êtes-vous en train d’écouter les émissions ?

Guy : « C’est assez vaste ici puisque nous avons des postes spécialisés pour écouter les radios amateurs et la radiodiffusion, l’ensemble des radios. Nous avons aussi des postes tout à fait ordinaires. J’ai deux autres récepteurs devant moi un peu plus techniques pour lesquels il faut manipuler les boutons et connaître la technique pour pouvoir faire fonctionner correctement ces postes. Nous avons aussi des postes anciens, des postes TSF. Nous sommes aussi passionnés par les vieux postes. »

Quel sera l’avenir des ondes courtes selon vous ?

Gilles : « On le voit au fil des ans, c’est de plus en plus difficile pour les stations, cela a un coût d’émettre. Je pense que de plus en plus de radios vont passer à Internet. Même si des pays comme la Chine prennent une nouvelle fréquence dès qu’elle se libère, je ne pense pas que beaucoup de pays continueront d’émettre en ondes courtes dans les décennies qui viennent. Presque tous les ans, une station disparaît des ondes courtes. »

Pensez-vous que c’est une politique logique des stations ?

Guy: « Je pense que les ondes courtes peuvent encore servir aujourd’hui. C’est certain que c’est un problème économique. Il est beaucoup plus facile de faire une émission sur Internet avec peu de coûts alors qu’une émission en ondes courtes nécessite un émetteur qui coûte très cher en termes de consommation électrique, d’entretien. Mais je pense que les ondes courtes ont encore leur place. La Chine prend une fréquence dès qu’elle est disponible. Les Chinois ont compris que les ondes courtes avaient encore leur place. Il ya encore beaucoup de choses à faire, ne serait-ce que pour les radios amateurs. Certaines stations utilitaires fonctionnent aussi grâce aux ondes courtes. La radio n’est pas condamnée, on s’aperçoit que dans toutes les voitures il y a un autoradio. La radio a encore sa place. Beaucoup de gens écoutent la radio le matin. »

Ceci dit, les gens n’écoutent pas les ondes courtes. Pour les stations, un des éléments dans la prise de décision est aussi le fait que les émissions touchent relativement peu de gens.

Guy : « C’est certain qu’il faut être passionné. La majorité de la population ne sait pas qu’il ya des émissions en ondes courtes en français, que Radio Japon, La Voix de l’Amérique ou Radio Moscou devenue La Voix de la Russie diffusent des programmes en français. »

Ces stations internationales diffusent en plusieurs langues. Quelle est l’évolution de la place du français dans le monde ?

Gilles : « Heureusement que certains pays défendent la langue française, car même en France, elle n’est pas beaucoup défendue. Lorsque les stations réduisent leurs effectifs, elles commencent par les langues les moins écoutées. L’anglais prend le dessus… Radio Slovaquie m’a dit que le français est seulement la cinquième langue la plus écoutée de la radio. Nous ne sommes pas bien placés pour qu’une station nous conserve si elle doit supprimer un service. »

Guy, vous êtes président du Radio Club du Perche qui fête son trentième anniversaire cette année. Que représente pour vous cette étape ?

Guy : « Pendant trente ans, beaucoup d’amis se sont retrouvés pour faire de l’écoute, pour échanger. Je pense que ce cap des trente ans doit se fêter. Il y a quelque chose dont on ne parle jamais, c’est la radio numérique terrestre. Elle est en train d’évoluer. Je crois qu’il y a encore de l’espoir. Avec la radio numérique terrestre, on va peut-être pouvoir fêter nos quarante ans. »

Le slogan de cet anniversaire est « 30 ans à l’écoute du monde ». Comment a évolué la radio pendant ces trente ans ?

Guy : « En trente ans, le bloc de l’Est est tombé et cela a modifié beaucoup de choses. Avant, on parlait de la Tchécoslovaquie. Aujourd’hui, la République tchèque et la Slovaquie sont deux pays différents. L’évolution de la Chine a aussi complètement modifié les données en trente ans. Il y a eu beaucoup de changements et lorsqu’on écoute la radio, on évolue aussi avec le monde qui change. On a vu l’émergence de certaines stations que l’on n’entendait pas auparavant et qui se sont dirigées un peu plus sur la communication par le bais de la radio. »

Vous évoquez les changements en Europe centrale et de l’Est. Comment ont évolué les émissions de Radio Prague pendant ces années ?

Gilles : « On voit bien que les informations diffusées aujourd’hui ne sont plus les mêmes que celles d’avant 1989. L’anti-américanisme et la critique de l’Europe de l’Ouest étaient flagrants avant la révolution de velours. Les gens au pouvoir avaient une grande influence sur la radio et les journalistes ne disaient pas toujours ce qu’ils pensaient. Après 1989, l’image et le discours ont beaucoup changé. »

Trente ans d’écoute de la radio sur ondes courtes, cela représente beaucoup d’émission et de pays. Quelles émissions en ondes courtes vous ont particulièrement marqué durant cette période ?

Guy : « Il y a quelques années, la RTBF envoyait régulièrement le dimanche des messages pour les soldats belges qui participaient à la guerre d’Irak. Les familles demandaient de la musique et envoyaient souvent un message d’amour à leurs enfants. C’était assez émouvant. »

Gilles : « C’était la première. J’ai découvert les ondes courtes grâce à mon oncle. Quand j’ai écouté ma première émission, c’était la KBS, la radio de la Corée du Sud. A écouter une émission en français venue de si loin sur un poste, j’étais ébloui comme un gamin de 15 ans alors que j’en avais une trentaine. »

La radio, c’est la passion d’une vie pour vous?

Guy : « Cela fait partie du caractère d’une personne. Des gens vont ne voir aucun intérêt devant un poste de radio et d’autres vont y trouver du plaisir. On a toutes sortes de passions dans la vie. J’aime la radio mais j’aime aussi le sport. Nous ne sommes pas bloqués sur une passion, on s’intéresse à tout et je pense que ça nous apporte un très grand enrichissement culturel. »

Gilles : « Je suis beaucoup moins technique que Guy, qui recherche beaucoup de radios pirates. Pour moi la radio, c’est l’information. J’essaye de noter un maximum de choses. Je les relie de temps en temps et les garde en mémoire. C’est bien d’entendre des informations venues du bout du monde et de découvrir des choses qu’on ne connaît pas. Je suis passionné par la géographie et l’histoire. La radio m’apporte tout ça. J’espère pouvoir encore écouter les ondes courtes à 80 ans, car c’est de l’information et c’est le but pour moi. »