Dépendance énergétique et hausse des prix

Attention, on ne quitte plus une pièce sans éteindre la lumière ! Les prix de l’électricité augmentent en ce début d’année 2008 et cela n’est sans doute qu’un début. Le débat est plus vaste et concerne l’évolution des politiques énergétiques en République tchèque. Avec à la clé, une question de base : dépendance ou indépendance ? Les enjeux liés sont bien sûr aussi économiques.

Mauvaise nouvelle pour les consommateurs d’électricité en République tchèque : l’augmentation des prix devrait s’afficher comme une tendance lourde des années à venir. Le besoin de reconversion énergétique que connaît le pays en constitue la principale raison. Face aux nouvelles sources d’énergie, le charbon, source traditionnelle en République tchèque, ne s’avère plus aussi fiable. Si, en 2007, le géant de l’électricité et du gaz ČEZ, utilisait le charbon pour plus de la moitié de sa production énergétique, il pense désormais tabler sur de nouvelles sources. ČEZ pense-t-il au nucléaire ?

Aujourd’hui, l’énergie nucléaire compte pour environ 30 % de la consommation énergétique du pays. On est loin ici du modèle français, par ailleurs unique en Europe, où le nucléaire couvre les besoins énergétiques de l’ensemble du pays. La volonté politique semble pour l’instant manquer en République tchèque pour une telle évolution et aucun plan d’ensemble n’est en vue. Pour preuve, la faible augmentation d’énergie nucléaire produite en 2007.

La centrale thermique de Počerady,  photo: Štěpánka Budková
C’est en fait le gaz qui a les faveurs de ČEZ. La compagnie a annoncé son intention de faire du gaz une source d’énergie majeure et de reconvertir ainsi ses unités de production de charbon dans ce sens. La construction d’une unité de production est en projet dans le nord de la Bohême.

Le charbon étant une cause importante de la pollution en Bohême et en Moravie nord, le choix de sources d’« énergies vertes » comme le gaz naturel représente un aspect positif. Mais est-ce vraiment un choix ? La Commission européenne a annoncé qu’elle procéderait à des audits sur le respect des limites d’émission de CO2. En revanche, la reconversion devrait coûter cher et les prix pourraient bien doubler dans les années en venir selon les experts.

Autre point négatif soulevé par certains observateurs, le risque accru de dépendance à l’égard de la Russie si le gaz devenait la source d’énergie dominante. On a pu voir, avec l’Ukraine il y a quelques années, que Moscou n’hésitait pas à brandir la menace d’augmentation des prix pour des pressions éventuellement politiques.

Il est vrai que la République tchèque n’est pas l’Ukraine et que, contrairement à cette dernière, elle est totalement sortie d’une quelconque sphère d’influence russe depuis 1989. Il n’en reste pas moins que la Russie demeure le principal fournisseur de gaz en Europe, même si elle n’est pas le seul...

En juin 2007, le président américain, Bush, se rendait à Prague pour défendre son projet d’installation d’un radar anti-missile en Bohême. Un projet auquel la Russie s’oppose fermement. Deux mois plus tard, à l’occasion de la nomination prévue de Dominique Strauss-Kahn à la tête du FMI (Fonds Monétaire International), Poutine proposait une contre-candidature avec le Tchèque Josef Tošovský. La manœuvre de séduction, s’il s’agissait de cela, n’a en tout cas pas réussi puisque le gouvernement tchèque a préféré respecter ses engagements auprès du Conseil des ministres de l'Economie et des Finances de l'UE, arguant que Tošovský, c’était le choix de Moscou, mais pas celui de Prague. Si la République tchèque dépendait entièrement du gaz, on peut imaginer que la séduction russe se transforme à l’occasion en pression...

Le gaz naturel consommé en République tchèque provient en majorité du russe Gazprom (qui transite via l'Ukraine et le gazoduc Droujba) mais également de la Norvège et de l'Allemagne. Si la République tchèque est largement dépendante des importations pour le gaz, elle est en revanche exportatrice d’électricité. Mais dans ce domaine aussi, de sérieux changements pourraient bien voir le jour. En septembre 2007, la Commission européenne a mis sur la table un plan visant à casser les quasi-monopoles de l’électricité en Europe. Le but affiché est d’obtenir une réduction des prix. Un souhait bien louable en cette année 2008, qui voit, en République tchèque une augmentation généralisée de l’électricité. Une véritable constante puisque, depuis 2000, on observe une augmentation de 75 % des prix de l’électricité !

Malgré l’entrée de quelques petites compagnies dans le secteur en 2006, l’électricité reste dominée en République tchèque par trois colosses : ČEZ, E.ON (allemand) et PRE (Pražská energetika). A eux trois, il gèrent 95 % de l’activité. A terme, les experts prédisent le même avenir pour l’électricité que pour le gaz. Face aux besoins accrus d’une économie en croissance, la République tchèque deviendrait importatrice d’électricité aux alentours de 2015.

Espérons que ces changements ne se transforment pas en bourrasque économique et rappelons, pour finir, les conséquences fâcheuses de la tempête Emma qui s’est récemment abattue sur la région. De nombreuses maisons ont été privées d’électricité, les vents violents ayant, dans certaines régions, déraciné des pylônes électriques. Au 1er mars dernier, soit au pic de la tempête, on comptait près d’un million de foyers sans courant. Notons que la normale a été très vite rétablie. Selon un sondage récent sur les peurs comparées des Français et des Tchèques, ces derniers placeraient les catastrophes naturelles - version cataclysme - parmi leur plus grande phobie. Et si la dépendance énergétique était plus à craindre ?