Des vestiges d’un foyer néandertalien découverts dans le nord de la Tchéquie
Des archéologues ont découvert les vestiges d’un établissement de chasseurs-cueilleurs néandertaliens à Turnov, dans le nord de la Tchéquie. Provisoirement daté au Paléolithique moyen, pendant la dernière ère interglaciaire, ce site remonterait à une période comprise entre 126 000 et 115 000 avant J.-C. Les scientifiques estiment que cette découverte est unique en son genre.
Quarante objets en tout, fabriqués par un groupe de Néandertaliens évoluant jadis dans la région du Paradis de Bohême, ont été mis au jour à l’occasion de fouilles préventives réalisées en octobre et novembre dernier. Témoignage d’une installation de cette espèce d’hominidés éteinte il y a environ 40 000 ans, cette découverte n’est pas la première du genre faite dans la région, mais elle se distingue par le lieu : en effet, les autres découvertes archéologiques de ce type ont été réalisées aux abords de rochers, de promontoires ou de grottes, or ici, elle se situe en paysage ouvert.
Ces vestiges ont été mis au jour à la faveur d’un chantier de construction d’un nouveau centre d’appel pour les pompiers, la police et les services de secours. Roman Sirovátka, du Musée du Paradis de Bohême à Turnov, nous en dit plus :
« Le site était enfoui dans une terrasse fluviale de sable et de gravier, caché sous une couche de lœss qui s’est formée à la fin de l’ère glaciaire. C’est pourquoi nous sommes presque certains que la découverte date du Paléolithique moyen. L’établissement devait se trouver là il y a 110 000 ans au plus tard. »
Cette datation est étayée par la découverte d’outils, tels qu’un grattoir en jaspe, et d’autres petits objets, preuves qu’en ces lieux ont séjourné à l’époque des groupes de chasseurs-cueilleurs :
« Nous avons découvert des fosses remplies de charbon de bois et de terre brûlée, ce qui suggère qu’elles étaient probablement utilisées comme foyers. Nous avons également mis au jour plusieurs outils en pierre et des vestiges d’abris. Nous avons également prélevé des échantillons de sol, sur la base desquels nous pourrons ensuite tenter de reconstituer l’environnement naturel autour du site. »
Néandertal, un hominidé plus complexe qu’il n’y paraît
Cette découverte d’un établissement d’une population néandertalienne n’est pas seulement intéressante par son emplacement. Elle s’inscrit dans un moment particulier de la recherche archéologique qui revisite et réévalue l’Homme de Néandertal, notre ancêtre disparu dont nous portons toutefois encore quelques traces génétiques (2 % quand même !) en raison d’accouplements avec Homo Sapiens et d’une cohabitation d’une certaine durée avant l’extinction de cette espèce. En 1856, les ouvriers d’une carrière de la vallée de Neander en Allemagne tombent sur un ensemble d’os fossilisés, et croient avoir découvert le squelette d’un ours. Une confusion due à une musculature compacte et massive pour s’adapter aux climats relativement froids des régions qu’ils peuplent.
Longtemps présenté comme une sorte de brute épaisse à l’intelligence rudimentaire, Néandertal est aujourd’hui reconsidéré : outre ses capacités artisanales pour créer les objets dont il avait besoin, on sait aujourd’hui qu’il était capable de pensée symbolique, comme en témoignent certaines découvertes comme celle de peintures rupestres remontant à 65 000 ans. Si la nature abstraite de l’œuvre continue de faire débats dans la communauté scientifique, les chercheurs sont toutefois d’accord pour dire que Néandertal était une espèce bien plus complexe qu’on ne l’imaginait.
La découverte réalisée à Turnov devrait donc permettre d’en savoir un peu plus sur la population néandertalienne qui a vécu dans la région, et sur ses activités :
« C’étaient des chasseurs-cueilleurs, tout comme Homo Sapiens. Ils se déplaçaient autour de leur campement, chassant des animaux et cueillant des baies et des herbes. On ne sait pas encore s’il s’agissait d’un établissement permanent ou temporaire. Mais nous sommes à peu près certains qu’il y avait une forêt à l’époque, qui a disparu avec l’arrivée de l’ère glaciaire. Pour l’instant, nous ne pouvons rien dire de plus sur la base de cette découverte. »
Au vu du nombre d’objets mis au jour, il est toutefois possible de supposer qu’il s’agissait d’une installation plus permanente où pouvaient vivre entre quinze ou vingt personnes. Mais pour en savoir davantage, il faudrait élargir les fouilles : les archéologues estiment possible qu’il y ait des objets similaires à l’est du site, là où se trouve actuellement un champ. Le site est enfoui sous une couche de lœss de 1,5 à 2 mètres d’épaisseur, et pour atteindre une telle profondeur, il faudrait des travaux de construction de même ampleur. Aucun chantier de construction n’étant prévu à cet endroit dans un avenir prochain, il faudra donc de la patience aux archéologues de la région pour – littéralement – creuser davantage la question du peuplement néandertalien dans cette région de Bohême.
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