Des initiatives pour soutenir le monde du livre et de la culture

'Deviens un héros – Sauve une librairie !'

Plusieurs initiatives ont été lancées pour soutenir le secteur culturel en Tchéquie, d’ordinaire déjà fragile mais tout particulièrement touché par la crise sanitaire. Parmi celles-ci, une campagne de soutien au monde de l’édition mais aussi un projet de la Télévision tchèque pour relancer l’organisation d’événements culturels en général.

« N’importe qui circulant dans le métro à Prague remarque que les Tchèques lisent beaucoup. Ils achètent beaucoup de livres, ils les revendent pour s’en acheter d’autres. C’est ça qui justifie qu’il y ait un grand nombre d’‘antikvariát’ à Prague ou qu’il y en ait eu un grand nombre. »

L’été dernier, l’historien français Alain Soubigou nous confiait sa passion pour les « antikvariát », ces librairies de livres d’occasion si typiques de Prague et qui révèlent une vraie culture de la lecture chez les Tchèques. Déjà menacés par la hausse des loyers, leur nombre a largement diminué ces dernières années, certains ayant trouvé refuge sur Internet, quand ce dernier ne les a pas tout bonnement rendus obsolètes. Le coronavirus aura-t-il raison de la plupart des bouquinistes restants ? Et qu’en sera-t-il des librairies classiques qui accusent déjà des ventes en baisse de moitié ? Les Tchèques seront-ils à la hauteur de leur réputation de grands lecteurs en boostant les ventes ?

En tout cas, que les librairies aient besoin d’un coup de pouce, le monde de l’édition l’a bien compris : ce lundi a été lancée une campagne intitulée « Deviens un héros – Sauve une librairie ! », sous l’égide de l’Association des libraires et éditeurs tchèques. Le principe : les maisons d’édition ont sélectionné 80 livres, pour lesquels elles renoncent à une partie des bénéfices. Aux lecteurs désormais de faire leur sélection sur le site www.zachranknihkupectvi.cz et d’acheter un de ces best-sellers dont chaque vente permettra à leur libraire favori de récupérer 10 couronnes en plus de leur marge habituelle.

« Nous avons d’abord choisi les best-sellers de notre production, puis nous avons fait appel à d’autres maisons d’édition, car nous estimons que l’état actuel des librairies est catastrophique, qu’elles sont abandonnées par l’Etat,» explique le directeur marketing d’Euromedia Group, un des plus grands groupes de maisons d’édition de République tchèque. « Il faut tendre la main aux libraires, pas seulement en leur proposant une marge plus importante, mais aussi via une campagne qu’ils ne pourraient pas se permettre de financer. Combiné avec l’aide des clients, cela pourrait aider à sauver les librairies. »

Photo illustrative: Eva Turečková
Dès le début du confinement et la fermeture de tous les commerces dits non-essentiels comme les librairies, le président de l'Association des libraires et éditeurs tchèques, Martin Vopěnka, avait tiré la sonnette d’alarme, estimant que le marché du livre pourrait ne pas survivre à la situation actuelle. Fin mars, une lettre ouverte d’acteurs du secteur avait interpellé le gouvernement tchèque sur la question.

Si les ventes en ligne des grandes enseignes ont quelque pu compenser le manque à gagner, les petites librairies indépendantes restent les plus fragilisées. Cela fait trois semaines que les librairies ont pu rouvrir dans le pays, dans le cadre des différentes phases du déconfinement. Depuis le 11 mai, celles implantées dans les grands centres commerciaux ont également pu à nouveau accueillir des clients. Mais selon l'Association des libraires et éditeurs tchèques, les ventes oscillent actuellement en moyenne entre 50 et 70 % de leur chiffre d’affaires habituel pour la période.

Le marché du livre n’est évidemment pas le seul touché par le manque à gagner lié à l’arrêt généralisé de toutes les activités culturelles. De son côté, la Télévision tchèque a lancé un nouveau projet en soutien au monde de la culture. Déjà à l’origine d’une nouvelle chaîne éducative à l’intention des enfants privés d’école et des seniors, catégorie de la population en première ligne en termes de fragilité face à l’épidémie, elle vient de présenter « Česká tleská » pour soutenir les organisateurs d’événements culturels.

Depuis le 18 mai, les organisateurs de concerts, de spectacles de théâtre, d’exposition ou autre événement culturel peuvent ainsi envoyer une demande de soutien à la Télévision tchèque. Les heureux élus auront ensuite la possibilité d’envoyer une vidéo invitant le public à leur événement qui sera ensuite diffusée sur les chaînes de Česká televize.

Le critère de sélection pour promouvoir les événements ne sera pas leur taille, mais plutôt leur importance, leur qualité et leur contribution à faire revivre la culture partout dans le pays, même dans les coins plus reculés. Jusqu’à nouvel ordre, l’organisation des événements culturels en Tchéquie est limitée à 300 personnes maximum. Mais comme pour toutes les autres mesures de restriction, progressivement assouplies dans le cadre du déconfinement, cette limitation pourrait également évoluer dans les semaines à venir, en fonction de la situation épidémiologique dans le pays.