Arrêt du transit du gaz russe par l’Ukraine : la Slovaquie refuse la main tendue par les Tchèques
Jeudi, trois jours après lui avoir proposé de mettre ses infrastructures de stockage et de transport à sa disposition, le ministère de l’Industrie et du Commerce a informé que la Slovaquie, confrontée à la décision de l’Ukraine de ne plus laisser le gaz en provenance de Russie transiter par son territoire, n’avait pas donné suite à son offre d’aide. Plus que jamais, et même si d’importantes quantités de gaz russe ont été importées en novembre et décembre derniers, Prague se félicite d’avoir réagi à temps pour diversifier ses sources d’approvisionnement et pouvoir ainsi, désormais, en la matière, être indépendante de la Russie.
Pour la Tchéquie, la décision prise par Kiev de ne pas renouveler un accord signé dernièrement en 2019 autorisant le transit de gaz russe sur son territoire et donc de fermer les robinets du gazoduc transnational par lequel le gaz en provenance de Sibérie arrivait en Europe, signifie qu’elle se retrouve désormais sans approvisionnements de gaz russe.
Toutefois, comme dans d’autres pays européens, à l’exception notable de la Slovaquie notamment, les dirigeants tchèques n’ont eu de cesse de répéter que le nécessaire avait été fait, depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, pour que la Tchéquie soit en mesure de s’approvisionner auprès d’autres sources à l’ouest via l’Allemagne de manière à ne plus être aucunement dépendante des importations en provenance de Russie.
Expert en sécurité énergétique interrogé, jeudi, par la Radio tchèque, Michal Kocůrek considère, donc, que la volonté de l’Ukraine de ne plus laisser passer le gaz russe sur son territoire pour saper la capacité de Moscou à financer l’effort de guerre, n’aura pas de conséquence stratégique majeure pour un pays comme la Tchéquie et la majorité des autres pays européens :
« Il s’agit d’un changement important, bien sûr, mais qu’il convient de relativiser dans le contexte des événements qui se sont produits depuis 2022. De mon point de vue, cet arrêt du transit par l’Ukraine ne modifie pas fondamentalement la situation sur le marché, car le volume de gaz provenant de Russie qui était importé était devenu marginal par rapport à la période qui a précédé l’invasion russe de l’Ukraine et avant, donc, 2022. »
Selon Michal Kocůrek, l’un des pays les plus touchés est la Slovaquie. Alors que celle-ci, jusqu’à tout récemment, pouvait facturer des droits de transit importants en acheminant le gaz russe vers la Hongrie et l’Autriche notamment, elle se retrouve désormais tout au bout de la chaîne d’approvisionnement.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, lundi dernier, dans la perspective de la fin, à compter du 1er janvier, du transit via l’Ukraine, le ministère tchèque de l’Industrie et du Commerce a proposé à la Slovaquie de mettre à sa disposition ses capacités de transport de gaz, expliquant que la Tchéquie disposait d'infrastrctures suffisantes pour alimenter le voisin. Une main tendue que, pour l’heure, le gouvernement slovaque a toutefois refusé d’accepter, son Premier ministre Robert Fico préférant menacer l’Ukraine de cesser de lui fournir de l’électricité ou de réduire les aides aux réfugiés séjournant en Slovaquie.
Pour la Tchéquie, alors que lundi dernier encore, l’opérateur Net4Gas a informé que 95 % du gaz importé en Tchéquie à la fin de l’année 2024 provenait de l’Est, et, donc, principalement de Russie, la question peut toutefois se poser de savoir pourquoi il en a été ainsi. Une question à laquelle Martin Záklasník, ancien directeur de l’antenne tchèque de la société énergétique E.ON et lui aussi interrogé par la Radio Tchèque, a répondu en estimant qu’il s’agissait là d’une position commerciale logique compte tenu des prix sur le marché :
« Cela se passe en effet depuis le mois de novembre et je pense qu’il s’agit d'une décision délibérée, tout simplement parce qu’acheter du gaz russe revenait moins cher. Je suis convaincu que la société russe Gazprom voulait se servir de cela comme d’un argument pour influencer les différents acteurs du marché, qui pouvaient alors dire : ‘Vous voyez ? Le gaz russe est moins cher et nous devrons en acheter d’autres plus chers’. C’est pourquoi près de 100 % du gaz qui est arrivé en Tchéquie en novembre et décembre provenait de Russie. Toutefois, si l’on considère l’ensemble de l’année 2024, la part du gaz non russe dans les approvisionnements tchèques a été d’environ 55 %. »
Et selon Michal Kocůrek, la décision de l’Ukraine de ne plus laisser transiter le gaz russe vers la Slovaquie à travers les pipelines, met d’ailleurs fin à un débat qui a beaucoup fait jaser en Tchéquie ces dernières semaines :
« Nous arrêterons de parler de la question de savoir si nous prenons ou non du gaz russe. Nous n’en prendrons plus tout simplement parce qu’il n’y aura plus de surplus de gaz russe en Slovaquie que les négociants tchèques pourront acheter. »